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Maintien de l'ordre et "gilets jaunes" : la France n'en fait qu'à sa tête
©SEBASTIEN SALOM GOMIS / AFP

Savoir-faire français

La France ne semble pas vouloir s'inscrire dans le processus de "désescalade" prôné par ses voisins européens pour apaiser les relations entre manifestants et forces de l'ordre. Le Conseil de l'Europe se dit "gravement préoccupé".

Chaque samedi de mobilisation des "gilets jaunes" amène avec lui son lot de blessés : manifestants, policiers, journalistes, passants… Si les "casseurs" ne sont clairement pas exempts de reproches, certains y allant pour causer de graves blessures aux forces de l'ordre, ces dernières ne sont pour autant pas mieux loties. En attestent les centaines de vidéos partagées sur le compte Twitter de l'écrivain David Dufresne, par exemple, dans lesquelles on peut voir des "gilets jaunes" éborgnés, mutilés par les fameuses armes "non-létales" des autorités, les LBD (lanceurs de balle de défense) et les grenades de désencerclement, qui ont arraché la main de plusieurs manifestants ayant tenté de les ramasser. Comme le rapporte Le Monde ce jeudi 31 janvier, la police et la gendarmerie française n'ont, à l'inverse de plusieurs pays européens, pas mené de réforme afin de faire diminuer le nombre de violences lors des manifestations. Le Conseil de l'Europe se dit "gravement préoccupé" par la situation.

Les autorités françaises n'aiment pas "recevoir des leçons des autres sur leurs stratégies"

Ainsi, entre 2010 et 2013, neuf pays européens participaient au programme de recherches Godiac (Good practice for dialogue and communication as strategic principles for policing political manifestations in Europe), soutenu par l'Union européenne, pour tendre vers un apaisement des relations entre citoyens et forces de l'ordre. La France, qui revendique une longue tradition du maintien de l'ordre public, n'en faisait pas partie. "En France, les forces de l’ordre disent avoir inventé le maintien de l’ordre et montrent une belle résistance à coopérer et à recevoir des leçons des autres sur leurs stratégies", explique au Monde Olivier Fillieule, chercheur en sciences politiques à l'université de Lausanne (Suisse) et au CNRS.

Or, la mobilisation des "gilets jaunes" confronte la police et le gendarmerie à une contestation polymorphe, sans réel leader ni mot d'ordre, où se mêlent manifestants pacifistes et individus violents. "La technicité des forces mobiles françaises, reconnue, n’est pas remise en cause. Mais la réflexion est en cours sur la pédagogie pendant les manifestations, et il faut aller dans cette direction", précise au quotidien Grégory Joron, délégué national des officiers des CRS au syndicat Unité SGP Police Force ouvrière. L'enjeu de communication avec la foule est primordial pour éviter d'envenimer des situations qui pourraient éventuellement ne pas dégénérer. "Beaucoup de personnes ne comprennent pas pourquoi elles sont dans un nuage de gaz lacrymogène alors qu’elles sont à 100 mètres des premiers rangs", ajoute le syndicaliste. "Elles ne peuvent pas comprendre ce que signifient les avertissements des forces de l’ordre : le tir d’une fusée rouge, le fonctionnement des sommations ou les appels aux haut-parleurs".

"Unités de paix", panneaux informatifs, policiers psychologues…

Les unités antiémeutes françaises sont plus lourdement armées que dans de nombreux pays européens. Les changements tactiques contraints par les différentes formes de protestation des "gilets jaunes", alliés à un manque de formation chez certaines unités déployées en renfort, auraient participé à l'augmentation totale du nombre de blessés. "Loin d’apaiser les tensions et de garantir la protection de l’ordre public et des libertés fondamentales, [le modèle du maintien de l’ordre] se révèle être contre-productif sur les court, moyen et long termes", prévenait en 2017 l'association ACAT dans un avis remis au Défenseur des droits et dans lequel elle invitait les autorités françaises à "s’engager urgemment dans la voie empruntée par leurs homologues européennes".

Tandis qu'aux Pays-Bas, des "unités de paix" font le lien entre policiers antiémeutes et manifestants, sur le modèle des "officiers médiateur" suédois, que de grands écrans lumineux préviennent, en Allemagne, des opérations menées actuellement par la police (charge, sommation, demande d'évacuation), et que la création en Espagne d'un département de médiation, composé de policiers formés en psychologie, présente des résultats encourageants (-70% d'incidents en manifestation en trois ans), la France revendique une indépendance d'abord symbolique, mais également économique. Pour cause, cette "exception française" semble séduire sur le marché de l'armement et de la formation de polices étrangères, friandes de venir découvrir le "savoir-faire" français dispensé par la direction de la coopération international (DCI), qui forme les jeunes gendarmes et policiers. Ironie du sort, selon Le Monde : une expérimentation devait avoir lieu lors d'une manifestation fin 2018 pour tester la communication des policiers, mais le mouvement des "gilets jaunes" a remis cela à plus tard.

Le Monde

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