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Le réveillon du 31 décembre a aussi un sens... mais pas le même pour tous
©Reuters

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Une grande partie du monde se prépare à fêter la nouvelle année. Pourtant, tous les pays ne l'abordent pas de la même façon, voire ne l'aborde pas du tout. Tour d'horizon de qui fête la Saint-Sylvestre, comment et avec quelle signification.

Jean Viard

Jean Viard

Jean Viard est directeur de recherches CNRS au CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po.

Il est spécialiste des temps sociaux (les 35 heures et les vacances), des questions agricoles et de l'aménagement du territoire. 

Il est l'auteur de Penser les vacances (Editions de l'Aube, 2007), et Eloge de la mobilité : Essai sur le capital et la valeur travail (Editions de l'Aube, 2008) et plus récemment de : La France dans le monde qui vient aux Editions de l'Aube.

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Atlantico : Dans quelques heures, nous entrerons dans une nouvelle année. Mais tous les Français s'y préparent-ils de la même façon ? Qui sont ceux qui fêtent ce passage et qui sont ceux qui ne le fêtent pas ? Pour quelles raisons ?

Jean Viard : A la différence de Noël dont la dimension religieuse peut écarter certains groupes sociaux, en France l'entrée dans une nouvelle année est un évènement que tous ceux qui peuvent le fêter fêtent. Il s'agit de quelque chose qui retrouve dans toutes les cultures et dans toutes les civilisations même s'il existe des différences (souvent minimes) de calendrier ce qui limite encore les éventuelles différences d'approche de la chose. Dans notre pays, le changement d'année relève d'une dimension civile et il n'apparait donc pas que l'appartenance à une communauté ou à une autre empêche de fêter cet évènement. Bien sûr, il est vraisemblable que les ressortissants de certaines communautés, asiatiques par exemple, feront deux fois la fête, une fois le 31 décembre et une fois, à l'occasion du Têt ou autre, mais il est peu probable qu'ils ne le feront pas ce soir !

Ainsi, ceux qui ne célèbreront pas l'entrée dans 2014 sont principalement ceux qui n'auront pas l'occasion de le faire. La principale condition est donc à chercher dans l'isolement social de personnes seules voire de couples. Il ne faut pas oublier non plus ceux qui font "de la résistance" anti-fête voire plus précisément anti-jour de l'an. Il ne s'agit pas d'un phénomène majeur mais certains rejettent l'idée qu'il faille faire de l'évènement une grande soirée à tout prix. D'un point de vue chiffré, la télévision et ce qui s'y passe, reste donc l'évènement de la soirée du 31 décembre...

Enfin, je voudrais préciser un point important qui traduit l'évolution de notre façon de voir les choses. Cette année, aussi bien à propos de Noël que de la Saint-Sylvestre, on m'a d'abord demandé qui sont ceux qui s'opposent à l'évènement plutôt que de me demander qui sont ceux qui y participent. Nous regardons la frange avant de regarder le cœur de l'évènement.

Comment les différents groupent sociaux qui célèbrent le jour de l'an le font-ils ? Ces pratiques ont-elles évolué au fil du temps ?

Là encore, on observe un constat très différent entre Noël et la Saint-Sylvestre. Si la première est quasi exclusivement familiale, la seconde est au contraire très générationnelle ! Il y a une fête pour chaque tranche d'âge ou presque.

Étant l'une des rares grandes fêtes d'hiver, la célébration de la nouvelle année implique qu'on la passe "à l'intérieur". Si ce constat peut apparaitre évident, il empêche dans un pays avec un climat comme le nôtre les grandes réunions populaires qui peuvent exister dans certaines régions du monde. Ainsi, les différentes fêtes générationnelles se complètent les unes les autres. Les parents, et c'est une tendance croissante, passent souvent la Saint-Sylvestre au restaurant, en couple ou entre amis. Sinon, ils la passent à une soirée chez des amis. Dans un cas comme dans l'autre, ils libèrent la maison pour les enfants qui pourront généralement y organiser une soirée.

En effet, cette soirée représente pour beaucoup de jeunes la première occasion de se retrouver "entre eux", sans adultes, et cela constitue bien souvent une porte d'entrée vers la vie d'adulte. Consommation d'alcool variant selon les âges, premiers baisers voire premières relations là encore selon les âges. Ainsi, ceux qui n'ont pas une maison ou un appartement à disposition pour fêter cela sont bien souvent ceux que l'on retrouve dans la rue ce soir-là…

Les jeunes couples quant à eux, le plus souvent sans enfant, se rendent dans des boites de nuit ou à des soirées plus arrosées qu'un diner entre amis.

Enfin, sur la question des familles le fait que de nombreuses personnes ne travaillent désormais pas entre Noël et le jour de l'an a entrainé d'importants déplacements de ces fêtes vers les résidences secondaires, les stations de ski ou les régions d'origines des familles des grandes villes. Jusque dans les années 1980, cela était moins vrai à cause du fait que cela se décomposait en deux coupures de deux jours qui permettaient moins de partir. Il est important de préciser que ces différentes considérations sont directement dépendantes des régions et des niveaux d'urbanisation des lieux de vies des différentes familles, et bien sur de leur classes sociales.

Quelle est la symbolique qui entoure le passage à la nouvelle année ? Celle-ci a toujours été une fête à la dimension sociale et commerciale quasi obligatoire ?

La symbolique qui unit globalement toutes les sociétés derrière le fait de célébrer le changement d'année c'est l'inversion de l'équilibre jour/nuit. C’est-à-dire le retour de la lumière, du beau temps etc. Là encore, il s'agit de considération qui peuvent dépendre de la région du monde mais tout cela est le plus souvent institutionnalisé sous une date précise qui donne lieu à une grande célébration commune.

L'importance de la fête, du bon repas, de la réunion est donc historique. En Provence par exemple, on accrochait du raisin sur une corde à la cave afin de le garder pour fêter la nouvelle année. Ainsi, si la dimension agraire de la fête a disparu, la célébration gastronomique n'est pas une création de la société moderne même si elle n'a pas toujours eu la dimension très commerciale qu'on lui connait désormais.

La symbolique moderne du passage à la nouvelle année est désormais celle de "la page blanche", du nouveau départ. Ce marqueur temporel apparait aux gens comme le départ d'une nouvelle aventure. On constate par exemple, une hausse des inscriptions dans les clubs de sport en lien direct avec les "bonnes résolutions". Comme en commençant un nouveau travail ou en emménageant dans un nouvel appartement, le début d'une nouvelle année est l'occasion de faire le bilan sur l'état de sa vie et de prendre des initiatives.

Étrennes, cadeaux aux enfants, etc. : les pratiques traditionnelles qui étaient associées à la Saint-Sylvestre ont-elles totalement disparu ? A quoi faut-il attribuer cela ?

Il me semble effectivement que Noël a capté toute la dimension des cadeaux pour ne laisser à la Saint-Sylvestre que la dimension festive.

Dernier élément sur la Saint-Sylvestre, un nouvel enjeu est apparu ces dernières années : la gestion de l'alcool. Là où cette soirée était généralement celle où tout le monde buvait à l'excès et prenait sa voiture en toute insouciance, il faut désormais s'organiser soit pour dormir sur place soit pour que quelqu'un soit en état de conduire.

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