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Sommes-nous capables d'assurer l'accès à l'électricité à l'ensemble de la population mondiale ?
©Reuters

Atlantico Green

A l'approche de la COP 21, une question difficile se pose déjà : si l'ensemble de la planète a finalement accès à l'électricité, les moyens de sa production sans danger pour la planète ajoute une complexité encore non résolue.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Où les hommes vont-ils trouver assez d'énergie pour faire face à leurs besoins sans détruire la planète ? Concrètement, de quelles ressources énergétiques disposons-nous sur Terre ?

Stephan Silvestre : L’énergie est disponible sur Terre en quantité infiniment supérieure aux besoins humains. À elles seules, les énergies fossiles, actuellement les plus utilisées, ont un potentiel d’au minimum un siècle de consommation humaine, et probablement davantage. Le flux de chaleur sous-terrain, entretenu par le manteau terrestre, représente une puissance plus de deux fois supérieure à la consommation humaine. La biomasse, notamment le bois, représente, elle, un potentiel de huit fois la consommation humaine, même s’il n’est pas entièrement exploitable. L’énergie atomique (actuellement exploitée sous forme de fission nucléaire, puis, à terme, sous forme de fusion nucléaire) constitue un potentiel aussi très au-delà de la consommation humaine. Enfin, les radiations solaires représentent en permanence 10 000 fois la consommation humaine.

On voit donc qu’il n’existe aucun risque de pénurie et que les choix énergétiques humains ont, jusqu’à présent, été guidés par des critères économiques et techniques (par exemple, pour un véhicule automobile, le meilleur vecteur énergétique est un liquide). Mais aujourd’hui, deux nouveaux critères viennent contraindre les choix : celui de la durabilité, orientant vers des énergies renouvelables, et celui des impacts sanitaires et environnementaux, poussant vers des sources les plus propres possibles. Les meilleurs candidats sont alors l’énergie hydraulique, mais elle n’est pas disponible partout, l’hydrogène, mais qui nécessite encore de la mise au point, l’énergie solaire, mais elle est onéreuse, la biomasse, notamment les biocarburants, et la fusion nucléaire, mais ce sera pour le siècle prochain.

Comment s'effectue le choix entre les différentes énergies propres (solaire, vent, biomasse) ? Quels sont les enjeux en fonction des options envisagées ? 

Tout d’abord, il faut définir l’usage. Les critères ne sont pas les mêmes pour la motricité (besoin d’une forte capacité énergétique par unité de volume), le chauffage (besoin d’une enthalpie élevée) et la production d’électricité. Pour cette dernière, il existe de nombreuses options. Le principal critère est, bien sûr, le coût de production. S’il était possible de décupler le prix de l’électricité sans dommage pour les consommateurs, il y a longtemps que l’on aurait opté pour d’autres solutions que les centrales thermiques. Ensuite, il y a la rapidité de disponibilité. Une centrale électrique doit pouvoir délivrer de la puissance très rapidement pour répondre à la demande, en tout cas une bonne partie du parc. Sur ce critère, les plus rapides sont l’hydroélectricité (à condition que les réservoirs soient pleins) et les centrales thermiques, les sources intermittentes étant hors-jeu. Enfin, il y a la capacité du parc de centrales qui, pour un pays comme la France, représente 128 GW installés. Les petites sources (solaire, biomasse) ne font donc que de la figuration.

Le principal enjeu actuel est donc de remplacer le parc de centrales thermiques par des énergies renouvelables. Celles-ci étant le plus souvent intermittentes, le préalable sera de trouver des solutions de stockage de forte capacité, susceptibles de restituer instantanément de l’électricité et à un coût assez faible. Attention aussi lorsque l’on parle d’énergies « propres ». Certaines sources présentent aussi des inconvénients cachés ; ainsi, les éoliennes utilisent des aimants permanents dont la fabrication est loin d’être neutre pour l’environnement. De même, la fabrication des panneaux photovoltaïques fait appel à certains métaux rares, dont l’exploitation est tout sauf durable. Si les ressources exploitées (vent, soleil) sont renouvelables, les équipements utilisés ne le sont pas plus que d’autres équipements humains.

L'énergie solaire est avancée par les scientifiques comme la seule solution viable à long terme parmi les énergies renouvelables. Qu'en pensez-vous ?

Par son potentiel énergétique presque infini, le rayonnement solaire a toujours fait rêver. Mais l’exploitation de cette ressource s’avère encore peu satisfaisante. Premièrement, les rendements sont faibles, ce qui rend sa production onéreuse. Ensuite, il y a le problème de l’intermittence, comme on l’a vu : il faudra attendre de meilleures solutions de stockage pour le lever. Néanmoins, l’énergie solaire est tout de même exploitée. Déjà, au travers de la photosynthèse qui alimente toute la flore, et donc la faune, mondiales. Ensuite certaines régions du monde utilisent à assez grande échelle des chauffe-eau solaires, implantés sur les toits des immeubles. Cette solution est méconnue en Europe, mais elle constitue un bon complément pour de nombreux foyers.

À l’échelle mondiale, il est peu réaliste d’envisager du solaire photovoltaïque généralisé. L’emprise au sol de cette solution est très largement supérieure à toutes les autres ressources et constituerait plus une nuisance qu’un bienfait. Mais elle restera utile dans les zones éloignées des grands réseaux électriques.

Outre pour l'électricité, nous avons besoin d'énergie pour le transport et le chauffage. Où en sommes-nous sur ces points-là en termes d'énergies renouvelables ?

Pour le transport, la contrainte est de pouvoir disposer d’une forte capacité énergétique dans un volume restreint. C’est pourquoi les liquides sont les plus performants. La meilleure alternative aux hydrocarbures serait, pour le moment, l’hydrogène. Les premiers véhicules disponibles sont d’ailleurs assez satisfaisants en termes d’autonomie, de performance et de propreté. Mais pour cela, encore faut-il que l’hydrogène soit lui-même produit proprement. Aujourd’hui, il est produit par craquage d’hydrocarbures, en émettant du CO2, ce qui n’est guère satisfaisant. À terme, il devra être produit par électrolyse de l’eau, ce qui est neutre pour l’environnement ; mais cela requiert beaucoup d’électricité, qui doit elle-même être produite proprement. Certains réacteurs nucléaires de quatrième génération seront capables de produire de l’hydrogène à moindre coût. À plus long terme, la fusion nucléaire pourrait aussi remplir cette fonction.

Pour le chauffage, il faut des énergies à haute enthalpie, c’est-à-dire susceptibles de délivrer beaucoup de calories (ce qui n’est pas le cas de l’électricité). La seule piste alternative aux hydrocarbures est celle de la biomasse (le bois), mais avec une forte pénalité, son danger pour la santé (émanations de CO et de particules fines). C’est pourquoi on travaille actuellement plutôt sur l’isolation des bâtiments et leurs performances énergétiques. 

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