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Guerre civile au sein des Républicains : les différentes idéologies économiques qui déchirent le parti américain
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Le Nettoyeur

Le parti républicain des Etats-Unis peine à trouver un accord sur son programme économique. Et pour cause : il est traversé par au moins quatre courants de pensée différents.

La primaire du parti républicain américain bat son plein. Cette semaine, le troisième débat entre les candidats a eu lieu - celui-ci sur le thème de l'économie. Ce débat était intéressant, car il a révélé de profondes différences entre les diverses écoles de pensée économique au sein du parti républicain. Ceci est une nouveauté : historiquement, depuis la présidence de Ronald Reagan, le parti républicain était plutôt homogène économiquement. L'école dont le candidat remportera la primaire, si ce candidat est élu président des Etats-Unis, aura une influence profonde sur l'avenir de la première économie mondiale, donc c'est un débat qui mérite qu'on s'y intéresse.

La première école, l'école “traditionnelle”, est une école bien connue, celle du “supply side.” Que veut dire “supply side” ? L'économie parle d'offre (supply) et de demande (demand), puisqu'un marché est la rencontre d'une offre et d'une demande, et tout phénomène économique, ou presque, peut être décrit comme la rencontre d'une offre et d'une demande. La grande question chez les économistes, c'est : lequel des deux est le plus important ? Lequel est celui qui détermine la direction de l'économie ? Est-ce que la direction est du côté de la demande (demand side) ou du côté de l'offre (supply side) ?

Les partisans du demand side pensent que c'est la demande de biens et de services qui détermine la direction de l'activité économique. C'est la demande de biens et de services qui poussent les entreprises à fournir l'offre qui satisfait la demande. S'il y a une récession, c'est que la demande baisse, et il faut réactiver la demande (par exemple, par un plan de relance fiscal) pour relancer l'économie.

Pour les partisans du supply side - vous l'aurez compris - c'est l'offre qui est déterminante. Ce sont les innovateurs qui créent la demande. Prenons l'exemple de Steve Jobs et de l'iPhone : c'est cette invention qui, par son aspect innovant, a créé une demande phénoménale, et la croissance économique qui fut créée par cette innovation.

Pour les supply siders, donc, le moyen d'avoir le plus de prospérité est d'encourager le plus possible l'innovation, notamment par la déréglementation économique, et également par les baisses d'impôts - mais pas n'importe lesquelles - les baisses d'impôts sur l'investissement. Le moins il y a d'impôt sur l'investissement, le plus il y aura d'investissements, le plus y aura d'investissement, le plus il y aura d'offre, le plus il y aura d'offre, le plus il y aura d'innovation et de croissance, et tout le monde y gagne à la fin.

Evidemment, la critique principale faite envers les supply-siders est que les baisses d'impôts sur l'investissement bénéficient principalement aux plus riches, puisque c'est eux qui font l'investissement. Le supply side serait fondamentalement inégalitaire. C'est une des raisons pour lesquelles cette école est mise en difficulté politiquement- l'autre raison étant que les républicains ont déjà tellement baissé les impôts sur l'investissement qu'il ne reste plus grand'chose à faire de ce côté là.

Donc, que reste-t-il ?

Il y a ce qu'on pourrait appeler les “anti-réformateurs.” Dans tous les pays industrialisés, en règle générale, et évidemment avec des variations locales, le parti de droite est le parti de la “réforme” dans le sens d'une dérégulation de l'économie, de baisses d'impôts, et de baisse des programmes sociaux.

Mais il y a un problème : les pays occidentaux sont vieillissant. Et, en général, les vieux ont tendance à voter plus à droite - mais pas toujours pour des raisons liées à une idéologie économique en particulier. Et, aux Etats-Unis, la plupart des programmes sociaux - notamment Social Security, le programme de retraite, et Medicare, l'assurance maladie universelle pour ceux de plus de 65 ans - visent les personnes âgées.

Ce qui fait qu'au sein du parti républicain on a vu l'émergence d'un parti “anti-réforme”- représenté dans ces primaires par Mike Huckabee, ancien gouverneur de l'Arkansas - alors même que le “parti de la réforme” devient plus virulent au fur et à mesure que les programmes sociaux mangent de plus en plus du budget fédéral.

Pour ce parti, il ne faut surtout pas baisser les prestations sociales, ce qui est étonnant pour un parti de droite. La manière de justificer cette position est de dire que les retraités ont payé pour ces prestations sociales par l'impôt et le travail tout au long de leur vie, et qu'il ne s'agit donc pas de prestations non méritées - ce que les gens de droite n'aiment pas - mais du fruit de leur travail et de leur investissement.

Et, enfin, il y a ceux qu'on appelle les “reform conservatives” (dont je fais partie) qui sont à peu près à mi-chemin entre les deux. Les reform conservatives pensent qu'il faut réformer les programmes de prestation sociale pour baisser leur coût, mais sans les détruire. Par exemple, ils veulent remplacer Medicare, qui est actuellement un système d'assurance publique, par un marché d'assurances privées, où - croyons-nous- la concurrence ferait baisser les prix.

Mais, surtout, s'ils sont d'accord avec les supply-siders que l'investissement est une des clés de la croissance, pour eux il y a une autre composante très importante, souvent oubliée par les économistes : la famille. L'économie se nourrit de capital financier, mais également de capital humain. Au final, ceux qui produisent comme ceux qui consomment sont des êtres humains. Et il existe de nombreux travaux de sciences sociales qui tendent à montrer que, en règle générale—oui, bien sûr, il y a d'innombrables exceptions—les familles fortes produisent des gens plus équilibrés, plus heureux, et donc (accessoirement) plus productifs économiquement. Ils notent aussi que le Parti républicain est considéré comme le “parti des riches” et qu'une politique familiale orientée vers les classes moyennes pourrait changer cette perception. On pourrait les qualifier de “supply side” mais une “supply” au sens large : pour eux, il faut favoriser l'investissement dans tous les sens du terme—investissement dans le capital financier, mais également investissement dans le capital humain à travers des réformes de l'éducation et une politique familiale ambitieuse.

Pour les partisans de la réforme, c'est une vision de l'économie humaniste, fondée sur l'humain : la créativité économique sera plus importante non seulement pour des raisons financières, mais également pour des raisons liées à l'équilibre social et familial. La famille est une cellule fondamentale de la société, pour des raisons économiques aussi bien que sociologiques et morales.

Cette vision est actuellement principalement portée par Marco Rubio, le jeune et charismatique sénateur de Floride, et le favori de la primaire selon les bookmakers. J'espère qu'elle l'emportera.

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