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Valeur refuge : qui achète encore de l'or aujourd'hui ?
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Bonnes feuilles

Nicolas Perrin explique comment mieux appréhender les mécanismes qui font bouger le cours de l'or et définir une stratégie d'investissement. Extrait de "Investir sur le marché de l'or" (2/2).

Nicolas Perrin

Nicolas Perrin

Nicolas Perrin est conseiller de gestion de patrimoine indépendant. Diplômé de l'IEP de Strasbourg, du Collège d'Europe et de l'Université d'Aix-Marseille, il intervient pour les Publications Agora en tant qu'éditorialiste.

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Un certain nombre de critères permettent d’évaluer le niveau d’intérêt du grand public pour le métal jaune.

  • D’après les données du Conseil mondial de l’or, la demande mondialed’or d’investissement est passée de 352 tonnes en 2002 à 1 534 tonnes en 2012, soit une augmentation de plus de 18 % en moyenne annuelle. La hausse a surtout été portée par la demande d’or physique.

Figure 42 : Évolution de la demande mondiale d'investissement (2002-2012)

Source : Conseil mondial de l’or (Graphique réalisé par l’auteur)

La demande est très inégale selon les pays et les épargnants occidentaux sont à la traîne. Les quantités de métal jaune achetées en France sont microscopiques en comparaison avec la situation qui prévaut outre-Rhin et a fortiori par rapport aux deux géants asiatiques que sont l’Inde et la Chine. Michel Prieur déclarait à ce propos en 2010 : « Est-ce que l’or est ressenti comme une valeur refuge ? Oui, certainement, mais dans les discours, pas dans les faits. [...] Les seules personnes qui achètent vraiment de l’or, ce sont des gens qui ont d’énormes moyens, pas du tout M. Toutlemonde. M. Toutlemonde, il a toujours confiance, le pauvre ». L’épargnant français semblait s’être réveillé en 2011 avec plus de 6 tonnes achetées mais la demande hexagonale a diminué de plus de moitié l’année suivante[1]. Sur le terrain, les vendeurs d’or constatent un rajeunissement significatif du client moyen. Il semble qu’à la faveur de la crise, l’or soit en odeur de sainteté chez les moins de 40 ans alors qu’il était jusqu’à très récemment considéré comme un « placement de vieux ». Déception vis-à-vis des moyens d'épargne traditionnels, scepticisme vis-à-vis des préconisations de leur « conseiller » bancaire, accès à des informations alternatives grâce à internet[2]… les explications ne manquent pas pour expliquer ce phénomène.

Figure 43 : Évolution de la demande d'investissement physique (sélection de pays, 2009-2012)

Source : Conseil mondial de l’or (Graphique réalisé par l’auteur)

  • L’augmentation de la demande de pièces se reflète dans leur prime, c’est-à-dire dans la différence entre le prix d’une pièce à la vente et la valeur du métal précieux contenu. Suite à l’invasion de l’Afghanistan par l’Union soviétique en 1980, la prime sur le Napoléon dépassait les 100 %. Il fallait donc payer deux fois le prix du métal pour acquérir un Napoléon. Un niveau de prime inférieur à 4 % en janvier 2013 indique que la demande de Napoléon est existante, sans pour autant que les « petits épargnants » se ruent sur cette pièce (n’ayant pas les moyens pas d’acheter de lingots).

  • La couverture médiatique de l’or par les media a tendance à croître mais les émissions portant sur le métal jaune restent très sporadiques et l’or est loin d’occuper le devant de la scène dans les media grand public. La hausse du métal jaune a été mentionnée à plusieurs reprises dans les journaux télévisés de 20 heures au cours de l’année 2011 et l’émission grand public C dans l’air a dédié deux numéros à l’or au cours de l’année 2012 : « Crise : la ruée vers l'or » (20 janvier) et « Les voleurs d'or » (23 août). Pour ce qui est des émissions radiophoniques, la station Europe 1 a invité plusieurs personnalités à débattre sur le thème de l’or en novembre 2012.

  • Les circuits de vente d’or et de métaux précieux se sont développés, en particulier depuis 2009. Alors qu’au milieu des années 2000, il était particulièrement difficile d’acquérir de l’or en dehors des officines de change et de métaux précieux, cela est beaucoup plus aisé aujourd’hui. Le marché a notamment été marqué par la création de plusieurs sociétés permettant d’acheter de l’or en ligne ainsi que des solutions de stockage (cf. page 150).

  • Enfin, les nombreuses publicités que vous recevez depuis quelques années dans vos boîtes aux lettres proviennent d’officines de rachats d’or incitant la population à se séparer de ses bijoux et de ses précieux Napoléons. Ces professionnels sont convaincus qu’il est encore temps d’acheter. Au contraire, la communication des sociétés commercialisant des pièces et des lingots a très majoritairement lieu sur des sites internet quasi confidentiels. Par ailleurs, le problème n° 1 d’une grande partie des contribuables est d’arriver à boucler les fins de mois plutôt que de se constituer une épargne. Peu de chances donc qu’une bulle sur l’or se constitue à la faveur d’une ruée du quidam auprès des négociants.


[1] François de Lassus, Directeur de la communication de CPoR Devises, rappelait le 22 août 2012 dans l’émission télévisée C dans l’air que l’on estime que les Français détiennent le troisième plus gros bas de laine en or au monde (derrière les Américains et les Indiens) avec au bas mot 3 000 tonnes d’or, dont deux tiers en pièces et un tiers en lingots. De nombreux épargnants se trouvent cependant dans l’illégalité la plus totale du fait que la majeure partie de cet or a été reçue par voie de transmission d’héritage anonyme. La taxe forfaitaire a encore de beaux jours devant elle ! A noter qu’aucune étude de l’INSEE ne traite de l’or des Français, pas même la dernière mouture de son étude sur les revenus et le patrimoine des ménages... On ne dispose pas non plus d’estimation concernant la bijouterie. Pour rappel, la Banque de France détient officiellement 2 435 tonnes d’or.

[2] Alors que les media grand public évoquent l’or uniquement après que son prix ait fortement augmenté et terminent invariablement par une mise en garde contre les bulles spéculatives.

Extrait de "Investir sur le marché de l'or",  Nicolas Perrin (Afranel Editions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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