Pourquoi la vague d'augmentation des salaires minimum à l'étranger est encore loin de les porter au niveau du SMIC français (et de ses effets pervers…) <!-- --> | Atlantico.fr
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Barack Obama veut augmenter le salaire minimum américain de 40%.
Barack Obama veut augmenter le salaire minimum américain de 40%.
©Reuters

Comparatif

En dévoilant son intention d'augmenter le salaire minimum américain de 40%, Barack Obama rejoint d'autres pays qui veulent soit l'augmenter, soit le créer. Si ces décisions peuvent s'avérer stratégique pour nos voisins, ce n'est pas le cas en France. Explications.

Jacques Bichot

Jacques Bichot

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont : Le Labyrinthe aux éditions des Belles Lettres en 2015, Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010, Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012, et La retraite en liberté, au Cherche-midi, en janvier 2017.

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Deux pays à l'économie puissante s'orientent vers de fortes augmentations du salaire minimum : les États‐Unis et l'Allemagne. Or il est fréquent, notamment chez les économistes, d'aller chercher chez ces amis des exemples dont nous aurions intérêt à nous inspirer. Alors, serait‐il bon pour la France de donner un sérieux coup de pouce au SMIC ?

Remarquons d'abord que les économistes attribuent volontiers à la faiblesse du salaire minimum un rôle notable dans la meilleure  performance affichée par ces deux pays, quand on les compare à nous, en termes d'emploi. Il est exact qu'un salaire minimal élevé diminue la demande de travail : telle famille qui peut s'offrir les services d'une femme de ménage et d'une garde d'enfants à raison de 8 heures par  semaine si l'heure est payée 6 dollars se contentera peut‐être de 5 ou 6 heures si le tarif passe à 10 dollars. La France, très touchée par le sous‐emploi, ne peut pas se permettre de l'accentuer encore en augmentant le SMIC. Les États‐Unis et l'Allemagne, où la situation de l'emploiest bien meilleure, et où les inégalités de revenus sont plus fortes (particulièrement aux États‐Unis), peuvent arbitrer entre la vigueur des créations d'emploi et la réduction des inégalités : elles créeront un peu moins d'emplois, mais le nombre de travailleurs pauvres se réduira.

Remarquons ensuite que les États‐Unis et l'Allemagne partent de beaucoup plus bas que la France en matière de salaire minimal (environ 40 % de moins). Par ailleurs, le président Obama cherche ce qu'il peut faire de "social" sans passer par le législateur, car il n'est pas assuré d'avoir la majorité sur les projets de loi que présente son gouvernement : il choisit donc de préférence les domaines où il peut agir par décret. Quant à Madame Merkel, étant à la tête d'une coalition avec les socio‐démocrates, elle est obligée de leur accorder des satisfactions. De même qu'elle avait sacrifié le nucléaire pour se concilier les Verts, elle sacrifie la réforme des retraites qui était en cours, et augmente le salaire
minimal, pour complaire à ses alliés du moment. F. Hollande et J. M. Ayrault, en revanche, sont en position de faire avaler quelques couleuvres à l'extrême gauche et aux écolos.

Remarquons enfin que le problème, en France, serait plutôt de diversifier le salaire minimum, notamment selon les régions. Dans les zones rurales, la "France profonde", les emplois sont souvent rares, mais les loyers sont modestes et on peut se "débrouiller" en cultivant ses légumes. Un travail à 7 ou 8 euros de l'heure pourrait attirer des entreprises et rendre service à des personnes sans emploi. En revanche, dans les grandes villes, le SMIC actuel ne permet déjà pas à une personne seule de vivre correctement, à moins d'être un génie de la débrouille et d'avoir un peu de chance (par exemple un loyer vraiment bon marché), donc il ne saurait être question de diminuer le salaire
minimal.

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