Politique fiction : et si la crise avait fini par réveiller le grand homme qui sommeille en François Hollande ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Parfois, les crises révèlent les grands hommes là où on ne les attend pas.
Parfois, les crises révèlent les grands hommes là où on ne les attend pas.
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Le Nettoyeur

Parfois, les crises révèlent les grands hommes là où on ne les attend pas. Dans les années 30, le modéré et discret Paul Reynaud était devenu le plus grand ennemi parlementaire de la Grande dépression et de l'Allemagne nazie. C'est peut être l'exemple qui a inspiré la politique audacieuse de François Hollande depuis son arrivée au pouvoir.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Dès son élection, il a donné le ton : son objectif unique serait la relance. Et puisque c'était son objectif unique, il mettrait tous les outils à son profit, quelle que soit leur origine idéologique : baisse des impôts, hausse des dépenses, déréglementation, course à l'innovation.

La première étape, c'est l'innovation : dès l'été la mise en place de grands concours d'innovations. Pour qui créera des prototypes de voitures autonomes, des médicaments innovants, des services innovants, l'Etat signera des chèques, et des gros chèques. Un équivalent français de la DARPA, agence de recherche sur les idées folles, est mise en place, avec un budget important, une vraie autonomie, et pas de bureaucratie. Dès 2013, des expositions universelles dans toutes les villes de France mettront en lumière ces innovations. De grandes campagnes de pub popularisent cette innovation, en France et à l'extérieur. Les startups commencent à réfléchir à déménager en France.

La deuxième étape, c'est la révolution fiscale. Baisse drastique des charges sur les bas salaires. Simplification du code des impôts. Abolition de l'IS pour les entreprises de moins de 1000 employés et réduction du taux pour les entreprises de plus de 1000. Nouvel impôt sur les plus-values, plus élevé pour les plus-values à court-terme, mais nul pour les plus-values à long terme. Élargissement de l'assiette de l'ISF avec progressivité accrue. Crédit d'impôt recherche accru mais limité aux PME. Baisse des impôts sur tous les plans, sauf pour les très hauts revenus.

La troisième étape, c'est la relance publique. D'abord, la crise du logement, urgence due à un manque d'offre. La réduction des diverses aides aux rentiers est compensée par une déréglementation de la construction et un grand programme de financement de construction de nouveaux logements, véritable Plan Marshall. Ensuite, l'augmentation des emplois publics et la multiplication des emplois aidés, notamment pour les emplois peu qualifiés et dans les banlieues et autres zones économiques sinistrées.

La déréglementation, ensuite. L'accord historique entre syndicats patronaux et de salariés est validé, et un rendez-vous est pris pour une négociation chaque année. L'entrepreneuriat est favorisé. La finance en prend pour son grade : taxe Tobin, séparation de banque de dépôt et de banques d'affaires, mise en place de nouveaux marchés financiers pour les PME, annonce d'un objectif de création de nouvelles banques, notamment pour les PME, avec obtention de licences facilitée, concours de plate-formes de prêt en peer-to-peer pour particuliers et entreprises pour accroître la concurrence aux banques. Une commission de simplification du droit composée à égalité de personnalités de gauche et de droite est mise en place ; contrairement aux comités théodules, celle-ci est mise en place par une ordonnance qui impose au Parlement d'adopter ou de rejeter leurs propositions en bloc chaque année. La négociation avec certains lobbies (taxis, pharmaciens, notaires, petits commerçants...) met en place le principe du “payer pour réformer” : par exemple, l'Etat rachète aux taxis leurs licences à un très bon prix avant de libéraliser le secteur pour compenser leur manque à gagner, ce qui permet à la fois de réformer et d'injecter de l'argent dans l'économie. Alors que les autres pays ferment leurs portes, une nouvelle loi permet aux diplômés étrangers qui trouvent un emploi en France d'y immigrer.

Au service de sa monomanie, François Hollande met à profit le talent politique tactique qui lui a permis de rester à la tête de la maison de fous du PS pendant 10 ans. Il met son impôt à 75% dans sa loi fiscale puis laisse le Conseil constitutionnel lui faire enterrement de première classe. Il ignore Arnaud Montebourg qui zébulonne, laissant ses services de Bercy lui couper les ailes. Puisque l'orthodoxie budgétaire est sans intérêt, Jérôme Cahuzac est remplaçable et remplacé dès qu'il est mis en cause. Le président triangule : les nouveaux emplois publics sont concentrés sur la police et, après la guerre au Mali, l'armée, ce qui déséquilibre l'opposition de l'UMP, accusée d'être contre la sécurité. Après le mariage pour tous, la légalisation des drogues permet aux débats “sociétaux” d'occuper l'espace médiatique pendant que les réformes avancent (et de créer un nouveau secteur économique et touristique). Les grands vins de la cave de l'Elysée sont vendus aux enchères pour financer les emplois aidés. François Hollande parle comme Mélenchon et agit comme Thatcher. L'opposition est forcenée, sa majorité est déchirée, les élites hurlent, mais il avance.

Chaque mois, l'emploi et la croissance grimpent. Mais le déficit et la dette explosent, et la cote de popularité du président s'effondre. Les entreprises hurlent contre la politique qui remplit leurs coffres. François Hollande a prévu son coup : Bercy a passé l'été 2012 à emprunter à long terme aux taux les plus bas pour créer des réserves de cash ; comme aux Etats-Unis, les banques françaises sont légalement obligées d'acheter la dette française ; un emprunt national est lancé pour libérer la France des marchés, ainsi qu'une loi permettant de mobiliser livrets A et développement durable.

Mais aucune de ces mesures ne peut, au final, éviter le bras de fer avec l'Allemagne et la BCE. En public comme en privé, François Hollande tient le même discours : ce qui tue l'euro, c'est l'austérité. Il faut que la BCE se mette au service de l'économie réelle, et ce même au prix d'une inflation modérée en Allemagne, qui doit aussi réformer son économie pour la réorienter vers plus de consommation. Dans un discours aussi applaudi que hué au Parlement européen, il exige que la BCE mette en place une cible de PIB nominal pour la zone euro, cible atteinte par des paiements directs aux citoyens dans les pays à chômage élevé, et la création par la BCE d'un fonds visant à monétiser la dette et financer les déficits et les réformes structurelles nécessaires. Un discours au Bundestag met en lumière, sous les quolibets, les fautes et l'aveuglement de l'Allemagne. La tournée des pays du sud de la zone euro est un triomphe, les discours à Athènes, Madrid, Lisbonne contre l'austérité applaudis à tout rompre, alors qu'en sous-main le Quai d'Orsay crée la coalition contre l'Allemagne.

Malgré tout cela, les taux de la dette française continuent de grimper dangereusement : en partie à cause de la relance, mais en partie à cause de l'hostilité de Mario Draghi et d'Angela Merkel. Hollande sait que la BCE peut mettre la France à genoux, et que sans la BCE sa relance ne sera qu'illusoire, mais il sait également que la BCE ne peut pas laisser la France s'effondrer sans détruire l'euro. Bras de fer, politique du tout-ou-rien où celui qui se couche en premier perd tout. Dans une grande interview télévisée, François Hollande reprend son anaphore du débat présidentiel et déclare : “Moi président de la République, le spectre de l'austérité ne détruira pas la relance ; moi président de la République, les puissances étrangères ne décideront pas la politique de la France souveraine ; moi président de la République, la politique de la France ne se fera pas à la corbeille de la Bourse ; moi président de la République, la France ne cèdera jamais – vous m'entendez, jamais.”

Un an après, voilà où nous en sommes. François Hollande a montré au monde un nouveau chemin ; ayant anticipé le retournement du consensus mondial sur l'austérité, il est vu internationalement comme un prophète et un homme d'Etat, bien qu'impopulaire en France et en Allemagne. Ces trains, France et Allemagne, pays latins et BCE, relance et austérité, sont lancés à toute vitesse l'un vers l'autre, et l'issue est moins claire que jamais. Mais François Hollande sait que s'il cède l'effondrement sera complet, alors que s'il persévère son nom sera inscrit dans les livres d'histoire en lettres d'or.

Cette chronique est une fiction, mais que le président de la République se rassure : il n'est pas trop tard. L'an prochain, en revanche, il le sera.

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