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Etats-Unis : la Cour suprême tentée de dire non au mariage homosexuel
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Trans-Amérique Express

Le mariage gay est devant les juges de la Cour suprême américaine. Loin de pencher pour sa légalisation, ceux-ci semblent plutôt tentés de ne pas se prononcer et de laisser les Etats libres de leur choix.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Un train peut en cacher un autre. C’est bien connu.  Avec la justice, c’est pareil. Une affaire peut en cacher une autre. Depuis hier, la Cour Suprême des Etats-Unis examine deux questions liées au « mariage gay ». Mais ses décisions, qui seront rendues publiques dans les semaines à venir, pourraient avoir une implication beaucoup plus large, à savoir redéfinir le rôle de la Cour Suprême elle-même au sein de la société américaine.  Après des années « d’activisme judiciaire », les juges semblent désormais souhaiter en revenir à  la « restreinte » qui fut de règle pendant deux siècles. Au détriment du « mariage gay », dont la cause serait rejetée.

Ce qui mérite pas mal d’explications.

D’abord qu’est-ce que la Cour Suprême, que les Américains  désignent souvent dans la presse pas ses initiales « SCOTUS » pour « Supreme Court Of The United States » ? C’est la plus haute cour de justice américaine. L’autorité ultime en matière judiciaire et l’interprète « in fine » de la Constitution. Le sommet de la troisième branche du pouvoir (les deux autres étant « l’exécutif » à travers la Présidence et le « législatif » à travers le Congrès).

Elle est composée de neuf juges nommés à vie par les présidents. Actuellement ces neufs juges s’appellent John Roberts, Antonin Scalia, Anthony Kennedy, Clarence Thomas, Ruth Ginsburg, Stephen Breyer, Samuel Alito, Sonia Sotomayor, Elena Kagan. Ils ont entre 52 et 80 ans.

La cour se compose donc de six hommes et trois femmes. Ainsi que de six catholiques et trois personnes de confession juive. Donc zéro protestant. Enfin de sept « blancs », une hispanique et un noir.

Ses membres ont été nommés par les cinq derniers présidents ; deux par Reagan, deux par Clinton, deux par George W. Bush, deux par Obama et un par George Bush père.

Les Américains distinguent deux tendances chez leurs juges : ils sont soit « conservateurs », soit « sociaux-libéraux ». Au sein de la SCOTUS actuelle les « conservateurs » sont cinq : Roberts, Scalia, Kennedy, Thomas, Alito, (tous catholiques) et les « sociaux-libéraux » quatre : Ginsburg, Breyer, Sotomayor, Kagan. Mais cette indentification est trompeuse. Car les juges restent libres de leurs décisions.

Ainsi, en 2010 sur la base de cette répartition les observateurs s’attendaient à ce que la Cour Suprême sanctionne la loi de santé du président Obama (le fameux « obamacare »). Ce ne fut pas le cas. Le juge Roberts, président de la Cour, se rangea avec le camp « social-libéral » et la loi fut déclarée constitutionnelle, à 5 voix contre 4.

A l’époque le juge Roberts avait multiplié les circonvolutions pour justifier son vote. Mais au-delà des arguments juridiques, celui-ci était motivé par une considération fondamentale : Roberts avait refusé de voir la Cour Suprême instrumentalisée par le pouvoir politique.

Toute la question était là ! Et dans les affaires liées au « mariage gay », toute la question est encore là. 

Le président Obama avait été élu démocratiquement. Il disposait alors d’une majorité au Congrès. Son pouvoir était légitime. L’opposition républicaine qui n’avait pas les moyens de bloquer son texte de loi au sein de l’appareil législatif avait espéré le faire via l’appareil judiciaire. Roberts au nom de l’indépendance et de l’impartialité de son institution avait refusé ce rôle. Car ce n’est pas celui que définit la Constitution des Etats-Unis. 

Pourtant depuis plus d’un demi- siècle, c’est bien le rôle qu’elle joue. La Cour Suprême a vu sa fonction systématiquement élargie. Elle est devenue l’arbitre des évolutions sociales, l’autorité censée légitimer par la loi l’évolution des mœurs et des comportements. C’est ce qu’on appelle aux Etats-Unis « l’activisme judiciaire ». Un activisme longtemps justifié par un désir de « justice sociale », vis à vis des noirs, notamment dans le sud, et par les bouleversements culturels des années soixante. Mais un activisme qui semble désormais en bout de course.

Deux décisions symbolisent cet activisme : la décision «Roe vs Wade » de 1973, ayant légalisé l’avortement et la décision « Bush vs Gore » en 2000 ayant déclaré  George W. Bush vainqueur de l’élection présidentielle, malgré les irrégularités observées en Floride.

La seconde décision fut politique, irréversible et irrévocable. La première, par contre, est une décision qui touche aux fondements de la société et qui, quarante ans après, continue de diviser les Américains et d’être vivement contestée par une partie de l’opinion. Au point que certains juges la regrettent. Pour eux, elle est venue trop tôt et a été prise trop vite. Surtout elle est allée au-delà des prérogatives de la Cour. Avant cette loi, chaque Etat était libre de sa politique en matière d’avortement de par la structure fédérale des Etats-Unis. Il n’appartenait pas à la cour Suprême de se substituer à ces Etats et d’aller contre la volonté populaire de ses résidents en imposant son choix.

C’est cet écueil précis que les juges veulent éviter dans le cas du mariage gay.

Ils ont deux affaires à étudier. Dans la première, il s’agit de statuer sur la légitimité d’un référendum populaire de Californie ayant défini le mariage comme « l’union d’un homme et d’une femme » éliminant ainsi la possibilité du mariage homosexuel. Dans la seconde il s’agit de statuer sur la légitimité du refus du gouvernement fédéral de reconnaître les mariages homosexuels dans les Etats où ils ont été légalisés.

Dans le premier cas, les juges semblaient tentés de ne pas aller contre la volonté populaire exprimée en Californie sans se prononcer sur le fond du dossier suivant ainsi la « jurisprudence Roberts » de 2010 dans le dossier Obamacare. Cette décision serait une défaite pour le lobby homosexuel car elle aurait pour conséquence de valider l’interdiction du mariage homosexuel en Californie.

Dans le deuxième cas, les juges pourraient être tentés de sanctionner le gouvernement pour discrimination. Ce qui serait une demi-victoire pour les partisans du mariage gay. Ils auraient gain de cause mais cette décision n’étendrait pas la légalité de ce mariage. Au contraire elle laisserait aux Etats la liberté de se prononcer.

Or le mariage homosexuel n’est reconnu que dans neuf Etats américains. Il a été interdit par la loi ou par référendum populaire dans trente-huit autres. Le fait que 58% de l’ensemble des Américains se disent désormais favorables à ce type d’union ne peut nier aux citoyens de certains Etats le droit de s’y opposer.

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