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D'où viennent ces nouveaux virus qui détruisent les océans ?
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Bonnes feuilles

A travers une étude des populations et des mécanismes océaniques, cet ouvrage est un plaidoyer pour la sauvegarde des océans avec force de propositions. Extrait de "Océans : la grande alarme" (1/2).

Callum Roberts

Callum Roberts

Callum Roberts est professeur de conservation marine à l'université d'York et professeur associé à l'université Harvard. Ses efforts ont abouti à la création, en 2010, du premier réseau mondial de zones sanctuarisées en haute mer. Il est actuellement ambassadeur pour la Grande-Bretagne du Fonds mondial pour la nature (WWF).

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Jessica Ward, de l’université Cornell, et Kevin Lafferty, du Bureau de recherches géologiques et minières de Californie, ont tenté de déterminer une norme de fréquence des maladies marines en épluchant tous les rapports les concernant depuis 1970 1. Le nombre total de rapports sur la vie marine a augmenté régulièrement depuis cette date – plus nombreux sont les scientifiques travaillant aujourd’hui dans ce domaine ainsi que les gens qui s’y intéressent. Ils ont donc tenu compte de cette augmentation en déterminant, pour chaque année, la proportion de rapports directement liés aux maladies. Celle-ci s’est accrue progressivement pour les tortues, les coraux, les mammifères, les oursins et les mollusques. Aucune tendance à la hausse ou à la baisse n’a été constatée pour les requins et les raies, les algues, les crabes, les langoustes et les crevettes. Les poissons, quant à eux, semblent moins touchés aujourd’hui que dans le passé. Cette façon d’aborder la question n’est certes pas sans poser problème. La science est aussi sensible à la mode que n’importe quel autre secteur de l’activité humaine et les chercheurs se passionnent pour des sujets différents selon l’époque. Les professeurs mettent l’accent sur ce qui les captive et leurs étudiants persistent souvent dans la même voie au cours de leur carrière. Mais les résultats de cette compilation sonnent juste et correspondent aux constatations faites par ceux d’entre nous qui ont pratiqué la plongée sous-marine durant cette période. Nous voyons aujourd’hui beaucoup plus de maladies et d’épidémies que la première fois où nous avons sauté dans l’eau avec notre masque et notre tuba lors de notre première plongée.

Si je me suis longuement attardé sur l’effet préjudiciable des agents pathogènes et des parasites, il ne faut pas oublier qu’ils jouent toutefois un rôle important dans la marche de la nature. Leur présence témoigne de la complexité d’un écosystème et montre qu’il fonctionne assez bien pour qu’ils puissent subsister, surtout ceux dont le cycle de vie est également complexe et qui s’accommodent d’hôtes multiples. Kevin Lafferty a relevé une abondance particulière de parasites de poissons coralliens autour de l’atoll Palmyra, presque vierge, dans le Pacifique central, où ils se servent des requins pour accomplir leur cycle de vie 1. Selon lui, la présence de parasites dans un écosystème est à rapprocher de celle des prédateurs en bout de chaîne en ce sens qu’ils font office de freins et de contrepoids pour empêcher les espèces dominantes d’écraser leurs rivales. En d’autres termes, si les maladies des coraux ne manquent pas de nous inquiéter, elles contribuent sans doute dans une certaine mesure à préserver leur diversité qui nous fascine tant.

Pourtant, quelque chose a manifestement changé. Quelle est la cause de la fréquence croissante de ces maladies dans la vie marine ? Pour qu’une maladie se déclare, qu’une invasion parasitaire se déclenche, il faut une source d’agents pathogènes virulents, une population d’individus prédisposés et un moyen de transmission. Les multiples changements que nous imposons aux océans offrent aux pathogènes d’excellentes occasions de s’établir et de proliférer. Les personnes stressées sont généralement en moins bonne santé que les autres, car la tension affaiblit le système immunitaire. De la même façon, les agressions multiples rendent animaux et plantes plus vulnérables. C’est souvent ainsi que se déclarent les maladies endémiques d’une région et celles introduites par mégarde. Les flambées épidémiques révèlent les effets conjugués d’un grand nombre de facteurs qui augmentent la prédisposition. Elles montrent que les agressions cumulées compromettent la vie marine. L’épidémie qui a anéanti les oursins à longues épines de la Caraïbe s’est déclenchée à Panama, non loin du canal qui relie l’Atlantique et le Pacifique. Si les espèces marines sont incapables de franchir toutes seules le canal à cause des lacs d’eau douce, elles peuvent en revanche être véhiculées par les bateaux. L’eau de lest transporte non seulement des espèces invasives, mais aussi des maladies. Lorsque celles-ci trouvent un terrain propice, elles font des ravages. Comme Jared Diamond l’a démontré de manière convaincante dans son livre De l’inégalité parmi les sociétés, les maladies ont plus efficacement contribué à la répression des populations indigènes par les colons européens que les armes. Les épidémies de grippe, variole et choléra ont balayé tribus, îles et continents entiers, anéantissant au passage sociétés et cultures. Chaque fois que le contact a été établi, hostile ou amical, une véritable hécatombe en a résulté. En certains endroits, elle n’a épargné qu’une personne sur dix 1. L’île d’Hispaniola (aujourd’hui Haïti et la République dominicaine) a perdu 240 000 de ses 300 000 habitants, probablement victimes de la variole, dans les vingt ans qui ont suivi l’arrivée de Christophe Colomb.

Extrait de "Océans : la grande alarme", Callum Roberts, (Editions Flammarion), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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