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Ce qu'une mauvaise réputation numérique peut coûter en terme de chiffre d'affaires à une entreprise
©Reuters

Bonnes feuilles

La communication a mauvaise presse. Parmi les journalistes comme au sein du grand public, elle est souvent synonyme de mensonge, de vérité arrangée, voire de manipulation et de dissimulation. Avec l’avènement de la communication numérique, des réseaux sociaux et la prise de parole de plus en plus critique et influente d’acteurs autrefois réduits au silence ou sans véritable impact, les managers doivent impérativement réviser en profondeur leurs pratiques communicantes et leur vision des enjeux de la communication. Dans le cas contraire, ils s’exposent à des crises de confiance encore plus violentes et des controverses virulentes où la réputation des organisations et de leurs dirigeants risque de s’en trouver très endommagée, avec des conséquences graves sur le plan sociétal et économique. Extrait de "Managers, Parlez numérique", Olivier Cimelière, Kawa édition (2/2).

Olivier Cimelière

Olivier Cimelière

Journaliste de formation, Olivier Cimelière a exercé pendant plus de 20 ans d’importantes responsabilités en communication corporate au sein de grands groupes internationaux comme Nestlé Waters, Ericsson, Google, Boehringer Ingelheim et Ipsos. Très tôt, il a été convaincu par les bouleversements profonds que le numérique engendre sur la communication des entreprises et des institutions. Au regard de son expérience professionnelle et de ses analyses régulièrement publiées sur le Blog du Communicant, il identifi e 10 enjeux clés qui doivent inciter les managers à faire de la communication numérique, un outil stratégique ouvert au dialogue avec les parties prenantes et une source de valeur ajoutée en termes d’expertise. Pour l’auteur, il est impératif de dépoussiérer la vieille communication cosmétique et incantatoire qui n’a plus de sens à l’heure des médias sociaux et de l’intelligence collaborative.

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A mesure que les siècles ont passé, les techniques réputationnelles se sont peu à peu sophistiquées pour aboutir à la communication moderne telle que nous la connaissons et la pratiquons aujourd’hui. En revanche, l’objectif ultime n’a guère varié : préserver et alimenter la meilleure des perceptions possible que les autres peuvent avoir de telle ou telle entité.

Dans cette optique, la réputation a toujours été systématiquement conçue et appréhendée sous un prisme unilatéral : la construction par soi-même d’une image la plus positive, valorisante et persuasive possible pour s’attirer préférence, soutien et confiance de ses publics qu’ils soient citoyens, consommateurs, salariés, clients, régulateurs, médias, etc. Longtemps, la réputation devait être constituée de ce que l’on voulait projeter en termes de perception plus que de ce que l’on était intrinsèquement ou faisait réellement. En d’autres termes, il suffisait d’affirmer, de marteler, de faire rêver et de maintenir dans l’ombre les points critiques pour s’assurer globalement d’une bonne réputation ou a minima correcte.

Cette culture communicante déclamatoire est désormais en voie d’extinction. Tous les mécanismes qui articulaient sa raison d’être et ses modes de fonctionnement s’érodent et se grippent inexorablement avec l’immixtion incontournable et disruptive des médias sociaux. La réputation est maintenant de moins en moins fondée sur ce que vous décrétez être. Elle obéit graduellement au contraire au célèbre axiome édicté par le journaliste américain spécialiste d’Internet, Chris Anderson : « Votre marque n’est pas ce que vous en dites, mais ce que Google en dit ! ».

Par sa puissance inégalée à aller brasser et indexer des zétabytes de contenus numériques, Google fait remonter à la surface l’immense gargouillis conversationnel de milliers d’acteurs en réseaux et reflète implacablement la perception exponentielle qu’ils nourrissent envers des entreprises, des marques et des dirigeants. Dans certains cas, on aboutit même à des paradoxes où l’on vous prête des intentions, des faits, des caractéristiques qui ne sont pas les vôtres mais qui s’imposent comme des réalités à force d’être répétées et démultipliées dans tous les recoins du Web. Pour la réputation des marques, des entreprises, des personnalités publiques, c’est un total renversement qui ne peut plus être décemment ignoré. Journaliste et éditeur du renommé Holmes Report qui scrute les tendances de l’industrie des relations publics, Paul Holmes prédit que (1) « l’entreprise avec des murs de verre va bientôt devenir une réalité parce que tout ce qui est dit, fait et pensé par une organisation tombe désormais sous l’examen approfondi du public comme cela n’a jamais été le cas auparavant ».

Des enjeux considérables

Ce basculement prononcé du mix réputationnel va constituer un challenge d’envergure pour les communicants et leurs organisations. Terminées les stratégies de blindage à toute épreuve où il suffisait d’édicter et de contrôler pour garder le cap réputationnel qu’on entendait suivre. La voix de l’écosystème interne et externe de l’organisation gagne en poids et en impact même si entreprises, marques et dirigeants ne sont pas encore toujours prêts à être interpelés, ni à concéder une once d’influence sur ce que doit être leur réputation. Paul Holmes le réaffirme 2 : « La marque n’est plus seulement ce que vous dites (la projection intentionnelle de votre identité). Elle est aussi ce que les autres disent à propos de vous (la réputation perçue devient la vraie identité) ».

Or, l’enjeu réputationnel est un sujet absolument crucial pour la performance des organisations auprès de leurs publics. En 2013, Reputation Institute a publié la nouvelle édition de son enquête mondiale baptisée Global RepTrack. Le rapport a compilé et synthétisé plus de 55 000 interviews menées dans 15 pays pour faire le point à date sur l’état de la réputation. Les conclusions sont sans appel 3: une entreprise qui améliore de 5 points sa réputation voit augmenter de 7 % la prescription de ses consommateurs.

Autres enseignements relevés dans l’étude : pour les entreprises jouissant d’une forte réputation, 55 % des consommateurs déclarent qu’ils sont absolument prêts à acheter leur produit et quasiment autant (50 %) à recommander ce dernier à leur entourage. En revanche, pour les entreprises ayant une faible réputation, les chiffres chutent respectivement à 31 % et 28 %. Nul besoin d’être détenteur de la médaille Fields pour immédiatement calculer l’impact économique d’un décrochage réputationnel !

Ces chiffres font d’ailleurs écho à d’autres observations effectuées sur le même sujet. Ainsi, une récente étude de la London School of Economics estimait que parvenir à réduire de 2 % un bouche-à-oreille négatif engendrait une croissance de 1 % des ventes. Dans le même registre, le fabricant américain d’ordinateurs portables Dell a déterminé qu’un client promoteur rapportait 32 dollars tandis qu’un client détracteur coûtait 57 dollars. Si vous combinez ces estimations financières au tsunami réputationnel qu’un bad buzz peut entraîner sur le compte d’exploitation d’une entreprise, on saisit nettement mieux l’importance de la réputation à l’ère du 2.0.

Ce n’est d’ailleurs pas le PDG de la marque textile pour jeunes Abercrombie & Fitch, Mike Jeffries qui pourra prétendre le contraire. En mai 2013, le site Business Insider a exhumé des propos qu’il avait tenus lors d’une interview donnée sept ans plus tôt pour parler du positionnement marketing très drastique de son enseigne. Sans détours, il expliquait qu’il privilégiait les personnes à l’apparence physique séduisante tant dans ses publicités que parmi les vendeurs de ses magasins, ceci pour attirer une clientèle à l’aune de ceux-ci. Une vidéo virulente a alors notamment rassemblé 7 millions de personnes en quelques jours pour dénoncer les propos inadmissibles du dirigeant sans parler d’autres actions coup de poing venues également du Web. Résultat : des ventes en recul, un cours de bourse en berne et des enquêtes administratives sur le dos dans plusieurs pays pour pratiques discriminatoires à l’embauche !

1 « Reputation : the future of corporate communications » – Centre for Reputation Leadership – 2012

2 Ibid.

3 Communiqué de presse de Reputation Institute – 10 avril 2013

Extrait de "Managers, Parlez numérique", Olivier Cimelière (Kawa édition), 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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