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Votre mobile vous rend malheureux, c'est scientifiquement prouvé
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Non mais allô !

Des chercheurs américains se sont intéressés à la corrélation entre mauvaises notes à l'université et utilisation des mobiles. Il s'est avéré que ce dernier pouvait non seulement affecter les notes mais aussi la vie des jeunes gens.

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle est docteur en sociologie et ingénieur télécom (ENST Bretagne). Elle est professeur à l'ISC Paris et co-fondatrice de la Chaire Digital BusinessSes domaines de recherche couvrent les usages des TIC (téléphone portable, Internet, médias sociaux…)

Elle a publié La télévision mobile personnelle : usages, contenus et nomadisme,  Les usages du jeu sur le téléphone portable : une mobilisation dynamique des formes de sociabilité  aux Editions L'Harmattan et J'arrête d'être hyperconnecté ! : 21 jours pour réussir sa détox digitale chez Eyrolles.

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Atlantico : Une récente étude avance que les personnes les plus capables de s'affranchir de leur téléphone portable sont plus heureuses que celles qui y sont soumises. Que faut-il en penser et comment l'expliquer ?  

Catherine Lejealle : L’étude américaine porte sur 500 étudiants et montre en effet que les jeunes qui restent rivés à leur mobile sont en état d’alerte permanente et donc plus stressés, plus anxieux et moins heureux. Ils se disent tenus de répondre et donc obligés d’être en état d’alerte permanente comme des bêtes traquées. C’est bien l'obligation d’être au garde-à-vous non stop, prêt à répondre à la moindre sommation, qui est la cause de leur sentiment d’être stressés et moins heureux. Il s’agit d’un harcèlement auxquels ils se soumettent de leur plein gré par effet générationnel d’entraînement, si bien qu’ils se retrouvent dans la situation des domestiques du siècle dernier, à l’écoute du moindre coup de sonnette de leurs maîtres.

Une étude précédente avait montré que l'utilisation des mobiles améliorait les relations sociales et atténuait le sentiment de solitude. Ces deux études sont-elles contradictoires ?

Non, les deux études questionnent deux fonctionnalités différentes du mobile et sont complémentaires.

Le mobile permet d’une part de communiquer avec ses proches, de partager de l’émotion, et du soutien à distance. Tout ceci est une formidable possibilité de s’affranchir des distances et d’être présent à ceux qu’on choisit. Cet aspect apporte de la satisfaction car il y a partage.

La nouvelle étude qui montre un sentiment de harcèlement concerne la gestion des appels entrants et le non-usage de la messagerie ou tout simplement de la touche OFF. Il faut savoir s’accorder des moments où on est non-joignable parce qu’on fait autre chose et qu’on est avec d’autres personnes. Il faut pouvoir être pleinement à ce qu’on fait et ne pas être non stop joignable ou au moins oser dire«  Je te rappelle. Je suis occupé. Je ne peux pas prendre ton appel mais dans 2 heures ce sera avec plaisir ». Cette réponse commence à entrer dans les normes d’usage car elle signifie que lorsqu’on prend l’appel, on est pleinement disponible. Cela questionne aussi la limite de la multi-tâches et de la défocalisation de l’attention. En combien est-on capable de se découper simultanément ? Les cogniticiens montrent que le cerveau humain se fatigue à zapper d’une interruption à une autre. 

La difficulté n'est-elle pas de trouver le bon équilibre ? Comment éviter que le mobile ne devienne une source de malheur ?

Ne pas oser se mettre sur messagerie est souvent un blocage qu’on s’impose à soi-même et il faut apprendre à savoir dire « plus tard je te rappelle ». Avec un téléphone fixe, on sait où se trouve l’autre et on a une information sur l’état de disponibilité dans lequel il se trouve. Avec le mobile, ces informations de contexte disparaissent. Idéalement l‘appelant demande au préalable à l’autre s’il est disponible ou pas. Les normes d’usage se mettent en place progressivement mais les jeunes sont plus réticents à les adopter. Être joignable est un nouveau paradigme : avoir des appels signifie qu’on vaut quelque chose, qu’on est important pour d’autres, qu’on est connecté. Dans leur imaginaire, plus on a de liens, d’amis ou d’appels, plus on a de valeur. Du moins en théorie car ce paradigme se frotte aux limites naturelles et bien compréhensibles de la vie privée... On a besoin de moments de pause et de non-disponibilité. Les personnes interrogées dans l’enquête le disent. J’ai besoin d’être seul par moment ou avec d’autres mais pas joignable et interruptible.

Quel type de stress les téléphones portables engendrent-ils ?

Le type de stress est celui décrit par les étudiants interrogés. Ils sont sous tension, en état d’alerte, tout le temps interrompus et se sentent obligés de répondre. Le bruit de la sonnerie résonne comme une sommation, une interpellation. 

Certaines personnes sont-elles plus exposées à ce risque que d'autres ?

Deux types de population sont effectivement plus exposées.

Les premières concernent la vie professionnelle et les personnes en situation de précarité ou de harcèlement progressif car ils ont habitué les autres à être tout le temps joignables même à des heures impossibles ou le week-end. Mais la situation actuelle du marché de l’emploi peut très bien expliquer qu’on plonge progressivement et insidieusement dans ce travers. Il faut se poser la question de savoir si les urgences le sont réellement et si on donne la meilleure réponse professionnelle et rigoureuse en étant pris au dépourvu. Dans mes propres recherches sur le mobile professionnel des cadres, j’ai pu constater qu’ils se plaignent des appels qu’ils prennent alors qu’ils sont dans les transports sans les dossiers sous les yeux, au risque de donner une mauvaise information et de jouer leur responsabilité et leur crédibilité.

L’autre population à risque est celle étudiée par les chercheurs américains, à savoir les jeunes Y et Z. Ils sont nés avec le paradigme de l’ubiquité, du tout tout de suite et de l’immédiateté, de la vitesse et du nomadisme. Ils aiment interagir, partager l’émotion sur l’instant et commenter ce qu’ils font sur des formats courts de types chat ou notifications sur les médias sociaux. Mais il y a aussi des limites : comme les stars, ils aspirent aussi à des moments loin des projecteurs et des feux de la rampe des médias sociaux.

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