Conversation avec mon frigo : bienvenue dans l'énorme potentiel de l'Internet des choses<!-- --> | Atlantico.fr
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"L'Internet des choses" désigne l'ensemble des objets reliés par une puce ou un capteur au Web.
"L'Internet des choses" désigne l'ensemble des objets reliés par une puce ou un capteur au Web.
©Reuters

e-cafetière, e-mixeur, e-canapé...

Derrière l'expression "l'Internet des choses" se cache la démultiplication des objets du quotidien connectés au Web. Si le développement du phénomène est quasiment invisible, son pouvoir de surveillance et de facilitation de la vie semble sans limite.

Bertrand Duperrin

Bertrand Duperrin

Bertrand Duperrin est directeur au sein du cabinet Nextmodernity et blogeur. Il est un des spécialistes français de l’évolution conjointe des modes de travail et des technologies.

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Atlantico : "L'Internet des choses" est un terme large qui définit l'ensemble des objets digitaux ou physiques reliés par une puce ou un capteur au web. En pleine expansion, ce secteur est amené selon les analystes à devenir aussi important que celui des ordinateurs, des tablettes et des Smart-TV. Ce fameux "IoT" (Internet of Things) peut-il vraiment transformer le visage des nouvelles technologies ?

Bertrand Duperrin : Cela dépend dans quel sens on entend « visage » parce qu’il s’agit le plus souvent d’une technologie invisible de l’utilisateur final, pas nécessairement quelque chose qu’il utilise mais quelque chose qu’utilise un système afin de lui simplifier la vie de manière transparente. A part au niveau de ceux qui opéreront les systèmes en question (entreprises, collectivités, etc.) l’internet of things sera invisible pour l’utilisateur mais ses effets seront par contre très importants. Mais sans qu’on se rende vraiment compte d’où cela vient. Aujourd’hui, la circulation des grandes villes est régulée en fonction de nombreux capteurs sans qu’on s’en rende vraiment compte ou qu’on en saisisse le mécanisme. Idem pour les « immeubles intelligents ». L’internet des objets procède de la même logique mais à une échelle inimaginable, il y a peu. Mais effectivement, oui cela risque de transformer, sinon le visage, l’impact des nouvelles technologies sur notre quotidien.

A terme, ces terminaux électroniques sont amenés à devenir de plus en plus "intelligents" et autonomes. En quoi vont-ils bouleverser notre quotidien ? 

Deux constats pour commencer, même si cela peut ressembler à des évidences. Tout d’abord nos journées sont faites de prises de décision. Laisser la fenêtre ouverte ou non en fonction du temps, que mettre alors que le temps peut changer, à quelle heure partir en fonction des embouteillages…puis au travail, etc. la liste n’a de limite que notre imagination. Ensuite, nous sommes dans un environnement complexe. On le sait depuis toujours pour ce qui est des phénomènes naturels et on se rend compte chaque jour davantage que cela est vrai pour notre vie personnelle et encore davantage dans l’environnement professionnel.

Il nous manque donc deux choses essentielles : la capacité à recueillir toutes les informations nécessaires à la compréhension de cette complexité et la capacité à traiter ces informations pour prendre des décisions. Dans ce sens, les objets connectés sont autant de capteurs de nos actions, de « ce qui se passe » en général. Qu’il s’agisse donc de nos actions, de nos comportements individuels et collections, de phénomènes naturels, les objets connectés les enregistrent tous soit parce que les choses transitent par eux soit pare qu’ils sont de simples capteurs. Mais cela ne suffit pas : il doit y avoir, derrière les objets connectés, des dispositifs de traitement susceptibles de corréler, traiter les informations et décider d’actions à entreprise puis, logiquement , la capacité des objets connectés à agir en fonction des informations en question. En ce sens le big data, le marronnier du moment, n’est pas loin des objets connectés qui sont en quelque sorte les sens d’un dispositif d’"intelligence" global.

Les objets connectés vont bouleverser notre quotidien dans la mesure où une grande partie des décisions « utilitaires » de la vie quotidienne va être déportée vers eux. Au niveau domestique, on le voit au niveau de l’évolution de la domotique voire des « immeubles et villes intelligents » dont la gestion passera par la prise d’information venant d’une multitude d’objets en question et se traduira par des actions entreprises par les mêmes objets sans intervention des individus. Au niveau de l’entreprise, on pense tout de suite aux activités logistiques, au pilotage de chaines de production mais ça n’est qu’un début. Aujourd’hui, on pense à des montres, à des caméras, des capteurs, des lampes, des interrupteurs, demain la voiture, les stimulateurs cardiaques et autres prothèses médicales, et potentiellement tous les objets seront connectés et seront le maillage de dispositifs d’intelligence et de prise de décision.

On imagine les gains en termes de service, d’efficacité, de compréhension de nos environnements personnels et professionnels. Mais ça ne sera bien sûr pas sans risque et sans danger, tant d’un point de vue technique (défaillances), qu’éthique (jusqu’où déporter la gestion de notre quotidien vers ce qui n’est ni plus ni moins d’un dispositif de mouchards à l’échelle de la planète).

Au delà des possibilités techniques, quel peut-être le potentiel économique de cet "Internet des objets" ?

Comme on l’a vu le potentiel économique est impressionnant et ne peut être résumé en un article. Gardons juste en tête qu’il s’agit d’affiner la compréhension et l’analyse qu’on a d’environnements complexes, en temps réel, et d’automatiser la prise de décision dans ce contexte. Le tout en temps quasi réel. Ensuite, à chacun d’imaginer ce qu’il peut en faire : vie domestique, bien être, santé, production, services, logistiques, sécurité… C’est un vrai changement de paradigme. C’est le croisement des bénéfices du web, de la mobilité, du big data et de la business intelligence le tout a une puissance exponentielle.

Le développement de cette technologie dans différents secteurs économiques et gouvernementaux - contrôle de la distribution d'énergie, régulation du trafic routier, etc.- pose la question de la gestion des risques. Le fait d'informatiser un si grand nombre de services ne va t-il pas d'avantages les exposer à des "bugs" potentiels ?

Le risque n’est pas là. A ce moment-là, il fallait se méfier de l’électronique embarquée dans les voitures ou les avions, des calculateurs en tout genre… Cela ne veut pas dire que le risque n’existe pas et qu’il ne faut y prêter attention mais notre société sait désormais faire avec. On apprendra et on améliorera. Par contre, il y a de nombreuses questions, comme je l’ai dit précédemment sur le rôle de « capteurs » de ces objets qui sont aux comportements, à la vie de tous les jours, ce que PRISM est à l’information. Leur valeur se situant dans le cadre de dispositifs d’analyse connectés et si possible les plus larges possibles, on parle de dispositifs d’analyse et de traitement de nos vies quotidiennes. Qu’on enregistre les événements naturels pour gérer la circulation ou le chauffage d’un immeuble est une chose, là on parle de choses comme les déplacements, les heures de sommeil, les indicateurs vitaux des personnes, ce qu’ils font, regardent ou écoutent…la liste est longue. On ne pourra faire l’économie de se poser la question de l’anonymisation des données, de savoir qui les traite, à quelles fins, de la conservation de ces données etc. 

Si pour beaucoup le big data est un big brother potentiel, les objets connectés sont une démultiplication de ses sens à l’infini. Pour le meilleur comme pour le pire.

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