Hausse de la TVA : les conditions auxquelles elle peut être un impôt juste et efficace <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
la TVA peut inciter à travailler au noir.
la TVA peut inciter à travailler au noir.
©Reuters

Hoaxbuster

"Non", le gouvernement ne reviendra pas sur la hausse prévue de la TVA le 1er janvier, a assuré jeudi Pierre Moscovici au micro de RTL. Le ministre de l'Economie et des Finances a voulu afficher sa fermeté alors qu'une nouvelle fronde fiscale menace.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

Voir la bio »

Atlantico : Poneys et chevaux qui manifestent pour la survie des centres équestres, artisans et commerçants qui se disent "sacrifiés" et ont lancé une campagne de mobilisation pour défendre les entreprises de proximité... Même les syndicats d'ambulanciers et de l'aviation marchande protestent contre la hausse de la TVA, prévue le 1er janvier, qui affectera un grand nombre de secteurs. Quels sont les mythes qui entourent cet impôt ? Est-ce vraiment un impôt qui pénalise davantage les plus modestes ?

Philippe Crevel : La taxe sur la valeur ajoutée est une invention fiscale française. Son père fondateur, Maurice Lauré, avait un objectif, créer un grand impôt sur la consommation remplaçant la cascade de taxes sur les chiffre d'affaires qui pénalisait le circuit de production et de distribution. La TVA, dont le recouvrement est assuré par les entreprises, frappe dans les faits les ménages. En effet, les mécanismes de déduction neutralisent son impact pour les achats intermédiaires réalisées par les entreprises. La TVA, instaurée en 1954 en France, est devenu un produit mondial retenu par la quasi-totalité des pays.

La TVA est un impôt efficace qui rapporte plus de 140 milliards d'euros, ce qui en fait de loin le premier impôt d'Etat. L'impôt sur le revenu pèse 75 milliards d'euros et l'impôt sur les sociétés, une petite quarantaine de milliards d'euros. La TVA est un impôt au coût de gestion faible puisqu'elle est recouvrée par les entreprises. La TVA est critiquée par son caractère supposée antisocial. Par définition, la TVA ne prend pas en compte le niveau de revenu du contribuable. Les ménages à revenus modestes sont plus affectés du fait qu'ils consacrent la quasi-totalité de leurs revenus à la consommation quand les ménages aisés épargnent une part importante de leurs revenus. C'est pourquoi les pouvoirs publics ont institué un taux réduit sur les biens de consommations de première nécessité comme les biens alimentaires.

L'autre inconvénient d'une hausse de la TVA, c'est l'incitation au travail au noir. Comme pour tout impôt, au-dessus d'un certain taux, il y a un risque de destruction de l'assiette. Pour la TVA, au-delà de 22 %, l'incitation à des formes parallèles d'activité serait forte.

Quel est son impact réel sur le pouvoir d'achat ?

Une majoration de la TVA réduit par définition le pouvoir d'achat des consommateurs. La consommation représente près de 60 % du PIB. Si le taux normal augmente, cela augmente les prix de vente et si les salaires ne suivent pas, cela entraîne une baisse du pouvoir d'achat, sauf si les ménages puisent dans leur épargne. Certes, les entreprises peuvent ne pas répercuter intégralement la hausse de la TVA mais dans ce cas, elles réduisent leurs marges, ce qui peut conduire à terme par une baisse de l'investissement. En période de crise avec un excès d'offre, le risque inflationniste est limité. Néanmoins, il faut s'attendre au mois de janvier 2014 une légère augmentation des prix. Il faut signaler qu'en termes d'inflation, nous sommes à un point bas autour de 0,6 %. Le Gouvernement espère que les entreprises n'augmenteront pas leurs tarifs du fait de la mise en oeuvre du crédit d'impôt pour la compétitivité. Il attend également une baisse du taux d'épargne qui viendrait soutenir la consommation et donc la croissance.

Peut-elle également avoir des effets bénéfiques ? La TVA sociale a-t-elle permis à l'Allemagne de conserver sa compétitivité ?

En Allemagne, l'augmentation de la TVA réalisée par Gerhard Schröder n'avait pas comme seul objectif la réduction des charges sociales. En effet, le Gouvernement allemand avait décidé de consacrer un point de TVA à la réduction de l'impôt sur les sociétés, un point à la réduction du déficit public et un point pour la réduction des charges sociales. Par ailleurs, des mesures structurelles ont été prises pour libéraliser le marché du travail allemand. C'est la série de réformes qui ont permis la maîtrise des coûts salariaux. En 2003, ils étaient de 10 à 15 % au-dessus des coûts français; en 2013, le rapport est inverse. Mais, dans les faits, les coûts salariaux restent plus élevés dans l'industrie, ils sont, en revanche, plus faibles, dans les services avec le développement des mini-jobs.

En France, les coûts salariaux ont continué à augmenter depuis dix ans, malgré la crise, malgré le chômage et malgré la chute des gains de productivité. La compétitivité des entreprises françaises s'est dégradée certes un peu à cause des coûts salariaux mais surtout en raison du positionnement des produits dans le milieu de gamme et du fait d'un sous-investissement chronique. Les tenants de la hausse de la TVA considèrent qu'elle permettrait de faire contribuer les produits chinois au financement des dépenses publiques. Il ne faut pas oublier que ce ne sont pas les Chinois qui achètent leurs produits et qui paient la TVA. Par ailleurs, un produit chinois moins cher qu'un produit français avec ou sans une TVA à 20 ou 21 % reste moins cher et donc plus compétitif. Les entreprises chinoises disposent même des marges pour baisser les tarifs. La TVA ne peut pas tout et certainement pas à elle seule améliorer la compétitivité des produits français. C'est en baissant les dépenses publiques et en repositionnant l'outil de production que nous retrouverons de l'air.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !