La crise en Ukraine panique les bourses occidentales mais profite à l'économie russe <!-- --> | Atlantico.fr
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Plus la crise en Ukraine se durcit, plus la situation économique russe peut en profiter malgré l’effondrement des valeurs à Moscou.
Plus la crise en Ukraine se durcit, plus la situation économique russe peut en profiter malgré l’effondrement des valeurs à Moscou.
©Reuters

L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

Ça fait partie de ces paradoxes difficiles à accepter : plus la crise en Ukraine se durcit, plus la situation économique russe peut en profiter malgré l’effondrement des valeurs à Moscou. C’est un phénomène dont on évite de parler, parce qu'il est politiquement incorrect, mais qui pèse dans l’évolution des rapports de force.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les marchés financiers ont tous sévèrement paniqué. Les bourses européennes craignent une escalade qui aurait des effets systémiques. Paris, Londres, Francfort et New-York ont fortement baissé entre 2% et 3%. Mario  Draghi a mis les marchés monétaires sous surveillance, affirmant dans les couloirs de l’assemblée de Strasbourg où il intervenait,  que les avocats d’une dévaluation de l’euro vont peut-être avoir gain de cause si les événements s’aggravaient. "Pas le moment de jouer avec le feu".

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Moscou n’a d’ailleurs pas échappé au dérapage. Les valeurs cotées à Moscou ont perdu 13%, et le rouble en chute libre, malgré l’intervention de la banque centrale de Russie.

Sur le terrain purement économique, si on raisonne en matière  d’activité, la France n’est pas la plus menacée. Des pays comme la Pologne, ou  la Turquie, la Hongrie, la Roumanie,  exportent beaucoup en Ukraine et en Russie. Plus prudents, les occidentaux comme l’Allemagne, l’Italie ou la France, sont assez peu dépendants pour leurs ventes en Ukraine et en Russie (entre 3 et 4 % du total des exportations).

Pour la France,  le seul impact, directement et rapidement mesurable va porter sur les produits de luxe. Les Russes sont les deuxièmes clients de LVMH après les chinois. Les Russes achètent beaucoup en Russie mais aussi à l’extérieur de la Russie.  Les Russes (les riches) voyagent beaucoup. Par conséquent, les grands hôtels, les palaces et les restaurants de luxes, les bijoutiers, les marques de champagne, les sommeliers célèbres qui distribuent des grands crus de Bordeaux, tout ce petit monde du luxe va souffrir.

Le ralentissement va aussi affecter l’immobilier de luxe à Paris, l’activité sur la Côte d’Azur à Courchevel ou à Deauville est fortement dépendant des Russes qui viennent mettre à l’abri une partie de leur fortune. Si les Occidentaux fermaient la délivrance des visas, si même les occidentaux en arrivaient à geler les biens et les comptes détenus à l’étranger par les riches de la diaspora russe ou ukrainienne, on verrait des secteurs entiers s’étouffer.

Mais l’impact le plus fort va concerner tout le secteur de l’énergie. L’Europe occidentale importe de la Russie  35 % de son pétrole et la moitié de son gaz. Or ces deux énergies  transitent par l’Ukraine et connaissent compte tenu des risques de guerre des hausses de prix depuis quinze jours. Cette hausse de prix, libellée en dollars est encore majorée par l’effondrement du rouble.

Enfin, derniers risques : les risques financiers. les banques européennes (allemandes, anglaises et françaises) sont engagées pour 40 milliards d’euros en Russie et en Ukraine. Une banque comme la société générale a consenti pour plus de 13 milliards de prêts à la Russie. Les établissements financiers européens sont donc à la merci d’une faillite de l’Ukraine –hypothèse qui n’est pas improbable – mais les banques occidentales sont aussi à la merci d’un gel des comptes par Poutine qui répondrait alors au blocage des comptes et des actifs russes en Occident. Le dialogue n’est donc pas facile et les européennes ne sont pas forcément en position de force. Tout le monde se tient par la barbichette.

La Russie de son coté, est en mesure  d’amortir le choc. Elle peut même en profiter. Les prix du gaz et du pétrole et de la plupart des matières premières, qui représentent l’essentiel de ses ressources, vont augmenter. La chute du rouble va doper les sociétés russes exportatrices et plus la relation va se dégrader, plus l’économie russe va en profiter.

L’Ukraine, elle, déjà malade (45 millions d’habitants disposent chacun en moyenne de moins de 300 euros pour vivre) pourrait complètement sombrer.  Si l’Europe ne l’aide pas (mais comment  prêter de l’argent à un pays qui est au bord de la faillite), si la Russie coupe ses financement (Moscou réclamait  13 milliards de dollars fin février pour payer le gaz consommé) , l’Ukraine va sombrer.

Mais si demain l’Ukraine sombrait, les engagements financiers d’origine européens étant plus importants que les engagement d’origine russe, l’ardoise présentée à Bruxelles serait beaucoup plus lourde. On estime que la faillite de l’Ukraine aurait des effets équivalent à celle de Lehman Brothers.

Dans l’état actuel de ses finances, l’Europe qui ne s’est pas encore remise du crash de Lehman Brothers peut difficilement s’en offrir un deuxième moins de cinq ans plus tard

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