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Irak, Etat islamique et attentats : à quel jeu périlleux joue donc François Hollande ?
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Chroniques du pot aux roses

Pourquoi diable François Hollande va-t-il de nouveau, seul dirigeant occidental, fanfaronner en Irak ? Qu’avons-nous à gagner à ces mouvements de menton ?

Google et Yahoo, internet

Serge Federbusch

Serge Federbusch est président d'Aimer Paris et candidat à l'élection municipale de 2020. Il est l'auteur de La marche des lemmings ou la 2e mort de Charlie, et de Nous-Fossoyeurs : le vrai bilan d'un fatal quinquennat, chez Plon.

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1 - Mou-chef de guerre

Notre président-renonçant a soudain troqué son costume de ville pour un treillis symbolique et s’en est allé de nouveau en Iraq, près du front de Mossoul, seul dirigeant occidental à avoir jamais fait ce voyage, pour y enfiler des perles martiales : "Nous ferons en sorte qu’ils (les jihadistes français) soient mis hors d’état de nuire ; s’ils sont pris par les Irakiens, ils seront condamnés par la justice irakienne, et par la justice française s’ils reviennent. Il faut regarder maintenant au-delà de Mossoul. Ce sera une lutte longue pour détruire l’Etat islamique, mais elle sera victorieuse". 

Rompez les rangs !

Présentée il y a deux mois comme une guerre éclair, l’offensive de la coalition kurdo-chiito-gouvernementale ne s’est pas singularisée par sa grande efficacité jusqu’à aujourd’hui. La raison principale en est, contrairement à ce qu’une propagande officielle veut faire accroire, qu’une large partie de la population de Mossoul et alentours soutient l’Etat islamique sans qu’il ait besoin de la terroriser. L’islam radical a de nombreux supporters chez les musulmans là-bas comme en France ; les bobos devraient se faire à cette idée dérangeante.

En attendant, voilà Mou-président scrutant l’ennemi à la jumelle depuis un poste avancé des Peshmergas - à quinze kilomètres de distance tout de même - tel un Giscard d’Estaing observant jadis Israël depuis la Jordanie. C’est sa manière à lui de terroriser les terroristes.

L’engagement français est-il d’ailleurs aussi impressionnant que des médias complaisants le disent et les postures présidentielles le suggèrent ? L’opération "Chammal", nom de code de notre offensive en Irak et en Syrie, mobilise aujourd’hui 1200 militaires. Mais les frappes françaises ne représentent qu’une part minime (autour de 3 %) des actions de la coalition, menées pour l’essentiel par les Etats-Unis.

On est surtout dans le domaine du symbole.

En revanche, les rétorsions islamistes sont bien réelles. Les meurtres de Charlie Hebdo, en janvier 2015, avaient suivi de peu la première visite de François Hollande en Irak, en septembre 2014.

Soyons honnêtes, il s’agit essentiellement d’une coïncidence, les frères Kouachi et Amédy Coulibaly étant davantage mus par des haines domestiques contre les caricaturistes, les Juifs et la police. Un d’eux, Chérif, était tout de même passé par la Syrie.

Beaucoup plus troublant est l’enchaînement qui avait conduit aux massacres de novembre 2015. Comme je l’avais souligné dans les colonnes mêmes d’Atlantico, l’élément déclencheur évident et immédiat fut le bombement de torse de Hollande contre Daech en Syrie, notamment les quelques bombardements qu’il ordonna à l’aviation française à partir du 27 septembre 2015. Selon les termes mêmes du communiqué de presse de l’Elysée publié alors : "La France a frappé en Syrie. Nous l’avons fait sur la base de renseignements collectés au cours des opérations aériennes engagées depuis plus de deux semaines, dans le respect de notre autonomie d’action, en coordination avec nos partenaires de la coalition". Ces attaques suivaient en effet l’annonce de vols de reconnaissance début septembre 2015.

Or, les frappes du 27 septembre 2015 et les quatre qui avaient suivi n’étaient dirigées que contre deux centres d'entraînement et des sites pétroliers. Elles étaient déjà anecdotiques par rapport à ce que faisaient les Américains qui les effectuaient par dizaines.

Si l’on veut bien résumer froidement la situation, peu de temps avant le 13 novembre 2015, notre aviation avait effectué des raids symboliques sans disposer des informations nécessaires pour porter des coups réels à l’ennemi. Juste ce qu’il faut pour l’exciter mais rien pour vraiment l’affaiblir alors même que nous sommes beaucoup plus près de rétorsions que la lointaine Amérique.

Au Bataclan, les tueurs ont expressément d’ailleurs fait référence à la Syrie en présentant leur action comme une rétorsion.

La situation a-t-elle changé depuis ? Non. Et ce ne sont pas les maigres résultats de la lutte anti-terroriste en France qui peuvent nous rassurer.

Une question se pose alors. Pourquoi diable François Hollande va-t-il de nouveau, seul dirigeant occidental, fanfaronner en Irak ? Qu’avons-nous à gagner à ces mouvements de menton ? Comme le disait jadis le président américain Théodore Roosevelt, en matière militaire et diplomatique, "il faut parler doucement et porter un gros bâton". François Hollande parle fort et ne dispose que d’une petite baguette.

Que cherche-t-il ? Laisser son nom dans l’Histoire ? Il faudrait pour cela qu’il soit assuré d’un succès qu’on lui attribue personnellement ce qui fait deux conditions plutôt hasardeuses à satisfaire. Faire oublier le bilan calamiteux de sa politique en Syrie ? Il est vrai que, lâché par Obama en 2013, il s’est vu évincé du jeu diplomatique au point que le récent accord de cessez-le-feu nous est totalement étranger.

Cette explication est déjà un peu plus convaincante, surtout si l’on veut bien considérer les phrases bravaches et revanchardes prononcées par Hollande contre Poutine et aussi contre Trump lors de ses vœux du nouvel an.

Mais ce n’est pas tout. Nous avons, horresco referens, déjà posé la question d’un calcul pervers et d’obscures pensées sur le sursaut de popularité que les attentats lui ont assuré après Charlie et le Bataclan.

Certes, le massacre de Nice en juillet dernier a montré que, même en ce scabreux domaine, on observe des rendements sondagiers décroissants. Cela étant, de nouveaux et graves crimes pourraient rebattre les cartes et rendre encore plus vaines, si c’est possible, les risibles primaires de la "Belle alliance populaire". L’espace politique s’ouvrirait alors pour une initiative surprise de Hollande. Au vu de l’attitude générale de ce chef en partance, par exemple de la grâce soudaine accordée à Jacqueline Sauvage, cette hypothèse ne peut être hélas exclue.

Qu’est-il allé faire dans cette galère mésopotamienne ? Espérons que les semaines qui viennent ne nous fassent pas nous poser de nouveau de douloureuses questions.

2 – L’autre guerre

Ceux qui s’obstinent à sous-estimer le rôle du taux de change dans le dynamisme des économies, aussi bien les ravages d’une surévaluation que les atouts d’une sous-évaluation, devraient réfléchir au timide retour de la croissance observé depuis un an en Euroland.

L'Euro est en recul de près de 10 % depuis le début de l’été 2016 et de 25% depuis avril 2014. On comprend pourquoi, si les gouvernements veulent reprendre la main sur la politique économique, c’est bien ce sujet qu’ils doivent avoir en tête dans la reconquête de leurs pouvoirs face à la Banque centrale européenne. Exiger de cette dernière que le taux de change de l’euro ne dépasse pas un dollar ou 100 yuans devrait être un objectif prioritaire du nouveau gouvernement en France après les prochaines échéances électorales.

D’autant que les tensions monétaires mondiales vont de nouveau aller croissant. La remontée du dollar ne fait pas les affaires de Trump qui risque de voir sa politique de relance se fracasser sur ce mur. Le nouveau président américain va donc être particulièrement agressif vis-à-vis des Chinois qui vont chercher à se refaire le litchee sur d’autres marchés, notamment en Europe, ventre mou du commerce mondial sachant qu’à l’intérieur de l’Euroland la France est le nombril encore plus mou de ce ventre-là. La crise persistante de notre commerce extérieur, dans ses relations avec l’Allemagne, le montre bien.

Encore une guerre mal préparée …

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