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Bientôt l'arrivée de la 5G : ce que ça changera vraiment (ou pas...)
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Révolution en vue

La 5G est prévue en France d'ici 2020. Bien plus qu'une simple histoire de débit, une révolution pour le quotidien. Pour autant, si la France veut en bénéficier pleinement, un long chemin reste encore à parcourir.

Yvon Moysan

Yvon Moysan

Yvon Moysan est diplômé de Harvard et de l’ESSEC. Il est Lecturer de Digital Marketing et Directeur Académique du Master en Apprentissage Digital Marketing et Innovation à l’IESEG School of Management. Ses travaux de recherche académique s’articulent autour du Digital et notamment des objets connectés. Il est, dans ce cadre, membre de la chaire Digital Banking et Big Data du Crédit Agricole Nord de France. Il est par ailleurs Président fondateur de Saint Germain Consulting, cabinet de conseil en Digital Marketing spécialisé dans les secteurs Banque, Assurance et Retail. Il a occupé précédemment différents postes de management en Digital Marketing au sein de banques ou assurances internationales (Siège mondial AXA, HSBC France, BNP PARIBAS – Banque Directe). Il intervient régulièrement en France comme à l’étranger comme public speaker dans différentes conférences professionnelles ou académiques (In Banque, Mobile Shopping Europe, EFMA, CCM Benchmark etc.). Il publie également dans différentes revues professionnelles (Revue Banque, Banque et Stratégie). Ses publications sont accessibles ici.
 

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Atlantico : La 5G devrait arriver en France à l'horizon 2020 et promet 100 fois le débit de la 4G actuelle. Qu'est-ce que cela va changer pour les utilisateurs de smartphones et quelles sont les applications concrètes de cette nouvelle technologie ?

Yvon Moysan: Les générations précédentes, la 3G et la 4G, avaient pour ambition principale d’améliorer la vitesse afin de supporter l’usage croissant de l’Internet mobile. La 4G permet ainsi des débits pouvant atteindre les 300 Mbit/s. Avec de telles performances, on pourrait légitimement se poser la question de l’intérêt de développer un nouveau standard, mais l’objectif de la 5G n’est pas de répondre aux besoins actuels, mais à ceux du futurs, quand nous possèderons plusieurs centaines de milliards d’objets connectés, des voitures autonomes, que nous utiliserons régulièrement la réalité augmentée et virtuelle et que nous consommerons encore plus de vidéos de bien meilleure définition. La 5G est spécifiquement conçue pour cet accroissement démesuré, pour créer un réseau qui ne craindrait ni la surcharge, ni les évolutions et pouvant s’adapter à de nouveaux usages toujours plus exigeants.

En termes de performance et d’utilisation plus concrète, l'Internet 5G pourrait afficher un débit 100 fois supérieur à celui des smartphones utilisant la 4G actuelle…ce qui permettra de télécharger un film en moins de 5 secondes. La 5G a également pour ambition de réduire le temps de latence dans la transmission de données. À l’heure actuelle, le temps de réaction des réseaux mobiles peut atteindre la demi-seconde, ce qui peut paraitre peu, mais c’est beaucoup trop quand il est question, par exemple, de voitures autonomes où le niveau attendu devrait être inférieur à une milliseconde pour éviter tout accident potentiel dû à un retard de réaction sur une autoroute ou dans un embouteillage par exemple. 

La 5G devrait –avec un peu de chance– commencer à arriver en France à l'horizon 2020. Mais au vu des difficultés qu'ont les opérateurs français à couvrir l'intégralité du territoire, est-ce que le déploiement de la 5G va accentuer la "fracture de la connexion" géographique ? Qu'est-ce qui risque de faire défaut dans son installation?

En France, trouver un signal 4G relève encore de la chance, et ce même en Ile-de-France et à l’opposé, nous avons déjà tous été confrontés à l'impossibilité de téléphoner ou d'envoyer un e-mail, une photo, une vidéo lors d'un séjour à la campagne ; cela est malheureusement le quotidien pour plusieurs milliers de Français. Le rythme de déploiement des réseaux est par nature lent. Afin de lutter contre cette fracture numérique, le gouvernement français a mis en place toute une série de plans avec des progrès incontestables, mais au final la couverture de qualité peine à s'imposer sur tout le territoire.

Avec l’arrivée de la 5G, cette fracture numérique risque effectivement de devenir béante. D'un côté, nous assisterons à la naissance de smart cities au cœur des mégapoles. Les objets connectés envahiront alors de nombreux domaines comme ceux de la santé, de l'environnement, de l’habitat, de l’automobile... De l'autre côté, nous aurons les zones rurales et périurbaines, où l'accès au mobile et à l’Internet ne sera toujours pas de qualité. Et la volonté politique ne sera malheureusement pas suffisante pour régler cette question. Il faut en effet trouver une équation financière de long terme capable de garantir partout la viabilité des investissements des opérateurs privés de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros pour pouvoir répondre aux besoins croissants des ménages et des entreprises en vue d'accéder à un réseau partout où ils se trouvent. Ce qui a par ailleurs été le cas pour le déploiement de la radio, de la télévision ou de la TNT.

Les retombées économiques de cette nouvelle technologie sont faramineuses. Les prévisions sont de l'ordre de 12 300 milliards de dollars, et on parle de la création de 22 millions d'emplois. Pour autant, les perspectives pour la France sont des plus modestes avec seulement 85 milliards de retombées et la création de 440 000 emplois. L'Allemagne, elle, devrait bénéficier de 200 milliards d'euros de retombées et de 1.2 millions d'emplois créés. Comment expliquer cette différence et quelles mesures devrait-on prendre pour essayer d'accroître les perspectives françaises ? 

Les chiffres que vous mentionnez sont ceux issus de l'étude publiée par le cabinet anglais IHS Markit, ils sont gigantesques. Pour ce qui concerne la répartition des retombées économiques, c'est la Chine qui est en tête avec 927 milliards d'euros, puis viennent les États-Unis avec 677 milliards d'euros. Cela s’explique notamment par la qualité de l’écosystème et des acteurs locaux, mais aussi par le volume des investissements annoncés : à titre d’exemple, le chinois Huawei a annoncé un budget R&D de 600 millions d'euros pour la 5G.

Le Japon et la Corée du Sud sont également à la pointe, cette dernière ayant décidé de tester la 5G lors des prochains Jeux Olympiques d'hiver 2018 à Pyongchang, Tokyo ayant prévu de suivre en 2020.

En Europe, c’est effectivement l'Allemagne qui sort en tête avec 202 milliards de revenus et 1,2 million d'emplois créés. Ici encore, on remarque que l’avantage va encore à ceux qui devraient mettre les premières fréquences en vente : en Europe l’Allemagne avait déjà été la première à lancer les enchères pour la 4G. La France arrive en effet après ; elle ne devrait ainsi bénéficier "que" de 85 milliards d'euros de revenus et d'une création de 400.000 nouveaux emplois. Le manque d'investissement du secteur public dans cette nouvelle voie est souvent décrié et le fait que la vente des fréquences n’ait pas été encore annoncée peut aussi l’expliquer. Pour y remédier, il faudrait d’une part que l’Etat français et le régulateur investissent plus massivement, et accélèrent le calendrier de mise à disposition des premières fréquences d'autre part.

Cela pourrait d’ailleurs se faire au niveau européen. L’Europe a, en effet, déjà injecté 700 millions d'euros dans un partenariat public privé (PPP) avec les industriels du secteur : le 5G PPP. Celui-ci est en effet dirigé par le Français Jean-Pierre Bienaimé, qui a longtemps présidé l'UMTS Forum avec pour objectif d’effectuer des premiers tests dès cette année dans l'Union européenne avec des essais "pré-commerciaux" l'année suivante, et de disposer d'une couverture 5G complète dans au moins une ville importante de chaque pays d'Europe fin 2020. Enfin, l'ensemble des zones urbaines et des voies de communication terrestres devraient être couvertes d'ici 2025. 

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