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Protection des données : quelle efficacité pour le projet Merkel de défense européenne contre l’espionnage électronique américain ?
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Achtung !

Alors que François Hollande doit s'entretenir avec la chancelière allemande mercredi 19 février, cette dernière a évoqué sa volonté de créer un réseau de communication européen afin d'échapper à l'emprise américaine.

Michel Nesterenko

Michel Nesterenko

Directeur de recherche au Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R).

Spécialiste du cyberterrorisme et de la sécurité aérienne. Après une carrière passée dans plusieurs grandes entreprises du transport aérien, il devient consultant et expert dans le domaine des infrastructures et de la sécurité.

 

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Atlantico : Angela Merkel, dont les communications téléphoniques avaient été espionnées par la NSA,  s'est récemment prononcée pour la création d'un réseau de communication européen, qui permettrait d'échapper à l'emprise américaine. Comment se présenterait concrètement un tel réseau ? La plupart des "peering points" (ou "points d'échange internet") se trouvant aux Etats-Unis, cela implique-t-il de créer de toute pièce un nouveau réseau ?

Michel Nesterenko : Depuis 2000, la mise en œuvre d'un réseau "européen" est incontournable pour des raisons de sécurité informatique et de géopolitique, et pour éviter que chaque pays européen ne devienne un simple vassal économique et industriel des USA. Il aura fallu 14 longues années pour que les politiques européens acceptent finalement de s'affranchir du joug américain, qui avec l'offensive tous azimuts et sans limites de la NSA est devenu insupportable. Aucune des grandes entreprises de télécommunications européennes, qui sont globalisées, n'ont désiré s'affranchir du contrôle américain, auquel elles participent par le biais de leurs filiales américaines, mais surtout parce-que les informations à risque ne sont pas les leurs mais celles de leurs clients, y compris politiques, qui ont soigneusement été tenus dans l'ignorance.
Depuis 2000, l'Europe dispose, sur le plan technique, de tous les éléments constitutifs et le socle même de ce qui devra être le réseau européen. Il suffit de mettre en place un point d'échange internet européen. Cela nécessite un petit investissement, qui ne sera fait que si les politiques de chaque Nation font pression sur la bureaucratie de la Commission européenne pour imposer la mise en place d'un réseau totalement indépendant du réseau contrôlé par les USA. Il faudra imposer à chaque opérateur européen d'offrir l'option de l'utilisation exclusive de ce nouveau réseau, sans pour cela pénaliser les interconnections pour les communications hors-europe.  Si des pays comme le Brésil, la Chine et autres peuvent le faire avec de la technologie européenne, alors pourquoi l'Europe se refuserait elle cette grande liberté ?

La mise en place de ce réseau implique-t-elle de développer des technologies qui jusqu'ici étaient fournies uniquement par les Etats-Unis ? Disposons-nous des moyens de recherche et développement nécessaires ?

L'Europe dispose déjà de toutes les technologies nécessaires. Le très modeste investissement budgétaire permettra de développer et de commercialiser des solutions très en avance sur les produits américains. En effet les États Unis sont maintenant freinés par une infrastructure vieillissante, et qui du fait qu'elle est largement amortie, offre des profits supérieurs à l'utilisation de nouvelles technologies. L'Europe, les entreprises et la recherche européenne disposent là d'un outil pour prendre une avance technologique non négligeable. Les investissements sont sans commune mesure avec les retombées économiques ainsi qu'en termes de nouveaux emplois.

Cela pourrait-il marquer la naissance d'un internet européen ? Les interdépendances actuelles ne rendent-elles pas un tel objectif extrêmement compliqué, voire utopique ?

Il n'est pas concevable de raisonner en termes d'Internet européen, américain, chinois ... Tout est interconnecté. Il reste juste à aménager les portes et rond-points des autoroutes de l'information planétaire. La diversité des systèmes n'est pas un frein, car il suffit de mettre en place des plateformes de "traduction". Tout cela, ont sait le faire depuis l'an 2000.

Sans une harmonisation de la législation européenne sur la protection des données, y a-t-il un réel intérêt à la création de ce réseau européen ?

Absolument. Il y deux enjeux. Le premier, qui est la sécurité informatique et la protection des secrets industriels et commerciaux, voire de la recherche, des entreprises européennes. Le second c'est la protection des données personnelles des consommateurs européens. Sans portes et sans fenêtres qui ferment, comment concevoir protéger quoi que ce soit ? L'harmonisation européenne est désirable, mais l'inertie de la bureaucratie de la Commission européenne pourrait reporter la mise en œuvre dans un avenir lointain. En attendant, chaque pays peut déjà mettre en place un arsenal législatif et Pénal efficace tout en permettant aux associations de Consommateurs de poursuivre au portefeuille les entreprises laxistes. Cela motivera certainement la Commission européenne.

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