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Mali : le leader du putsch passé au crible d'un anthropologue américain
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Revue de blogs

Un coup d'Etat surprise à Bamako, une guerre éclair au Nord, des sanctions : le paisible Mali a plongé dans l'instabilité du jour au lendemain. Un anthropologue américain en poste à Bamako a tenu la chronique d'une semaine folle et décrypté les messages codés d'un putsch.

Parmi les rares blogueurs présents sur place qui chroniquent une situation chaotique, un anthropologue américain, Bruce, qui réside à Bamako, tient chaque jour sur son blog Bridges from Bamako (en anglais), avec un calme détaché, la chronique d'un pustch.

Depuis le putsch de Bamako, et la prise de la mythique Tombouctou au Nord par les rebelles Touareg, des cours express de rattrapage géopolitique ont lieu sur les blogs, le Mali étant brutalement devenu, d'une carte postale exotique, 'un possible futur Afghanistan. Twitter s'interroge et bruisse de rumeurs. Sur l'attitude de la France "qui n'interviendra pas'. En échange des otages français ?Sur les permis de recherche de pétrole vendus à l'Algérie et aux Canadiens en février. Raison occulte de l'offensive Touareg ? 

Pendant ce temps, tant rebelles que soldats putschistes ont tous deux une présence sur le web. Deux styles s'affrontent, celui très émotif des soldats putschistes et de leurs soutiens, comme sur leur page Facebook, un peu désertée ces derniers jours depuis leur mise au pas par la CEDEAO. Et la froide et professionnelle efficacité du site officiel des rebelles Touareg, à l'impeccable orthographe et au diaporama bien huilé de photos du désert..

(Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Le 24 mars, deux jours après le coup d'Etat, il observe le Capitaine donner un interview à la télévision et remarque un changement vestimentaire qui n'échappe pas à son décryptage [captures d'écran du blog Bridges from Bamako] : 

" [Le premier jour] il porte l'uniforme camouflage standard et le béret vert porté par les soldats de toutes les forces régulières de l'armée malienne. Vous pouvez aussi voir un t-shirt blanc sous son uniforme". 

"Quel est ce nouveau vêtement ? Mon impression - et elle est partagé par beaucoup de téléspectateurs maliens - est qu' ''il s'agit d'une chemise de coton teinte connue comme dozofini, qui signifie littéralement "l'étoffe du chasseur". Comme l'illustre l'anthropologue de l'université de Floride Joseph Hellweg dans son ethnographie passionnante Hunting the Ethical State, les chasseurs en Afrique de l'Ouest sont renommés non seulement pour leurs prouesses à tuer du gibier, mais aussi pour savoir contrôler les forces mystiques de la brousse.

Ceux qui sont initiés dans les confréries de chasseurs sont supposés posséder des pouvoirs spéciaux, comme la possibilité de devenir invisibles ou de se transformer en animaux ; leurs tenues contiennent des amulettes qui sont supposées les protéger des balles et des lames. En portant ce vêtement, le capitaine Sanogo envoie un message aux Maliens qu'il est puissant et peut résister aux tentatives d'assassinat. De façon intéressante, il a été montré en train de porter le dozofini le vendredi, alors que des rumeurs circulaient qu'il avait été tué lors d'un contre coup d’Etat, au point que le CNRDR s'est estimé obligé de diffuser une communiqué certifiant qu'il était vivant et se portait bien. Dans chaque apparition suivante à la télévision, Sanogo peut être vu avec un dozofini sous son uniforme".

"Et il y a plus. A 8 minutes et 33 secondes durant le journal télévisé de vendredi soir sur la chaîne ORTM, alors que Sanogo dénonce les agissements d'individus malveillants qui auraient acquis des uniformes militaires et pillé des quartiers de Bamako le jeudi dans une tentative de ternir l'image du CNRDR, la caméra descend de façon semble-t-il fortuite vers les genoux du Capitaine Sanogo, avant de remonter pour cadrer son visage neuf secondes plus tard.

"Sur la gauche de l'image, on peut voir une sorte de bâton en bois, appelé un bèrè en langue bambara. Il réapparaît dans tousles plans suivants de Sanogo durant l'émission, par exemple quand il s'adresse aux directeurs du service civil le vendredi (ci-dessous)".

"Et même durant une réunion avec des dignitaires en visite le samedi, son bèrè est visible appuyé contre les étagères à côté de lui".

"Certains téléspectateurs ici (au Mali) suspectent que ce n'est pas un simple bâton ; c'est une sorte d'objet fétiche, un haya, d'où il tire force et protection. Un haya peut prendre de nombreuses formes, comme être en bois ou en fer. L'historien de l'art Patrick McNaughton le décrit dans son livre The Mande Blacksmiths, un nègè haya est une amulette de métal qui "peut protéger son porteur afin qu'il ne soit pas percé par quelque arme que ce soit qui soit faite entièrement ou partiellement de fer". Il se peut que le bâton de Sanogo soit destiné, comme sa chemise dozofini, à transmettre le message qu'il possède des pouvoirs spéciaux (ce qui semble être une amulette de cuir est également visible à son poignet gauche dans la photo ci-dessus.)"

" [...] Quels que soient les compéternces qu'il a acquis durant sa formation militaire aux États-Unis, il est évident que le Capitaine Sanogo reste un adepte des subtilités de sa culture mandingue native. Rappelons-nous que le second prénom de Sanoto - qui pour les Maliens est habituellement le nom du père - est Haya (pouvoir)".

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