Triple play : quand Bouygues Telecom démontre les vertus de la concurrence<!-- --> | Atlantico.fr
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Le logo de Bouygues Telecom.
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©Reuters

Le buzz du biz

Bouygues Telecom a dévoilé une offre "triple play" (Internet, téléphonie fixe, télévision) à 19,99 euros par mois nettement inférieure aux prix du marché, dans une volonté de "rupture" avec ses concurrents. Décryptage comme chaque semaine dans la rubrique du "Buzz du Biz".

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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C’est la guerre. Les hostilités sont ouvertes et, comme les journaux le rapportent, une nouvelle offensive vient d’être lancée. L’offensive vient de chez Bouygues, qui ouvre un nouveau front sur le fixe. L’offre « triple play » (internet, télévision, téléphonie fixe) du groupe a pour ambition de bouleverser le marché avec son prix sensiblement inférieur à celui des concurrents. Martin Bouygues a été très net : il veut une « rupture » ; en décembre dernier il avait même « déclaré la guerre » à ses concurrents.

Le paysage industriel était pourtant calme, il y a quelques années. Puis Free est venu, fonçant tête baissée dans les bataillons de ses adversaires, convaincu d’avoir en main une arme nouvelle : un produit performant et moins cher. La percée stratégique du nouvel entrant sur la téléphonie mobile a eu un effet profondément perturbant pour les acteurs en place. Sur le champ de bataille, les forces de France Télécom, Bouygues et Free s’affrontent depuis à coups d’initiatives commerciales, de bombes médiatiques et de corps-à-corps d’influence. 

De temps en temps, le pouvoir politique décide d’intervenir, en mode casque bleu ou impérialiste. Dans le premier cas, prétendant se placer au-dessus des forces combattantes, il organise une conférence de paix : par respect et par sens politique, les parties prenantes s’y rendent sans illusion et sans intention de calmer le jeu. Ces réunions se concluent par une poignée de main crispée, aussi symbolique qu’inutile, où seul le Ministre organisateur se réjouit, plein d’illusions et surtout d’ego, d’avoir enfin apporter la paix pour notre époque.

Dans le second cas, un représentant du gouvernement gesticule, vocifère et annonce qu’il va prendre des mesures de rétorsions contre le protagoniste qu’il aura jugé coupable sur le moment. Une année Monsieur Montebourg peut ainsi vouloir défendre Free, et l’année d’après changer de camp : aucune vision économique là-dedans, simplement un positionnement politique.

La presse raffole des métaphores guerrières et il faut bien reconnaître que dans le secteur des télécoms, elle a régulièrement de quoi nourrir son imagination et exciter sa plume. Pour autant, cette présentation est terriblement trompeuse. Le jeu de la concurrence se distingue de la lutte armée par de très nombreux points.

La première différence tient à la dynamique qu’impulse la concurrence : la guerre détruit, la concurrence crée. L’objectif des acteurs en présence est de s’opposer et, in fine, de conquérir des parts de marché sur leurs adversaires. Mais le but n’est pas d’annihiler à tous prix l’ennemi, c’est de le surpasser. Dans le secteur des télécoms, Free a conquis son territoire par la force de la nouveauté : ses offres étaient nouvelles. La réaction de Bouygues hier est significative : l’entreprise a annoncé des innovations pour le second semestre 2014. La concurrence pousse donc les opérateurs à faire toujours mieux.

La seconde différence entre la guerre et la concurrence vient de ce que la seconde ne fait aucune victime civile. Les consommateurs sont toujours les gagnants de cette bataille acharnée. Ils bénéficient de prix moins élevés : ils ont ainsi baissé de plus de 11% en 2012 selon l’ARCEP. Ils bénéficient également de services de meilleure qualité : il suffit de voir les publicités qui rappellent les taux de couverture des opérateurs. Au final, certains acteurs choisissent de se distinguer par des abonnements à prix faibles (Free), d’autres par l’accompagnement de la clientèle et la qualité des prestations (Orange), voire par une combinaison des deux (comme Bouygues semble tenter de le faire).

A l’inverse, les puissants conglomérats industriels sont les potentielles victimes de la concurrence. Le jeu du marché bouleverse leur équilibre paisible.

Le jeu de la concurrence, à la différence du fléau de la guerre, suscite une dynamique vertueuse. Ce n’est que lorsque les pouvoirs publics s’en mêlent et prennent parti que l’un des protagonistes a une chance de trouver un relai dans la contrainte normative : l’Etat devient la caisse de résonance de l’acteur le mieux connecté. La norme s’érige alors à l’entrée du marché comme la ligne Maginot : elle ralentit la progression, mais est finalement détournée et celui qui se croyait protégé finit ruiné.

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