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Mesdames, sachez qu'avoir de grosses fesses est meilleur pour la santé que l'inverse
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Bonnes feuilles

Jean-Claude Kaufmann décrypte la tyrannie des normes imposées aux femmes par le regard de l'autre et plus encore par leur propre regard qui varie suivant les modes et les époques. Extrait de "La guerre des fesses" (1/2).

Jean-Claude Kaufmann

Jean-Claude Kaufmann

Jean-Claude Kaufmann est sociologue spécialiste des couples et de la vie quotidienne.

Il est l'auteur de "Mariage, petites histoires du grand jour de 1940 à aujourd'hui" aux éditions Textuel et de "Un lit pour deux, la tendre guerre", Lattès, 2015, 18 €. Il tient également un blog.

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Quelque chose est donc bien en train de se passer dans notre société à propos des rondeurs. Spécialement autour des fesses. Vous vous souvenez de ce qui s’était produit dans les années 1960 à propos de la minceur ? L’élan irrésistible, la cristallisation de facteurs très divers, l’emballement de la machine folle ? La situation n’a évidemment rien de comparable avec les rondeurs aujourd’hui. Le modèle de l’ultraminceur est toujours dominant et les élans certes passionnés restent circonscrits dans des espaces particuliers. Mais ce chapitre a montré que les choses évoluent. Avec une convergence assez remarquable autour des idées nouvelles, une agrégation de phénomènes très divers. Quand un tel revirement opère, que la cristallisation évolue dans un sens différent, il entraîne dans sa dynamique des éléments de toutes sortes, qui en s’agrégeant à leur tour, renforcent le mouvement. C’est particulièrement le cas pour la recherche scientifique qui, depuis quelques années, après des siècles de combat contre la graisse, a décidé de retourner sa veste et de se prononcer en faveur des courbes, en particulier fessières. La science soutient désormais les grosses fesses.

Pas toute la science, il ne faut rien exagérer, des bataillons entiers restant mobilisés dans la lutte intransigeante contre l’obésité. La science avance de manière contradictoire, par la polémique entre chercheurs, qui se réfutent mutuellement pour avancer ensemble. Le premier fait nouveau fut l’apparition de quelques articles scientifiques favorables aux grosses fesses. Le second, plus important encore, fut que ces articles soient très largement repris par la presse, démultipliant l’information dans le public : c’est ici, par la magie des médias, que la cristallisation opère dans l’opinion, plus que par la science elle-même. Tout a commencé par des découvertes sur les effets de la graisse dans l’ensemble de l’organisme. Elle semblait définitivement clouée au pilori, désignée comme l’ennemie absolue, coupable de tous les maux du corps (et signe d’un relâchement mental pour les adeptes de la stigmatisation). Or des chercheurs introduisirent un petit bémol dans cette mélodie trop chantante. Exploitant une synthèse de près de cent études couvrant trois millions de personnes, dirigée par le Dr Katherine Flegal et publiée dans le Journal of the Medical American Association, ils constatent que les personnes en léger surpoids vivent un peu plus longtemps que celles dont le poids est normal 19. L’hypothèse explicative est que si l’obésité reste très mauvaise pour la santé, de petits excès adipeux pourraient fournir des réserves d’énergie lors de certaines maladies, et permettre ainsi à l’organisme de mieux se défendre. Stupeur dans le monde scientifique et médical ! Mobilisation générale dans les médias attentifs au changement de paradigme ! Car les conseils santé étaient jusque-là un des piliers majeurs du « système minceur ». Tout le bel édifice ne risquait-t-il pas de s’effondrer ? En serait-il fini de la grâce transparente et aérienne des fantomatiques mannequins qui font rêver ?

La science mainstream riposta aussitôt. Il ne fallait pas oublier l’obésité ! 6 % de vie en plus avec un peu de graisse, ce n’était rien comparé aux ravages des kilos en surnombre. Certes, certes. Mais, quand même… Ces pauvres 6 % constituent bien, malgré tout, une contestation des bienfaits sacrés de la minceur absolue. Alors, le moment de surprise passé, la science se mobilisa pour comprendre un peu mieux. Poussant ses analyses, elle découvrit que toutes les graisses n’étaient pas de même nature selon l’endroit du corps où elles se fixent. Certains endroits sont beaucoup plus mauvais que d’autres pour la santé. En particulier le ventre (très mauvaise la bedaine, très mauvaise). La graisse du ventre libère des acides nocifs ainsi que des molécules appelées cytokines qui déclenchent des inflammations, accroissant les risques de diabète et de maladies cardiaques. Pas celle des fesses. Au contraire, la graisse des fesses est bonne pour la santé, elle protège contre le diabète et les maladies cardiaques. Le Dr Konstantinos Manolopoulos est intransigeant sur ses conclusions, validées par l’International Journal of Obesity . La graisse des fesses est meilleure pour la raison qui horripile précisément certaines femmes, frottant leur derrière à n’en plus finir dans l’espoir de le faire disparaître : elle est plus stable, plus résistante aux variations. D’autres graisses comme celles de la ceinture abdominale changent plus rapidement de volume, et c’est justement dans les mouvements de diminution brusque qu’elles libèrent des molécules néfastes pour l’organisme. Pas les fesses qui, rondes ou plates, restent toujours égales à elles-mêmes.

Je dis bien les fesses. Les premières publications scientifiques favorables aux rondeurs plébiscitèrent un ensemble plus large : hanches, haut des cuisses et fesses. Mais la faculté de médecine de l’université Northwestern d’Evanston dans l’Illinois fouilla plus avant dans ces différentes parties graisseuses. Le Dr Diana Kerwin , qui dirigea une étude auprès de huit mille femmes âgées sur le rapport entre les dépôts graisseux et la perte de mémoire, découvrit que sur les hanches, les conséquences étaient néfastes, autant que sur le ventre. Pas sur les fesses, pas sur les fesses ! La presse aussitôt reprit l’information. « Grosses fesses, bonne mémoire », titra Slate.fr. Les fesses ont décidément le vent en poupe.

Extrait de "La guerre des fesses", Jean-Claude Kaufmann (Editions JC Lattès), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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