Les femmes meilleures en investissement que les hommes : Delphine Ernotte-Cunci confirmera-t-elle la règle ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Delphine Ernotte-Cunci, nouvelle patronne de France Télévisions.
Delphine Ernotte-Cunci, nouvelle patronne de France Télévisions.
©wikipédia

Dure en affaires

Les hedge fund dirigés par des femmes auraient des retours sur investissement supérieurs à la moyenne, selon plusieurs études américaines. Des qualités qui seront certainement appréciées chez la nouvelle présidente de France Télévisions.

Mickaël Mangot

Mickaël Mangot

Mickaël Mangot est consultant en finance comportementale.

Il est l'auteur de « Psychologie de l’investisseur et des marchés financiers » (Editions Dunod)

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Atlantico : Une étude publiée par le cabinet Rotshtein Kass révèle que les hedge funds dirigés par des femmes engrangent des retours sur investissement supérieurs à la moyenne générale alors que d'autres travaux avaient déjà mis en avant la prudence de la gent féminine dans le secteur financier. Faut-il en déduire que les femmes sont de meilleurs investisseurs que leurs pendants masculins ?

Mickaël Mangot : Je ne dirais pas "meilleurs" mais… très clairement "différents" quand on les regarde collectivement. En moyenne, chez les particuliers, les femmes effectivement ont une moindre tolerance au risque que les hommes et une perception accrue des risques. Ces deux caractéristiques additionnées expliquent une moindre prise de risque, dans le domaine financier notamment. De la même manière, on trouve des biais comportementaux plus répandus chez les hommes, et d’autres davantage chez les femmes. Par exemple, les femmes se fient moins aveuglément à leurs intuitions, et du coup font moins rapidement tourner leurs portefeuilles. En diminuant les frais de transaction, cela a un impact positif très significatif sur leurs performances.

>> Lire également Audace 2020 : le plan ambitieux mais prudent de Delphine Ernotte

Néanmoins, si les differences moyennes entre les deux sexes existent, il ne faut pas surestimer leur amplitude. Et on parle à chaque fois de moyennes. Or, il y a une grande diversité de comportements aussi bien chez les hommes que chez les femmes.   

Quels sont les atouts dont peuvent se réclamer les femmes en matière d'investissement et de prévisions de la conjoncture économique ?

J’en vois deux qui se dégagent nettement. D’une part, elles tendent à avoir une vision plus complète des risques encourus, ce qui permet d’éviter les mauvaises surprises. D’autre part, elles sont beaucoup moins sujettes que les hommes à tous les biais comportementaux qui visent à maintenir une haute estime de soi: l’excès de confiance (la tendance à surestimer ses capacités), l’excès d’optimisme (la tendance à surestimer sa chance) et enfin le biais d’auto-complaisance (la tendance à s’attribuer le mérite de ses succès mais à refuser la responsabilité de ses échecs). Cela permet à "la femme-type" de s’enrichir plus facilement que "l’homme-type" de l’information et de l’expertise des autres et aussi d’apprendre plus efficacement de sa propre expérience.

La relative féminisation de la profession financière peut-elle aller jusqu'à provoquer un changement de mentalité du secteur (plus de prudence, moins de risques inconsidérés) ?

J’en doute, pour plusieurs raisons. D’abord, lorsqu’on se dirige vers un métier ou un secteur, c’est qu’en général on pense qu’il épouse nos attitudes et nos valeurs. Si bien qu’il y a dès le départ un fort biais d’auto-sélection: ce sont les femmes aux comportements les plus en phase avec les normes de la finance qui vont postuler dans ce secteur. Ensuite, le mécanisme très humain de conformité sociale pousse les nouveaux-venus à copier les normes de comportement prévalant au sein d’un groupe social (pour se faire accepter). Leur intégration n’accroîtra donc pas la diversité des comportements effectifs au sein du groupe.

Enfin, les individus adaptent leurs comportements aux incitations qu’on leur soumet. Si les incitations sont asymétriques, avec beaucoup plus à gagner qu’à perdre à prendre des risques, les gérants (hommes ou femmes) y répondront d’une manière très rationnelle en prenant plus de risques.En revanche, la féminisation pourrait engendrer des changements de comportement si elle intervenait via des structures affichant expressément des valeurs plus féminines, ou plus solidaires, plus responsables. Mais il faudrait encore qu’elles affichent de belles performances (de gestion et commerciales) pour faire bouger les mentalités…

Les structures gérées par des femmes sont généralement plus petites que les grands instituts financiers "classiques". Cela peut-il expliquer leurs meilleures réactivités, y compris dans les périodes de fort rendement pour les activités à risques ?

Ce n’est pas tant la réactivité que l’impact sur le marché qui avantage les petites structures, notamment dans le domaine de la gestion alternative. Plus un fond est gros, plus ses prises de position sont importantes et plus elles affectent les cours lorsque les ordres sont passés. Ce faisant, les grosses structures ont plus de mal que les petites à profiter des (petites) anomalies de valorisation sur les marchés.  

Faut-il donc en déduire que la femme est l'avenir de la finance ?

La femme est l’avenir de la finance… comme elle l’est pour tout secteur. Pas parce qu’elle serait intrinsèquement mieux adaptée aux caractéristiques du secteur, mais parce que mécaniquement elle enrichit le réservoir de travailleurs suceptibles d’officier dans le secteur. Et plus le réservoir est grand, plus il est possible de dénicher des spécimens rares très bien adaptés à leur environnement. De sexe masculin ou féminin.

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