Nous, entrepreneurs, refusons d'être des "pigeons"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le buzz inattendu des "Pigeons" et des #geonpi sur Twitter et sur une page Facebook a démarré comme une fusée avant le week-end sur le web et atteint des records de viralité et de "like" sur Facebook.
Le buzz inattendu des "Pigeons" et des #geonpi sur Twitter et sur une page Facebook a démarré comme une fusée avant le week-end sur le web et atteint des records de viralité et de "like" sur Facebook.
©DR

Revue de blogs

Un buzz rare a surgi sur Internet à la suite du coup de gueule d'un entrepreneur sur la loi de Finance 2013. Les entrepreneurs français, créateurs d'entreprise ou auto-entrepreneur, qui refusent d'être assimilés à des "grands capitalistes" et d'être taxés sur le capital, se sont révoltés sur Facebook et Twitter.

Le buzz inattendu des "Pigeons" et des #geonpi sur Twitter et sur une page Facebook a démarré comme une fusée avant le week-end sur le web et atteint des records de viralité et de "like" sur Facebook. Ceux que l'on entend jamais,ou qui disparaissent sous la langue de bois managériale du MEDEF, ont soudain choisi le "je" pour dire leur ras-le-bol devant les mesures de taxation des revenus du capital prévues par la loi de Finance. Parmi ces "pigeons",  un gros contingent de tout petits entrepreneurs et d'auto-entrepreneurs inquiets pour l'équilibre fragile de leur activité, et ulcérés par ce qu'ils voient comme l' injustice de trop envers les éternels mal aimés, les patrons, même petits, même à un seul et unique employé, même en galère. 

Bertrand Soulier propose même sur son blog une solution radicale à cette éternelle défiance : "Le mélange entre grands patrons du CAC40 et créateurs/repreneurs de petites entreprises est dramatique tant la tête des politiques que du grand public abreuvé des salaires mirobolants de certains patrons.(...) Le monde de l’entreprise est inconnu de trop nombreux politiques. Je plaide pour ma part qu’on ne puisse devenir ministre que si on a travaillé au minimum 5 ans dans une PME. Ceci est un autre problème bien que ça éviterait probablement qu’on taxe moins la vente d’une œuvre d’art que celle d’une entreprise".


Illustration du groupe Facebook des "pigeons"

Un témoignage trainée de poudre

Mais le témoignage qui a véritablement marqué, qui a été partagé des milliers de fois sur les réseaux sociaux, alimentant par sa sincérité la révolte des "pigeons" est celui de Olivier Bernasson, entrepreneur auvergnat, qui a réactivé son blog sous le coup de l'indignation pour publier une lettre de doléances à son député : Monsieur Mon député. Nous le reproduisons en intégralité ci-dessous.

"Monsieur mon député, je suis entrepreneur dans votre circonscription. D’ailleurs vous me connaissez sans doute puisque je suis un entrepreneur qui crée des emplois (une quarantaine ces dernières années), qui paye des taxes, qui génère de la TVA, qui fait la promotion de son territoire… bref je crois être l’un de vos électeurs qui crée de la valeur. Et aussi, en tout cas je l’espère, un petit peu de bien-être et pourquoi pas de bonheur pour quelques familles.

Il y a un peu plus de 2 ans, dans une tribune tenue dans Le Monde, Eric Schmidt, le “boss” de Google, citait notre entreprise auvergnate comme un exemple de (micro) réussite et affirmait que la France pouvait être fière de nous. Sans aucun doute très exagéré ! Il y a un peu plus de 18 mois, j’interrogeais en direct en chat video Nicolas Sarkozy sur les leviers possibles pour ne pas couper les ailes de l’économie numérique en France. Il avait (à mon sens) répondu à côté.

Monsieur mon député, je suis un entrepreneur comme des centaines de milliers d’autres mais qui, après plus de 10 années, dont plusieurs auraient pu être la dernière, a la chance d’avoir réussi son premier pari : assurer (enfin) la rentabilité de son entreprise et de fait un avenir moins incertain aux salariés qui la font avancer avec lui.
Un entrepreneur dont on dit qu’il "a réussi". La bonne blague !
Ce que nous avons fait, ça n’est rien par rapport à ce que nous allons faire !
Parce que notre entreprise connait toujours une forte croissance.
Parce que nous avons envie de “tout casser”, d’attaquer l’international, d’exporter, de recruter, de former, de recruter encore…
Notre projet c’est de multiplier par 10, par 20 par 1000… notre chiffre d’affaires dans les années qui viennent !

Avec ces premiers succès, j’ai déjà oublié les années de galère.
J’ai déjà oublié mon banquier m’expliquant qu’il me refusait un prêt parce que en 2002 j’étais fou de croire au potentiel de la vente sur Internet.
J’ai déjà oublié les nuits sans sommeil à me demander comment j’allais“payer les gars” à la fin du mois.
J’ai déjà oublié que je ne savais pas ce que je ferais si ma maison, pas encore payée et déjà en caution pour le prêt de l’entreprise et son autorisation de découvert était mangée par la banque.
J’ai déjà oublié le cauchemar des huissiers envoyés par le RSI pour récupérer des cotisations indues rendues plus tard.
J’ai déjà oublié que mes parents ont vendu un terrain pour me permettre d’alimenter le compte courant à un moment où “ça brulait”.
J’ai oublié je vous dis !

J’avais oublié…
Je m’en suis souvenu, il y a peu, en lisantla tribune de Patrick Robin, entrepreneur lui aussi, dans laquelle, comme des milliers et des milliers d’entrepreneurs je me suis reconnu. Je vous invite à la lire monsieur mon député.

Monsieur mon député, il faut aussi que je vous dise :
Si mon entreprise s’est développée, a avancé et a créé des emplois et va en créer d’autres, c’est aussi parce que des “capitaux risqueurs” ont pris "le risque de risquer" en investissant dans notre entreprise.
Sans eux, sans ces investissements, nous ne serions sans doute plus là.
Ils sont restés 4 ans et seraient d’ailleurs bien restés pour nous accompagner encore…
Nous avons fin 2010, fait le choix de la cession partielle à un groupe dont les valeurs, le dynamisme et la solidité assurent le maintien de l’entreprise en Auvergne (et donc en France) sur le long terme. Nos investisseurs d’alors ont fait à cette occasion une plus-value. Je me souviens que pour certains, en cette fin 2010, elle était la bienvenue pour boucher quelques pertes subies dans des investissements moins heureux….
Quand on risque, on perd plus souvent qu’on ne gagne. Et quand on gagne… On peut prendre de nouveaux risques ! C’est ce qui fait tourner la machine

Monsieur mon député, Il y a quelques mois, j’ai voté pour François Hollande.
Parce que, venant d’une famille de gauche, je suis de la "Génération Mitterrand". Celle qui a cru un soir de mai 1981 que le monde allait changer d’un coup. Celle qui ne peut se résoudre à ne plus y croire encore.
J’ai voté François Hollande parce que même si, souvent, j’ai trouvé Nicolas Sarkozy courageux, je suis resté coincé sur le "casse-toi pauv’ con" et quelques autres symboles maladroits et détestables.
Et puis… on ne se refait pas…
Bref, j’ai voté François Hollande parce que j’ai toujours, aussi loin que m’en souvienne voté à gauche, et que je croyais dur comme fer au bon sens et au calme.
Parce que je pensais qu’enfin, on allait se soucier des entrepreneurs et pas des grands patrons.

Et puis on m’a appelé à ne pas me comporter en rentier
On m’a quasiment traité de voyou
On m’a confondu avec les patrons du CAC 40…
On m’a expliqué que ce qu’on prendrait à mon entreprise on le donnerait aux ménages

Je me suis dit : "j’hallucine, mais ils vont rectifier…"

Depuis des mois je suis démarché comme des centaines de milliers d’autres entrepreneurs par "des amis européens" qui m’incitent à m’installer chez eux. On en a parlé avec d’autres entrepreneurs et on s’est dit : "mais ça va pas la tête ?"

J’ai payé mes impôts… Beaucoup cette année, mais ça n’est pas anormal !
Je l’ai fait avec un pincement au cœur mais aussi avec une fierté certaine !
J’ai expliqué récemment à nos collaborateurs que ce qu’ils perdent sur leur fiche de paye avec la refiscalisation des heures sup’ (4H/semaine et par personne chez nous puisqu’on est aux 39H…) c’était leur contribution à "l’effort de guerre" du pays.
J’ai refusé ne serait-ce que 1% d’augmentation depuis fin 2010. Je gagne ma vie plus que correctement et, ne le répétez pas à mes actionnaires, je serais capable de travailler pour rien tellement j’aime ma boite.
D’ailleurs je l’ai fait pendant plusieurs années !
Comme des centaines de milliers d’autres entrepreneurs qui considèrent que ce qu’ils ont fait ils l’ont fait aussi parce que leur pays l’a permis.

Monsieur mon député, je dois vous dire que depuis hier matin j’ai la gueule de bois et j’ai un peu honte aussi.
Honte d’avoir convaincu ou tenté de convaincre d’autres entrepreneurs au printemps dernier.
Depuis hier matin j’ai peur aussi pour nos entreprises et l’économie de mon pays.
Les coups portés à l’entrepreneuriat dans le projet de loi de Finances 2013 seront, en l’état, fatals.
Qui va être assez riche et assez fou pour investir un sou dans une entreprise française désormais ?
Qui va être assez riche et assez fou pour donner à une start-up française les moyens de ses ambitions ?

Je ne rentrerai pas dans les détails, les calculs… d’autres l’ont fait beaucoup mieux que moi ces dernières heures.
Le traitement envisagé pour l’imposition des plus-values de cession est absurde, inadapté, inepte, mortifère…
Il constitue un ultime signal de l’ignorance crasse de la réalité du monde de l’entreprise dont notre classe politique fait la preuve à chaque fois qu’elle s’en mêle, et du mépris dans lequel elle tient les créateurs de croissance et de valeur que nous voulons être.
Celui qui a pondu cette brillante idée a inventé rien moins que la nationalisation des succès.
Pile je gagne, face tu perds !

Comment se reconnaitre dans un pays qui limite la prise de risque, créatrice emplois, pour inciter au placement dans une toile de maître ?
Comment se motiver pour avancer quand tout va mal et qu’on n’a même plus le rêve comme béquille ?

On nous dit qu’il y aura des exceptions, des aménagements… La belle affaire !
Quand la justice devient une exception l’espoir devient maigre.

Monsieur mon député, je ne crois pas (encore) que ce gouvernement ait pris la pleine mesure des conséquences de ce projet.

Monsieur mon député, depuis quelques heures un mouvement volatile, à mi-chemin entre le "sauve qui peut" et le "Ils vont voir ce qu’ils vont voir" se développe sur les réseaux sociaux…
Spontané ? Manipulé ? Je n’en sais fichtre rien et peu importe après tout…
Un appel à manifester a même vu le jour… Un comble pour des entrepreneurs !
La preuve tout simplement que le désarroi a pris la main.
Même si je comprends et je sympathise, je n’en serai pas !
Manifester, c’est un métier et je considère que ça n’est pas le mien.
En plus, le week-end prochain, je travaille, comme la plupart des week-ends.
C’est pour cette raison que j’ai préféré vous écrire ce (trop long) mot.
Je vous invite à venir rencontrer notre entreprise, votre prédécesseur l’a fait à plusieurs reprises
Tout comme le président de notre Région, notre Préfet, notre Maire, notre président de Conseil général… qui à chaque fois constatent notre enthousiasme et celui de nos collaborateurs !

Monsieur mon député, dites à François Hollande que les entrepreneurs ont besoin de reconnaissance, de temps en temps, autrement qu’avec des mots polis.
Monsieur mon député, vous allez avoir à vous prononcer sur ce projet de loi de Finances.

Amendez ce projet".

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !