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Du "bon impérialisme islamiste" ou "l’islamiquement correct" sous couvert de l’Age d’or du Califat éclairé d’Al-andalous
©MANDEL NGAN / AFP

Géopolitco-Scanner

Les hommes politiques occidentaux estiment que la civilisation européenne et judéo-chrétienne est coupable de tous les maux et devrait reconnaître ses « fautes ». Extrait du livre d'Alexandre del Valle, "La stratégie de l'intimidation : du terrorisme jihadiste à l'islamiquement correct", aux éditions L'artilleur.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Selon le postulat islamiquement correct qui anime les discours de la plupart des hommes politiques occidentaux, la civilisation européenne et judéo-chrétienne, coupable de tous les maux , devrait reconnaître ses « fautes » passées et présentes (Croisades, expulsion des musulmans d'Espagne au XVème siècle, colonisation, impérialisme, etc), et les « réparer », sans prescription, en cédant aux exigences du suprémacisme revanchard de l’islamisme. Comme on l’a vu avec les déclarations du Caire et de Baltimore d’Obama, cette « réparation » passerait par la reconnaissance d’une « dette » de l’Occident envers la science arabo-musulmane sans laquelle la Modernité européenne n’aurait été possible.

Les propos de nombreux autres hommes politiques occidentaux également soumis à la nouvelle doxa islamiquement correcte vont dans le même sens. C’est ainsi qu’il convient de comprendre les requêtes de l’ex-Président du conseil espagnol, José Luis Zapatero. Rappelons en effet que ce très islamophile leader de la gauche espagnole est arrivé au pouvoir en mars 2004, juste après les attentats du 11 mars de Madrid revendiqués par Al-Qaïda, qui étaient clairement destinés à intimider les Espagnols afin de les pousser à sanctionner la droite « islamophobe » de l’ex-président du Conseil espagnol José Maria Aznar (partido popular), coupable d’avoir participé à une « croisade contre une terre musulmane » (Irak, 2003). Dans un communiqué publié sur le Web par le « commando Abou Hafs al-Masri », le lendemain du terrible attentat de la gare madrilène d’Atocha, les jihadistes précisaient également, comme d’ailleurs ceux de Daesh le firent en août 2017 après les attentats de Madrid et Cambrils, qu’il s’agissait aussi de « régler des vieux » comptes avec l’Espagne catholique héritière de la Reconquista d’Al-Andalous et des « rois catholiques » espagnols qui détruisirent le dernier royaume arabo-islamique de Cordoue. Preuve de l’efficacité de la stratégie de l’intimidation des jihadistes et du fait que celle-ci profite à l’ensemble du spectre islamiste : depuis 2004, les déclarations d’homme politiques, intellectuels, journalistes et professeurs espagnols vantant avec zèle « l’Espagne arabo-musulmane » perdue, et donc les anciens colonisateurs musulmans d’Al-Andalous, n’ont jamais été aussi insistantes, au point même d’être devenues un lieu commun  du politiquement correct.
Fruit de cette capitulation face au jihadisme, Zapatero alla en toute logique encore plus loin qu’Obama dans cette stratégie islamophile puisqu’il appela publiquement à plusieurs reprises l’Espagne à « s’excuser auprès des musulmans », érigés en victimes absolues de l’Occident chrétien, pour la Reconquista et l’expulsion des Maures d’Espagne aux XV et XVI ème siècles, puis même à « restituer » certaines églises ou cathédrales d’Andalousie qui avaient été des mosquées sous le califat d’An-Andalous. A sa suite, nombre de professeurs et de politiques de gauche n’hésitent plus aujourd’hui, y compris dans les écoles publiques et les shows télévisés, à exprimer une nostalgie de l’Espagne islamique et à comparer la Reconquête chrétienne de l’Espagne à une « purification ethnique et islamophobe » avant l’heure.
Dans la même veine, le très tiersmondiste parti politique espagnol Podemos, de Pablo Iglesias, devenu troisième force politique d’Espagne depuis les années 2010, a mis au centre de son programme l’exigence de « présentations d’excuses » de la part du gouvernement de Madrid, pour « le génocide des musulmans maures » chassés durant la Reconquista. A cet effet, chaque année, lors des commémorations de « la Toma de Grenada » (« la prise » de Grenade), organisées par la région d’Andalousie, qui fête chaque début janvier la reconquête de l’ex-capitale du dernier califat-émirat d’Al-Andalus par les « Rois catholiques » il y a 524 ans, le parti de Pablo Iglesias réclame l’interdiction de cette « célébration fasciste » qui honorerait le « génocide » du « peuple andalou musulman ». L’idée est que l’Espagne devrait demander unilatéralement « pardon » à l’Islam pour cette « croisade islamophobe » sur une terre anciennement musulmane présentée de façon anachronique comme « multiculturelle ». Zapatero, Obama ou Iglesias, qui vénèrent Al-Andalous, oublient toutefois de rappeler que cette terre anciennement chrétienne bien avant d’être musulmane, devint islamique par l’effet des conquêtes arabo-berbères jihadistes et que la domination islamique de la péninsule ibérique s’accompagna de vastes pogroms anti-juifs et anti-chrétiens (voir chapitre VII). Ce mythe de la glorieuse « Espagne arabe » occulte également le fait que les non-musulmans y furent tantôt traités en dhimmis, tantôt asservis dans le cadre d’une vaste industrie de piraterie et d’esclavagisme, face noire et occultée d’Al-Andalous (chapitre VI).
Il est à noter qu’au  moment où l’on vante les « merveilles » des empires arabo-musulmans et ottomans qui occupèrent des terres d’Europe du sud ou orientale, aucune force politique, leader ou grand intellectuel des pays musulmans n’a jamais demandé pardon d’avoir colonisé l’Espagne, la Sicile, la Russie, les Balkans, ni même d’avoir lancé des razzias et des pirates barbaresques pendant des siècles sur l’Europe méditerranéenne. Aux actes de repentance des Européens culpabilisés qui haïssent leur passé chrétien et glorifient le colonialisme califal qui les a jadis asservis, font écho la fierté des musulmans qui vantent les conquêtes impériales islamiques des califats omeyyades, abbassides et ottomans. Tous les pôles de l’islamisme, « institutionnels » ou jihadistes, pleurent en effet sans complexe l’ensemble des « territoires » perdus précités dont la « récupération » est enseignée comme un rêve pacifique pour les « modérés » et un but de guerre pour les jihadistes. Cette nostalgie de la domination-islamisation antérieure de l’Espagne, de la Sicile et des Balkans, entretenue de la Turquie au Pakistan en passant par les Frères musulmans et l’OCI, est souvent affichée par les dirigeants marocains, saoudiens, qataris, pakistanais. Ces Etats et leurs fondations « caritatives » islamiques ou milliardaires ont à cet effet beaucoup investi en Andalousie : centres islamiques prosélytes, immobilier.
En vertu du mythe fondateur de l’islamiquement correct, les Européens coupables devraient ainsi reconnaître la "supériorité" de la civilisation islamique, sans laquelle ils n'auraient connu ni Aristote, ni les mathématiques, ni le zéro ou ni même l'algèbre, comme l’a dit Obama lui-même dans son discours du Caire. Dans le même temps, les pays islamiques auraient raison d’être « fiers de leur identité » et devraient s’enorgueillir d’avoir occupé le Proche-orient chrétien, l’Afrique islamisée, et une partie de l’Europe méridionale et orientale. Selon Pablo Iglesias ou José Luis Zapatero, il serait en revanche « raciste » de commémorer la (re)prise de Valence (Valencia, en Espagne) par Le Cid en 1095, puis celle du Royaume de Grenade du Sultan Boabdil en 1492 par les « Reyes catolicos ». C'est ainsi qu'en France et en Espagne notamment, l'on enseigne désormais aux jeunes étudiants que l'Europe devrait « remercier » les califats arabes et turco-ottomans d'avoir pris par l'épée - et « pour le bien de l'Humanité » - l'empire byzantin, l'empire perse, le Maghreb, l'Espagne, la Sicile et les Balkans, où ils auraient refait (re)vivre la Science, les Arts, la philosophie et les Lettres des Anciens Grecs, devenus les « arts d’islam » et la « science arabe ». De ce point de vue, on comprend la démarche idéologique d’un Zapatero qui trouve scandaleux de fêter la Reconquista, mais trouve noble la « fierté néo-ottomane » de son « ami » Erdogan qui commémore chaque année en grande pompe, à Istanbul, l’anniversaire de la conquête de Constantinople (29 mai 1453), célébrée de façon de plus en plus ostensible, au moyen de défilés en costume de janissaires et de fanfares. La « prise » de l’ancienne capitale de l’empire romain d’Orient (chrétien) par le sultan Mehmet II, dit « le Conquérant » (Fatih), fut pourtant un immense massacre dont l’ensemble des chrétiens orthodoxes commémorent encore le traumatisme… Ces simples constats d’un dialogue asymétrique entre la partie islamique qui se vante d’avoir conquis l’Europe et la partie occidentale « chrétienne » qui s’excuse d’avoir dominé le monde musulman, en dit long sur l’état des relations islam-Occident et l’avenir de l’impérialisme islamique.

« Nous occuperons Rome et nous y ferons régner l’islam »

Dans la même logique néo-impériale, le cheik Muhammad Ben Abd al-Rahman, imam de la mosquée de l’Académie de la défense du Roi Fahd (Arabie saoudite), a publiquement déclaré : « Nous occuperons Rome et nous y ferons régner l’islam. Oui, les chrétiens, qui gravent des croix sur la poitrine des musulmans du Kosovo (…) devront nous payer la jizya [la capitation, l’impôt que doivent payer les non musulmans, les dhimmis, en terre d’islam, en tant que sujet de deuxième zone] dans l’humiliation ou se convertir à l’islam ». Dans plusieurs manuels saoudiens passés en revue par la chercheuse Nina Shea, on apprend également aux jeunes étudiants musulmans du royaume que les États des Balkans ainsi que la Grèce, la Roumanie et la Bulgarie sont des « territoires islamiques occupés » puisqu’ils firent jadis partie des califats arabes ou turc-ottomans et qu’ils devraient légitimement « revenir » à l’islam.
Cette idée est une constante dans la pensée et les discours officiels de nombreuses organisations et pays islamiques parfois très proches de l’Occident mais ouvertement désireux de le conquérir. L’une des références suprêmes au niveau mondial des Frères musulmans, Youssouf al-Qardaoui (président du conseil européen de la prédication et de la fatwa), a par exemple lui aussi déclaré que « la conquête islamique de Rome sauvera l’Europe de sa soumission au matérialisme et à la promiscuité ». Rappelons que Qardaoui, qui a longtemps animé une émission très regardée sur la chaîne qatarie Al-Jazira ("La charia et la vie"), a notamment autorisé par ses fatwas les attentats-suicides commis contre des civils en Israël, y compris par des femmes-kamikazes. Considéré à tort comme un "islamiste modéré", notamment par ses amis comme l’ex-Maire de Londres Ken Livingstone, Qardaoui a été notamment l'organisateur de la collecte du Hamas terroriste palestinien en Europe, via un réseau d'associations implantées sur le continent européen, et en France, notamment (le CBSP). On se souvient aussi des propos tenus en maintes occasions par Qardaoui sur le Net, sur Al-Jazira ou dans le cadre de conférences, qui incitent les musulmans à conquérir, certes de manière non-terroriste et essentiellement prosélyte, les sociétés ouvertes occidentales, présentant cette nouvelle conquête (Ghazwa, Fath) comme le prolongement non militaire des jihad guerriers des siècles passés : « L’islam va retourner en Europe comme un conquérant et un vainqueur après en avoir été expulsé à deux reprises, une fois au sud en Andalousie [Espagne – 1492] et une seconde fois à l’est quand il frappa à plusieurs reprises aux portes d’Athènes [1830]. […] Cette fois-ci, je maintiens que la conquête ne se fera pas par l’épée mais grâce au prosélytisme et à l’idéologie », affirma-t-il en plusieurs occasions, depuis sa base-arrière du Qatar.
Le chef d’État d’un autre pays qui contrôle de nombreuses mosquées et associations islamiques d’Occident, le président turc Recep Taiyyp Erdogan, très proche des Frères musulmans, a quant à lui déclaré, le 7 mars 2016 : « j’en appelle à mes citoyens, mes frères et sœurs en Europe […] Allez vivre dans de meilleurs quartiers. Conduisez les meilleures voitures. Vivez dans les meilleures maisons. Ne faites pas trois, mais cinq enfants. Car vous êtes l’avenir de l’Europe. Ce sera la meilleure réponse aux injustices contre vous » . Quelques temps plus tôt, le 22 mars 2016, le président turc avait menacé les Occidentaux, toujours sous couvert de défense des Turcs « discriminés » en Europe à propos de l’interdiction de la venue d’hommes politiques turcs venus plaider en Allemagne l’octroi des pleins pouvoirs à Erdogan en avril 2017 : « Je m’adresse une nouvelle fois aux Européens (…) La Turquie n’est pas un pays qu’on peut bousculer, dont on peut jouer avec l’honneur, dont on peut expulser les ministres (…). Si vous continuez de vous comporter de cette manière, demain, aucun Européen, aucun occidental ne pourra plus faire un pas en sécurité, avec sérénité dans la rue, nulle part dans le monde».
Depuis des années, nos élites qui délivrent une vision auto-flagellatrice de notre histoire et cèdent aux pressions des pays producteurs de pétrole ou clients de nos grandes industries, nous expliquent que la Renaissance n'aurait pas eu lieu sans l’apport des "bons" occupants arabo-turcs "éclairés", « tolérants », et « amoureux des sciences ». Sans les califats d’Al-Andalus, de Bagdad ou d’Istanbul, l'Europe et l'Occident seraient encore plongés dans « l'ignorance ». Elle devrait donc « remercier » cette civilisation dont le prosélytisme et la prolifération conquérante en Europe seraient un « apport » et un « retour ». Nous reviendrons au cours des chapitres suivants sur le mythe de la « dette » de l’Europe vis-à-vis d’Al-Andalus et de la « science arabe ». Nous montrerons que cette immense opération de désinformation historique, politique et religieuse, sert abondamment en fait les desseins suprémacistes du totalitarisme islamiste. En donnant du crédit et en diffusant ce mythe irrédentiste central du nouvel impérialisme islamique, les Européens vont en fin de compte dans le sens de ceux qui ambitionnent de les conquérir et de les soumettre.

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