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Vers un clivage politique majeur en Occident entre le vote des femmes et celui des hommes ?
©Andrew CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Guerre des sexes

Les élections de mi-mandat aux Etats-Unis ont montré une accentuation du clivage politique entre des hommes pro-Trump et des femmes plus démocrates. Spécificité américaine ou tendance mondiale ?

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Les élections de mi-mandat aux Etats-Unis ont révélé une baisse du vote des femmes blanches en faveur de Donald Trump, marquant un peu plus un différentiel homme-femme dans le soutien apporté au Président. Un tel clivage des sexes existe-t-il également en France ?

Jérôme Fourquet : En France, on constate en observant le dernier scrutin, l'élection présidentielle de 2017 qu'il n'y a pas de différences très marquées sur le vote des femmes et le vote des hommes en faveur de tel ou tel candidat. On est dans un contexte assez différent des Etats-Unis de ce point de vue-là. Il n'en a pas toujours été ainsi. Traditionnellement nous avions ce que les politologues appellent un "gender-gap" en défaveur du FN pour les femmes du temps de Jean-Marie Le Pen. En 1995 ou en 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen fait 15 ou 16% des voix au niveau national, cela correspond à 20% de votes chez les hommes et 10% chez les femmes. Donc il y avait un différentiel très marqué concernant le FN qui se répercutait symétriquement sur les autres candidats qui étaient donc plus soutenus par les femmes que par les hommes, notamment les candidats de droite et de la gauche modérée.

Ce "gap" a existé au sein du FN jusqu'à il y a quelques années et on l'a vu progressivement disparaître à partir du moment où Marine Le Pen a incarné le parti. Son statut même de femme mais aussi un certain nombre de prises de positions sur la question notamment du droit des femmes, de l'avortement ou la mise en avant de sa condition de mère de famille, ces questions-là ont fait sauter les verrous qui pouvaient exister dans une partie de l'électorat féminin vis-à-vis du FN de Jean-Marie Le Pen. Jean-Marie Le Pen était dans un positionnement plus machiste et plus viriliste qui a disparu et il s'est produit un alignement assez rapide du vote FN chez les femmes par rapport à celui qu'on observait chez les hommes. Depuis l'émergence de Marine Le Pen, ce différentiel hommes/femmes avait disparu en France.

Quelles sont les thématiques politiques qui viennent construire ce clivage des sexes ?

Pour qu'il existe un différentiel hommes/femmes assez marqué, il faut que les questions qui ont trait justement à cette différence (les inégalités salariales, la place des femmes dans la société, le droit à l'avortement…) soient très présentes dans une campagne ou un débat politique et que certains partis s'en emparent.

A partir de ce moment, vous pouvez réactiver un clivage hommes/femmes puisque ces sujets sont agités par tel ou tel candidats. C'est pour cela qu'on peut notamment expliquer qu'aux Etats-Unis, on voit un fossé grandissant entre le vote des femmes et des hommes depuis l'entrée sur la scène de Donald Trump. De par ses saillies, ses attitudes ou ses mesures, il vient réactiver le clivage hommes/femmes. Ce n'est pas un hasard si une partie de l'électorat féminin américain, notamment dans les milieux blancs, a décroché de Trump depuis son entrée en fonction qui a été marquée par toute une série de scandales ou de prises de positions politiques. Le soutien indéfectible qu'il a accordé à Kavanaugh en est un symbole. Nous sommes bien ici dans une question de rapport entre les sexes qui est amenée au beau milieu du débat public.

Une évolution du clivage homme-femme peut-elle s'orienter vers une accentuation ?

En France, autant nous n'avons plus de différentiel hommes/femmes, autant on remarque dans nos enquêtes des positions divergentes en fonction des sexes sur un sujet qui va nous occuper les prochains mois à savoir l'ouverture de la PMA. Et comme je le rappelais plus haut, pour que le clivage existe, il faut que certaines thématiques soient abordées dans le débat public.

D'une manière générale, les clivages existent entre générations, ou entre différents milieux sociaux. Sur les sujets comme les retraites ou l'immigration, les différences en fonction du sexe sont assez ténues. Tant que ce sont ces thématiques occupent le devant de la scène, il n'y aucune raison qu'un différentiel homme/femme se manifeste électoralement parlant.

Il faut donc que certains sujets soient mis en avant et la PMA est l'un de ces sujets. Aujourd'hui, si l'on pose une question du type : "Êtes-vous favorable à l'ouverture de la PMA aux couples de femmes homosexuelles ou aux femmes célibataires ?", ce qui sous-entend que les enfants à naître n'auraient pas de père, la société française apparaît coupée en deux : 50/50. Mais si l'on observe ces chiffres sous l'angle du genre : on remarque que 60% des femmes y sont favorables contre seulement 40% des hommes. Le différentiel est donc de 20 points, ce qui est rarissime dans les autres débats.

La République en Marche va défendre cette mesure mais il n'est pas évident que des partis politiques comme le Rassemblement National ou Les Républicains de Laurent Wauquiez en fasse un étendard et se mobilisent très fortement contre pour autant. Si d'aventure ils se positionnaient radicalement contre, là on pourrait voir réapparaître un clivage de ce type.

C'est pourquoi je prenais l'exemple de Jean-Marie Le Pen qui avait une vision très masculine. Dans le programme initial du FN, il y avait notamment le revenu maternel, pour permettre aux femmes de ne pas travailler ou des discours loin d'être progressistes concernant l'IVG. Marine Le Pen a gommé tout ça et le gap qui les frappait chez les femmes a disparu.

Est-ce qu'autour de la PMA ou des thématiques du rapport hommes/femmes vont se repolariser nos positions politiques entre des partis qui défendraient des alternatives opposées ? A ce moment-là on pourrait voir réapparaître comme aux Etats-Unis des différences en termes de comportements électoraux.

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