Quand la science nous explique pourquoi l'Etat est incapable de prévoir si une politique publique peut fonctionner ou non<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
La plupart des conclusions des sciences sociales ne sont pas “scientifiques” dans le sens où le sont les conclusions des sciences exactes.
La plupart des conclusions des sciences sociales ne sont pas “scientifiques” dans le sens où le sont les conclusions des sciences exactes.
©Reuters

Le Nettoyeur

Dans nos débats politiques, surtout en France, il y a souvent des débats pour décider si nous devons adopter une solution A ou une solution B, mais peu de débats pour savoir si nous sommes même capables de savoir s'il y a une solution.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

Voir la bio »

La question fondamentale de la politique est : comment devons-nous organiser la société ?

Répondre à cette question fait appel à de nombreux présupposés moraux et philosophiques, aux convictions sur la nature humaine et la justice. C'est normal.

Cela étant dit, on peut aussi remarquer que cette question présuppose que nous savons comment organiser la société. Et que ça peut être un problème.

Dans nos débats politiques, surtout en France, il y a souvent des débats pour décider si nous devons adopter une solution A ou une solution B, mais peu de débats pour savoir si nous sommes même capables de savoir s'il y a une solution.

Dans un livre récent, l'entrepreneur et intellectuel Jim Manzi démontre les limites de notre connaissance dans le domaine humain : les méthodes expérimentales développées pour les sciences “dures” ne permettent pas d'établir des équivalents pour le domaine humain des “lois de la nature”. La plupart des conclusions des sciences sociales ne sont pas “scientifiques” dans le sens où le sont les conclusions des sciences exactes.

Si je vous injecte un vaccin qui a été testé dans des conditions scientifiques, j'ai une probabilité très forte qu'il aura l'effet sur vous qu'indique le test des conditions. Si j'ai testé un programme de réduction du chômage dans une ville et que je l'étends à tout le pays, je n'ai qu'une probabilité très faible que les résultats seront les mêmes.

La raison est la “densité causale” : dans une expérience de physique ou de chimie, les facteurs de cause et d'effet sont limités, et donc il est relativement facile de déterminer si, quand il se passe A puis B, A a causé B. Dans une situation sociale, la densité causale est tellement importante que c'est bien plus difficile. On a réduit le RSA et le chômage a baissé. Peut être que c'est dû à la baisse du RSA. Mais peut-être que c'est parce que les circonstances macroéconomiques ont changé. Peut-être que c'est parce qu'en même temps le gouvernement a mis en place d'autres politiques. Peut-être que c'est parce la structure du marché du travail a changé. Il est tout simplement impossible de déterminer scientifiquement l'impact causal d'une politique publique.

Lorsqu'on se rend compte de cela, on doit se rendre compte que le premier critère des politiques doit être l'humilité. Comme le dit le dicton, le début de la sagesse, c'est connaître les limites de son savoir et en ce qui concerne les sciences sociales et les politiques publiques, nous savons très peu de choses.

La conséquence de cette humilité est de se rendre compte que le meilleur moyen de progresser est de faire autant d'expérimentation que possible pour permettre à chaque personne et à de nombreux groupes de découvrir ce qui marche, dans un processus adaptatif d'essai et d'erreur.

Faire de l'expérimentation littéralement : faire autant d'expériences en sciences sociales que possible pour essayer d'en apprendre plus sur notre condition.

Mais faire de l'expérimentation métaphoriquement aussi : permettre autant que faire se peut à chaque acteur social de faire ce qu'il veut, puisque l'Etat est si mal placé pour savoir ce qui marchera ou pas.

Les êtres humains sont très mauvais pour accumuler et traiter l'information. Ça montre que la planification centrale ne peut qu'échouer, et que le meilleur moyen d'avancer est que la personne ou le groupe le plus proche d'une situation prenne les décisions le concernant, car c'est celui qui a le plus d'information.

Autrement dit, nous sommes bêtes et ignorants, et c'est pour ça que nous devons être libres.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !