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Entre bons sentiments, intimidations morales et inquiétude pour l'environnement, radioscopie des vrais sentiments des Français sur l’écologie
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Nucléaire, énergies renouvelables... les Français entretiennent un rapport à l'environnement plutôt ambigu.

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart est le Directeur Général adjoint de l'institut de sondage Opinionway. Il est l'auteur de "La Présidence anormale – Aux racines de l’élection d’Emmanuel Macron", mars 2018, éditions Cent Mille Milliards / Descartes & Cie.

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Atlantico : D'une manière générale, quel est le rapport des Français vis-à-vis des problématiques environnementales ? 

Bruno Jeanbart : Le rapport à l’environnement est très ambigu dans l’opinion. D’une part, toutes nos enquêtes indiquent que la sensibilité aux enjeux environnementaux est forte dans la société française : la pollution, la protection de la faune et de la flore ou le changement climatique sont des sujets qui préoccupent très majoritairement. Sur le changement climatique, plus de 70% estiment qu’il est causé par l’activité humaine et moins de 20% considèrent que c’est un sujet dont on parle trop dans les médias. Il n’y a donc ni climato-scepticisme, ni sentiment d’une surexposition du sujet au regard de son importance.

Toutefois, en terme de hiérarchie, l’environnement n’est absolument pas la première priorité des Français et c’est une constante depuis des années. De la même façon, ce n’est pas une motivation de vote majeure. L’enjeu environnemental demeure généralement devancé par celui de l’emploi, de la protection sociale et de l’immigration. Il est également la plupart du temps jugé moins prioritaire que la sécurité. Et depuis 2013 et l’émergence du « ras-le-bol fiscal », l’environnement est également perçu comme moins prioritaire que la fiscalité, qui était dans notre dernière enquête sur les enjeux la seconde priorité des Français avec 45% de réponses, après l’emploi (49%) quand l’environnement n’était cité que par 24% des Français. Même auprès des plus jeunes et des catégories sociales supérieures, plus sensibles à cette thématique, l’environnement n’est pas la priorité pour le pays.

2 43 % des Français pensent qu'il faut encourager le développement de la filière nucléaire. Pourtant, la politique du gouvernement est d'annoncer des fermetures de réacteurs. Y a-t-il une illusion sur un sentiment dominant anti-nucléaire en France ? Que pensent réellement les Français sur ce sujet ?

C’est un sujet qui divise depuis longtemps la société française, presqu’en deux blocs de parts égales : d’un côté ceux qui s’opposent à cette énergie et de l’autre, ceux qui la soutiennent. La tendance est plutôt à l’augmentation des opposants au nucléaire mais plus de 40% y sont encore favorables. Ce qui fait consensus, dans la société, c’est l’idée qu’il faut réduire la part du nucléaire en France, jugée trop importante, ainsi que la volonté de voir les énergies renouvelables se développer. Mais à l’inverse, l’idée qu’il faudrait totalement se passer du nucléaire reste minoritaire dans l’opinion, car elle demeure perçue comme l’énergie la plus performante. Là encore, nous ne sommes pas exempts de paradoxes. L’acceptation de certains types d’énergie renouvelable ne va pas de soi. Si le solaire ne suscite que très peu d’opposition, ce n’est pas le cas de l’éolien, qui tant dans les enquêtes d’opinion que sur le terrain reste confronté au phénomène NIMBY (Not In My Back Yard), rendant parfois difficile son implantation.

Finalement, assez peu de logements, que ce soit de propriétaires et de locataires, s'équipent en énergies renouvelables. Comment peut-on expliquer cette faible part ?

Modifier son mode énergétique dans son logement est bien plus complexe qu’on ne le laisse entendre parfois. D’une part, 40% des Français n’étant pas propriétaires, cette question n’est pas vraiment de leur ressort. D’autre part, du côté des propriétaires qui occupent leur logement, la mobilité est un frein à ce type d’investissement. 10% des ménages déménagent chaque année et on estime qu’un propriétaire de son logement déménage tous les 13 ans. Or le retour sur investissement de ce type de travaux est souvent très long et en tous cas perçu comme tel par les Français, ce qui limite le recours aux dispositifs mis en place.

Du point de vue des ménages, ce n’est pas à eux d’agir en priorité pour protéger l’environnement, mais aux pouvoirs publics. Avant d’envisager de renoncer à l’usage quotidien de leur voiture, les enquêtés attendent au préalable que l’offre de transports en commun s’améliore. Toutefois, ils se préoccupent de la qualité de l'air...N'y a-t-il pas un paradoxe ?

Ce n’est pas si paradoxal que cela dans la mesure où les questions environnementales sont perçues comme devant être gérées non pas au niveau national mais mondial. Dès lors, les individus sont tiraillées entre la nécessité de modifier leurs comportements individuels et le sentiment que s’ils sont les seuls à agir, rien ne changera. Par ailleurs, dans les demandes de changement auxquels sont confrontées les Français pour mieux respecter l’environnement, certaines se heurtent à des contraintes : l’accès au transport, le coût, la perte de temps. La vraie question, dans le fond, est de savoir si on ne « sous vend » pas aux Français l’ampleur des efforts à faire. Si comme le dit Nicolas Hulot, pour inverser la tendance sur le climat, il faut changer radicalement nos modes de vies, voire y renoncer, il est évident que la majorité du pays n’y est pas prête. Mais jusqu’à présent, les responsables politiques ont plutôt expliqué que les changements comportementaux à mettre en œuvre n’étaient pas aussi radicaux. Et même dans ce contexte, on voit que la société bloque. Probablement parce que l’on en revient au constat de départ : la société française est sensible à l’enjeu environnemental mais n’en fait pas sa priorité.

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