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Conseil général du Var : ce que le FN pourrait faire de différent (ou pas) de l’UMP même s’il en avait la présidence
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Politico fiction

Arrivé en tête du premier tour de la cantonale partielle à Brignoles dans le Var, le candidat FN Laurent Lopez est en bonne position pour conquérir le siège de conseiller général.

Atlantico : Le candidat Front national à la cantonale partielle de Brignoles dans le Var est arrivé largement en tête du premier tour récoltant plus de 40% des voix. Généralement le Front national réalise ses meilleurs scores dans ce département et espère y remporter un certain nombre de villes lors des prochaines municipales. Si le FN arrivait au pouvoir dans le Var, que pourrait-il faire différemment par rapport à l'UMP, actuellement au pouvoir  ?

Joël Gombin : Si par "arriver au pouvoir dans le Var", vous entendez prendre la tête du Conseil général, je crois qu'il s'agit pour l'instant d'une hypothèse très théorique. Le mode de scrutin, majoritaire, personnalisé et à forte proximité, favorise généralement les partis de gouvernement et les notables implantés de longue date. Il est vrai néanmoins qu'aux cantonales de 2011 le FN a réalisé ses meilleurs scores, au premier tour, dans le Var (avec 27,5 % des suffrages exprimés), et que le FN fut le parti à aligner le plus de candidats au second tour (16 cantons sur 21 renouvelables). Cependant, sur la base des résultats de 2011, il n'y a guère plus de 3 ou 4 cantons que le FN pourrait remporter, même en progressant sensiblement. Et le redécoupage qui est en route, ainsi que le nouveau mode de scrutin binominal, va rebattre les cartes. 

Sur le fond, il est très difficile de dire ce que ferait le FN aux manettes d'un département, puisque ce n'est jamais arrivé. Les candidats du FN sont d'ailleurs aujourd'hui conscients que les leviers pour mettre en œuvre leur programme (sur l'immigration, sur le droit de la nationalité, sur l'euro...) sont au niveau national, pas local ; dès lors, on voit mal comment leur gestion pourrait être infiniment différente de celle de l'UMP - si ce n'est que le FN, aujourd'hui, manque singulièrement de cadres politiques de qualité pour occuper d'éventuelles fonctions exécutives.

David Valence : Il faut d'abord garder son sang-froid... Sans minimiser l'écho très fort qu'aurait la victoire de Laurent Lopez, un conseiller général n'a pas les pouvoirs d'un maire ou d'un président de communauté urbaine ! D'autant que Laurent Lopez serait très isolé s'il était élu, au sein d'un Conseil général dominé par l'UMP Hubert Falco. La vraie question pour lui sera la suivante : est-ce que j'accepte de rester impuissant en restant fidèle au FN, ou est-ce que je prends mes distances progressivement avec Marine Le Pen pour agir efficacement au sein de la majorité au conseil général ? 

La ligne du Front national dans le Var est-elle réellement différente de celle défendue par l'UMP dans ce département ? 

David Valence : Les relations entre FN et droite parlementaire sont historiquement plus ambiguës dans la région Provence Alpes Côte d'Azur. L'itinéraire de Yann Piat dans les années 1980-1990 ou de Jacques Peyrat en sont des illustrations. Mais l'UMP dans cette région a beau être peut-être plus "musclée" qu'ailleurs, notamment sur les questions d'immigration et de sécurité (je pense a Christian Estrosi par exemple), il serait complément inexact de conclure, un peu vite, que FN et UMP ont les mêmes valeurs en PACA.

Joël Gombin : Il est vrai que dans le Var comme dans d'autres départements du Sud-Est l'UMP a infléchi son discours à droite, sous la pression du FN. Mais, au-delà des subtilités idéologiques (que peu d'électeurs maîtrisent réellement), il me semble que la situation du Var est caractérisée par une très forte orientation droitière de l'électorat, sans pourtant que l'UMP possède ici de grands dirigeants capables d'incarner cette tendance. En réalité, depuis la chute de la maison Arreckx au milieu des années 1990, puis la mise à la retraite anticipée de François Léotard, la droite varoise est un peu orpheline, ce qui a laissé le champ libre au Front national - rappelons-nous que déjà aux cantonales de 1994, le tout-puissant Maurice Arreckx, patron UDF du département, est battu par une candidate frontiste, Éliane de la Brosse. La réélection au suffrage universel comme député de Yann Piat en 1988 - avec l'appui de l'UDF locale - avait déjà marqué la force du Front face à une droite traditionnelle en état de décomposition. 

Le Front national dispose pour le moment d’un seul conseiller général dans le Vaucluse à Carpentras. Plus généralement, quels enseignements peut-on tirer des expériences du pouvoir du Front national (Toulon, Marignane, Orange, Vitrolles)  ?

Joël Gombin :Les quatre expériences municipales sont contrastées. Toulon a sans conteste été l'expérience la plus catastrophique, tant sur le plan de la gestion (Hubert Falco a trouvé la ville au bord de la faillite) qu'en termes d'image (le meurtre dans des conditions troubles du directeur de cabinet du maire FN, Jean-Marie Le Chevallier, reste un moment marquant de ce mandat). La gestion de Vitrolles a également laissé des souvenirs mitigés, notamment parce que Bruno Mégret avait fait de la ville le tremplin de ses ambitions politiques (création du MNR et candidature présidentielle de 2002), ce qui a débouché sur une condamnation pénale. À Marignane et Orange, en revanche, les maires frontistes ont tenté de mener une politique moins "nationale". Daniel Simonpieri, élu maire en 1995 de justesse à la faveur d'une triangulaire, conforte rapidement sa position électorale en étant largement élu conseiller général, puis réélu à la mairie. Ayant quitté le FN au moment de la scission mégrétiste, il rejoint par la suite l'UMP. Jacques Bompard, le maire d'Orange, également élu en 1995 dans une triangulaire serré, a également conforté son enracinement électoral, à tous les niveaux : conseiller général, député, réélu maire au premier tour dès le premier tour en 2001 puis en 2008. 

On aurait donc tort de résumer les expériences municipales frontistes à un naufrage, comme on lit parfois. Cependant, il faut souligner qu'aucun des quatre maires n'est resté au Front, et que ceux qui ont réussi à se faire réélire l'ont été grâce à une action politique dont la visée est résolument locale, et non nationale. Il faut également dire que leur gestion ne s'éloigne guère de celle qu'un maire de droite "musclé" aurait pu mener.

David Valence : à chaque fois les maires FN sont confrontés à un dilemme : se normaliser ou se condamner à l'impuissance. Un maire n'a pas le droit de pratiquer la discrimination à ciel ouvert, de sa propre initiative, par exemple... Et c'est heureux. Quand ils se "coulent" dans les habits municipaux et assument une gestion vraiment locale, les maires finissent souvent par s'éloigner du FN, comme Jacques Bompard à Orange.

Le programme du Front national est en pointe sur les questions nationales et européennes. Mais pourrait-il répondre concrètement aux problèmes des Varois à l'échelle locale ? 

David Valence : Ce sera difficile car Laurent Lopez, s'il est élu conseiller général, sera très isolé au sein de l'assemblée départementale ! 

Joël Gombin : Ce n'est pas à moi de le dire. Mais il est certain en tout cas que le Front n'a guère, aujourd'hui, de doctrine municipale (ou départementale). Au demeurant, ce n'est pas ce qui l'intéresse de manière prioritaire : toute la stratégie politique du parti est tournée vers la candidature présidentielle de Marine Le Pen. Le fait d'avoir des élus locaux n'est qu'un moyen au service de cette fin. C'est sans doute aujourd'hui ce qui distingue le plus le FN du PS ou de l'UMP : ces derniers sont des partis d'élus locaux, pour lesquels le pouvoir d'État est subordonné aux enjeux locaux. Le FN est un parti visant avant tout le pouvoir d'État, les enjeux locaux sont complètement subordonnées à cet objectif.

Malgré les efforts de formation, notamment en vue des élections municipales de 2014, le parti frontiste dispose-t-il des compétences nécessaires pour gérer des collectivités locales ?

Joël Gombin : Non, pas seulement en termes d'élus mais aussi, et peut-être surtout en termes de fonctionnaires territoriaux loyaux au Front, pouvant potentiellement occuper les postes d'encadrement des collectivités territoriales en cas de victoire. Steeve Briois, le secrétaire général du FN, a d'ailleurs entrepris de constituer une base de données de CV de fonctionnaires territoriaux potentiellement mobilisables en cas de victoires aux prochaines municipales. 

David Valence :Le profil des candidats du Front national a changé. Ils affichent souvent des discours plus "acceptables" en apparence et plus sérieux sur la forme. Certains, comme Adrien Mexis à Istres ou Florian Philippot a Forbach, affichent même un profil de quasi-technocrate... On peut compter sur Marine Le Pen pour demander à ses candidats et élus d'éviter les erreurs d'aines comme Jean-Marie Le Chevallier à Toulon, ou l'ex frontiste Bruno Mégret à Vitrolles.

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