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Coup de blues : ce qui permet de remonter la pente (sans forcément foncer chez le psy)
©Getty image

Bonnes feuilles

Difficile à croire, mais le bonheur est un choix ! Même par les temps qui courent, on peut décider de vivre mieux, en paix, en cohérence avec soi-même, selon ses propres critères, en harmonie avec les autres et, finalement, en accord avec la vie comme elle est. Pleine d'embûches et aléatoire. Extrait de "Faire le choix du bonheur" (2/2).

Marie Andersen

Marie Andersen

Marie Andersen est psychologue clinicienne et psychothérapeute depuis plus de quarante ans. Elle est l'auteur des best-sellers La Manipulation ordinaire et L'Emprise familiale et du livre l'Art de se gâcher la vie. http://marieandersen.net/ 

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Qu’est-ce qui nous déprime tant ?

Envisageons globalement trois grandes causes générales de déprime, qu’on surmonterait mieux si on en prenait plus clairement conscience.

Les chagrins d’enfant

Dès son plus jeune âge, l’enfant est confronté à des échecs et à des frustrations qui l’affectent. C’est normal. Nous avons tous vécu cela. L’enfant est triste parce que Maman n’est pas toujours disponible. On le dépose à gauche et à droite, la crèche, la gardienne, la nounou. Le petit se sent en manque de mère. Il aimerait tant être tout pour sa maman, être le centre de sa vie… Mais non, il va devoir assimiler qu’elle a d’autres personnes dans son coeur et d’autres préoccupations dans sa journée, qu’elle travaille, sort le soir, s’occupe des frères et soeurs, de Papa, bref, l’enfant doit apprendre à partager son grand amour pour sa mère, ce n’est pas facile et il en est souvent peiné.

Selon les circonstances de notre enfance, nous gardons tous au fond du coeur une trace de ce chagrin. Ce qui ne signifie pas qu’il soit pathologique ! Bien au contraire. C’est un manque fondateur. La frustration que doit affronter l’enfant le construit. C’est ce qui lui permet de se détacher de sa mère et d’apprendre à faire sa route tout seul. Déçu par la non-disponibilité totale de sa mère, il s’en va sur son chemin à lui : Ah, c’est comme ça ? Eh bien, tant pis, je m’en vais me construire ailleurs ! Et c’est très bien ainsi.

Le processus éducatif est également une source de déception. Globalement, l’éducation traditionnelle a pour but d’aider les enfants à devenir des adultes adaptés à la société. Si on les laissait pousser comme des herbes folles, ils deviendraient sauvages. Nous connaissons la somme de règles et de comportements que les enfants doivent assimiler pour grandir dans notre monde. Par son caractère évolutif, l’éducation traditionnelle pousse chaque fois l’enfant à faire un pas de plus. Dès qu’une étape est acquise, on l’attend à la suivante. Un niveau atteint, on passe à celui d’après. Autant à la maison qu’à l’école. Parallèlement à la légitime fierté d’avoir grimpé une marche, l’enfant sait qu’il est toujours attendu un peu plus loin et il se sent inévitablement un peu décevant. Il a l’impression que ses éducateurs (parents, professeurs) ne sont jamais satisfaits. Ou si peu de temps. Il doit toujours en faire plus, impression résumée par cette petite phrase que tant de gens connaissent : « Peut mieux faire ! » Comment ne pas se sentir un peu déprimé ?

Dans le système scolaire, les enfants se comparent beaucoup les uns aux autres. C’est leur premier environnement social important hors de leur famille et il contribue grandement à forger leur vision du monde. Ils se mesurent en termes de mieux ou moins bien. Malheureusement, ils se sentent souvent moins bien que leurs copains, parce qu’ils sont plus sensibles à ce que ceux-ci ont de mieux, que l’inverse. Leurs propres atouts leur paraissent normaux puisqu’ils vivent avec, alors que les privilèges des autres sont visibles, leur manquent et leur font envie. Parfois, la comparaison s’avère particulièrement déprimante, parce qu’elle porte sur des caractéristiques que l’enfant n’arrive pas à acquérir : le bagout, l’humour, la niaque, le charisme, les galons des chefs de clan. L’enfant a beau avoir plus de billes, de cartes ou Dieu sait quel gadget, il n’aura jamais le même succès. Il se sent d’office moins bien, mais tâche de le cacher autant qu’il peut, en construisant parfois une apparence assurée pour protéger sa fragilité, masquer son manque de confiance et ses « failles ». Au fil du temps, cette carapace devient autant un outil social efficace qu’un costume à l’intérieur duquel il s’abrite et se sent imposteur, terrifié qu’on ne découvre combien il est différent de ce qu’il manifeste extérieurement.

Sur le plan des résultats scolaires également, les comparaisons ne sont pas toujours joyeuses, loin de là. Les enfants sont durs entre eux. Les moqueries fusent, les clans se forment et, sans scrupules, adoptent ou excluent des camarades. La cour de récréation est un lieu psychologiquement assez sauvage, où règne souvent la loi du plus fort. On dit que les enfants sont cruels entre eux, je ne le crois pas, mais ils ne sont pas encore capables de se décentrer et ne réalisent donc pas combien leurs comportements peuvent faire souffrir un autre enfant. Et la force du nombre inspire quelques bêtises ! Bien des insécurités et des fonds dépressifs naissent dans les cours de récré…

Des peines plus lourdes marquent parfois la route d’un petit : le décès des grands-parents ou d’un proche, la perte d’un animal chéri, un déménagement ou un changement d’école où il arrive sans repères, ce sont des coups du sort qui lui font perdre son innocence. Il entre petit à petit dans le monde des grands, avec ses plaisirs heureusement, mais aussi ses chagrins et ses côtés sombres.

Pas étonnant donc que nous gardions un parfum de déprime en mémoire.

Les peines d’adulte

Notre vie d’adulte comporte aussi ses peines et ses souffrances. Cessons de croire que les autres ont une vie plus facile ou plus heureuse. « Ce qu’il y a d’admirable dans le bonheur des autres, écrit Marcel Proust, c’est qu’on y croit. » Comme si le leur était une évidence et le nôtre une quête incertaine.

Tout le monde traverse des périodes difficiles et souffre de temps à autre, nous nous posons tous des questions et nous couvons tous des chagrins et des tourments. C’est le lot de l’homme, le prix qu’il paye pour avoir une sensibilité si développée, et ce n’est pas une maladie. Les peines d’adulte sont douloureuses, certes, mais elles se surmontent. Elles marquent notre route et nous forcent à réfléchir à nos choix. Elles sont un stimulant au changement.

Nous souffrons parce que nous connaissons des échecs et des déceptions dans certains domaines essentiels : en amour, dans nos liens familiaux, dans notre vie amicale, sociale et professionnelle. Ce sont des accidents de la vie, des deuils à traverser, des obstacles à dépasser. Un travail sur soi, éventuellement avec l’aide d’un professionnel, permet alors de comprendre et de reconstruire.

Nous sommes également inquiets parce que nous avons la perception, plus ou moins consciente, de notre solitude existentielle, celle qui nous laisse seuls devant nos choix, mais aussi de notre inévitable fin… Un jour, tout sera fini. Nous le savons, même si nous faisons tout pour ne pas y penser. Alors, si nous ne changeons pas aujourd’hui ce qui ne va pas dans notre vie pour en faire un formidable parcours, elle risque de rester comme elle est encore longtemps…

La société, l’ époque, la crise

Ah ! la crise, quelle merveilleuse cause de déprime ! J’ose à peine en parler parce que je dois reconnaître qu’à titre personnel elle ne me touche pas dramatiquement. Ce n’est pas très politiquement correct ? Devrais-je plutôt me lamenter parce que mon caddy me coûte de plus en plus cher ? (C’est vrai, mais je réfléchis mieux à ce que j’y entasse.) Et que je ne peux plus me payer de belles vacances ? (C’est faux, parce que je suis championne des vacances pas chères !)

Je suis évidemment touchée par la détresse des familles durement affectées, qui subissent de brutales baisses de revenus sur lesquelles elles n’ont aucune prise et qui bouleversent profondément leur existence. Je sais, pour l’avoir vécu, que lorsqu’on perd son emploi, le sol se dérobe sous les pieds. Je reconnais qu’il n’est pas simple de se faire embaucher quand on est jeune et encore moins quand on approche de la cinquantaine. Mais la dépression générale accable aussi les gens qui ne sont pas touchés par le versant économique de la crise. Tout le monde semble en pâtir, même ceux qui ont du travail, un toit au-dessus de leur tête, un frigo bien rempli, un livret d’épargne, un appartement à la mer, une voiture au garage et une retraite assurée !

Nous ne vivons plus les années fastes de l’après-guerre, où tout était à reconstruire. Hommes et femmes se retroussaient les manches et trouvaient du travail partout. Le choc pétrolier prévu depuis des décennies est arrivé, et l’effet domino a fait le reste. Alors, cessons de râler et adaptonsnous.

En revanche, la crise économique, couplée au défi écologique, nous offre un nouveau champ d’action et de passionnants challenges. De toutes parts, on voit que les choses commencent à bouger. L’homme n’est pas idiot. Il n’est pas toujours très volontaire non plus, mais quand on lui montre le chemin, quand on lui mâche un peu la besogne, il suit volontiers. Les mentalités évoluent et les comportements aussi. On consomme autrement, on se déplace autrement, on se chauffe autrement, on jette autrement.

Surfons sur la vague des opportunités plutôt que de nous plaindre des changements. Les temps changent, c’est certain, mais est-ce si catastrophique ? Et n’ont-ils pas toujours changé ? Y a-t-il eu une époque véritablement stable, où tout était immuable ? Non, bien sûr ! Alors cessons de ressasser nos désillusions et notre morosité.

Au temps des Romains, au Moyen Âge, à la Renaissance, au siècle des Lumières, dans toutes les civilisations, les grandes voix du monde se sont inquiétées de l’évolution de leur société. Le poète anglais John Donne disait déjà, en plein xviie siècle : « Aucune vanité ne me porte autant sur les nerfs que ces gâteux qui vitupèrent notre époque pour mettre aux nues la leur ! » Globalement, ce n’est pas la vie qui tourne mal, c’est notre regard qui change. Nous avons perdu l’innocence de l’enfance et nous sommes confrontés à la réalité du monde, dont on nous livre les pires nouvelles à l’heure du dîner.

Cessons de nous considérer comme malheureux et de croire que le vrai bonheur appartient à un passé révolu ou à un futur utopique. Nous perdons certaines choses, certes, mais nous en gagnons d’autres. De tout temps, les humains ont dû s’adapter aux changements, et ceux que nous vivons aujourd’hui sont loin d’être les plus graves ! Depuis que l’homme est homme, il a traversé des crises infiniment plus douloureuses et plus mortelles.

Nous vivons une époque qui n’a plus qu’elle-même pour but. Notre société n’arrive pas à dessiner un avenir qui nous donne envie de nous battre pour l’atteindre. Nous ne roulons plus vers une perspective bien dégagée qui nous annonce un horizon attrayant. Nous ressentons la nostalgie d’une prospérité acquise que nous devons transformer. Le versant psychologique de la crise rend compte de notre désarroi et de notre inquiétude.

Mais l’inquiétude n’est pas incompatible avec le bonheur. Tous deux découlent d’une réflexion sur la vie, qui invite aux prises de conscience et aux actions.

La route tourne. L’horizon est moins net. Nous devons nous adapter. Plutôt que de le vivre comme un effort, vivonsle comme un défi !

Extrait de "Faire le choix du bonheur", Marie Andersen, (Ixelles Editions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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