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Vilains, guerriers et prêtres : comment on forniquait au Moyen Âge
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Bonnes feuilles

Moyen Age et érotisme : les deux termes semblent contradictoires. Ils ne le sont pas. La civilisation médiévale, taxée à tort d'obscurantisme, fut extrêmement inventive dans les domaines du désir et de la sexualité. Extrait de "L'érotisme au Moyen-Age" (1/2).

Arnaud de La Croix

Arnaud de La Croix

Arnaud de La Croix est philosophe de formation. On doit à ce jeune historien, qui aborde le Moyen Age avec un regard neuf, "L’Érotisme au Moyen Âge. Le Corps, le désir et l’amour" (Tallandier, 2003), mais aussi "Les Templiers" (Le Rocher, 2002). Ses ouvrages sont traduits en plusieurs langues.

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Cette littérature du peuple médiéval peut donc témoigner de la conception de la sexualité que se faisait ce peuple, loin des prescriptions théologiques ou des raffinements de l’amour courtois. N’en déplaise au clerc André Le Chapelain, qui déconseillait d’initier les paysans à l’art d’aimer (117), la sexualité des vilains, à lire les fabliaux, les préoccupe tout autant qu’elle travaille les guerriers… ou les clercs. L’adultère est de mise, ici aussi, mais parce que les jeunes valets et surtout les prêtres apparaissent plus disponibles et plus amoureux que bien des maris. Sans parler de la taille de leur sexe : « Il l’a plus grand que vous n’avez et plus gros, sachez-le bien ! », fait remarquer l’épouse de maître Picon à ce dernier (118).

Les femmes apparaissent, dans ces récits, insatiables. On peut y lire l’influence de l’Église, qui les dit sources de toute luxure. Mais cet antiféminisme supposé se teinte aussi d’une grande admiration, chez les auteurs de fabliaux, pour la stratégie féminine : veuve avide ou demoiselle qui prétendait ne pas entendre parler de foutre, épouses mal mariées ou délaissées, elles s’y entendent merveilleusement pour parvenir à leurs fins. Et le mari jaloux figure ici comme ridicule, plutôt que victime.

Autant l’acte sexuel proprement dit ne fait pas l’objet de longues descriptions ni de raffinements pervers, ainsi que le remarque Howard Bloch, autant le phallus ou le vagin sont-ils objets de culte : une invention verbale sans égale les détaille infiniment.

Cette jouissance linguistique s’accompagne d’une grande propension au spectacle érotique, « une source de plaisir aussi importante que l’acte lui-même (119) ». Un prêtre jouit de cocufier un mari devant les yeux de ce dernier dans « Le Prestre qui abevete ». Trubert s’excite de surprendre les jeunes suivantes de la duchesse se déshabillant devant lui, alors qu’il est travesti en femme. De même, il ne peut s’empêcher de montrer son « grand vit » à un prêtre. Ou encore, un chevalier surprend trois fées au bain, avant de faire parler le cul d’une comtesse devant sa cour assemblée.

Cette érotique du spectacle ne va pas sans rappeler le roi du « Lai de Graelent », qui exhibe chaque année sa femme nue devant l’ensemble de ses vassaux, conviés à louer sa beauté.

Si le Moyen Âge est une civilisation visuelle qui s’attache au geste, au mouvement du corps (120), cependant l’érotisme réside d’abord dans le regard posé sur ces corps.

Le bain, où le corps de l’un apparaît dévoilé aux yeux de l’autre, est un motif récurrent des fabliaux, où il prélude à l’acte sexuel, ce qui illustre le goût prononcé des hommes du Moyen Âge pour les étuves. L’on s’y baignait et mangeait nus entre amants, tout en se livrant à des attouchements intimes… au vu et au su des autres couples présents.

117) « On pourrait craindre alors qu’en dépit de leurs dispositions innées, ils n’abandonnent la culture des riches terres qui fructifient habituellement grâce à leurs efforts » (Traité de l’amour courtois, op. cit., p. 148).

118) Gautier Le Leu, « Le prestre taint ».

119) R. Howard Bloch, postface aux Fabliaux érotiques, op. cit., p. 538.

Extrait de "L'érotisme au Moyen-Age", Arnaud de La Croix, (Editions Tallandier), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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