Conseil national du numérique : dur dur de réguler Internet<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Conseil national du numérique :
dur dur de réguler Internet
©

Politique numérique

Initié par Nicolas Sarkozy pour assister la politique numérique du gouvernement, le Conseil national du numérique doit être lancé ce mercredi 27 avril. Mais avant même sa mise en place, celui-ci est déjà décrié...

Jean-Baptiste Soufron

Jean-Baptiste Soufron

Ancien Secrétaire Général du Conseil National du Numérique et Directeur du Think Tank de Cap Digital, Jean-Baptiste Soufron est aujourd'hui avocat chez FWPA Avocats

Voir la bio »

En 2011, l’idée d’instituer un Conseil national du numérique sonne doucement surannée. Les esprits créatifs et libertaires de l’Internet sont bien peu enclins à accepter quelques conseils que ce soit. Et une révolution aussi transfrontière par nature que celle du numérique aura bien du mal à s’accommoder de la vocation nationale d’un tel organe. Mais c’est la tradition française qui s’exprime en faisant le plein de Conseils : Constitutionnel, d'État, d’Analyse Économique, de la Société, d’Orientation des Retraites… sans parler des différents comités et autres commissariats qui peuvent exister par ailleurs.

C’est donc notre façon républicaine de fonctionner, avec ses avantages et ses inconvénients, et que le “CNN” verra le jour ce mercredi 27 avril. Évoqué dans le plan numérique 2012 puis appuyé par Nicolas Sarkozy, il a fait l’objet d’un rapport de Pierre Kosciusko-Morizet remis en février dernier. Composé de différents acteurs d’Internet, il aura pour mission d’assister la politique numérique du gouvernement autour de toutes les questions qui concernent l’économie numérique. Il sera consulté en amont et en aval sur les projets de textes de lois, de décrets.

Pléthore de chefs d'entreprises

La liste des 18 membres actuellement pressentis pour composer le CNN a été dévoilée en fin de semaine dernière :

  • Gilles Babinet, entrepreneur et investisseur (CaptainDash, MXP4, Eyeka) fondateur de Musiwave.
    • Patrick Bertrand, Directeur Général de la CEGID, président de l’AFDEL.
    • Jean-Baptiste Descroix-Vernier, PDG-fondateur de Rentabiliweb.
    • Giuseppe De Martino, Directeur Juridique de Dailymotion.com, vice-président de l’ASIC.
    • Frank Esser, PDG de SFR, président de la Fédération Française des Télécoms.
    • Emmanuel Forest : Directeur Général Délégué de Bouygues Telecom.
    • Gabrielle Gauthey, Directrice des relations institutionnelles d’Alcatel-LucentAlcatel-Lucent
    • Pierre Louette, Directeur Exécutif d’Orange
    • Alexandre Malsch, fondateur de Melty.fr.
    • François Monboisse, Responsable du développement et des nouvelles technologies de Fnac.com, et président de la FEVAD.
    • Xavier Niel, fondateur de Free.
    • Marie-Laure Sauty de Chalons, PDG d’AuFéminin.com.
    • Jérôme Stioui, fondateur de Directinet.
    • Bruno Vanryb, PDG d’Avanquest Software, Président du Collège Éditeurs de logiciels du Syntec Numérique.
    • Nicolas Voisin, fondateur d’OWNI.

Une composition décriée

Sur le plan démocratique, dans son rapport sur le CNN remis fin-février, Pierre Kosciusko-Morizet préconisait que ses membres en soient élus. Les nominations pour le CNN seront officialisées ce mercredi, et le président devrait être désigné dans la foulée. Il suggérait également que l’on fasse une place aux utilisateurs (via par exemple une association de consommateurs). Sur ces points, si cette liste est définitive, il n'a pas été entendu.

In fine, c’est d’ailleurs cette liste de nominés qui a le plus fait jaser le landerneau des blogueurs. Christophe Ginisty, l’un des plus modérés, n’hésite pas à affirmer « qu’en faisant la part belle à des créateurs d'entreprise et des investisseurs, le pouvoir exécutif se prive de l'indépendance d'un collège qui rendrait ses avis sur le seul examen de l'intérêt général. » L’Informaticien parle de « fumisterie, » 01Net estime que la liste fait « grincer des dents. » Un faux site du Conseil a même été lancé sur un ton assez agressif en utilisant l’url http://www.conseil-national-du-numerique.com

Difficile de ne pas voir les conflits d’intérêts, mais ils sont inhérents à toute institution de ce genre, et ils ne sont pas suffisants pour priver le gouvernement de la possibilité de consulter les personnalités compétentes et représentatives d’un secteur. Mais pourquoi si peu de monde ? La composition actuelle du Conseil ne fait pas justice à la nature multiple de l’Internet. Étant donné l’importance du secteur pour l’ensemble de l’économie française, n’aurait-il pas été plus pertinent de sortir un peu du e-commerce et de composer un Conseil plus large incluant chercheurs, venture capitalistes, représentants de petites startups, etc. – voire des étrangers dont la présence aurait été un signal fort en faveur d’un Internet ouvert et international.

Une entité au pouvoir limité

En ce qui concerne la pertinence de la mission du Conseil par rapport aux autres instances existantes, plus d’une quinzaine de rapports depuis juin 1996 souhaitaient lui assigner la mission de fusionner les différentes instances du secteur au sein d’une seule entité.

Mais, hormis le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), la plupart d’entre eux ont déjà disparu : « le Forum des droits sur l’internet a été dissous au cours du mois de décembre 2010 faute de financement suffisant ; le Conseil consultatif de l’internet, le Conseil supérieur de la télématique et le Comité de la télématique anonyme ont été dissous, le 9 juin 2009, en application de l’article 17 du décret du 8 juin 2006 ; le Conseil stratégique des technologies de l’information (CSTI) avait été créé par décret du 22 mars 2004 pour une durée de 3 ans ; le Comité de coordination des sciences et technologies de l'information et de la communication avait été créé par arrêté du 2 mai 2002 pour une durée de 2 ans ».

Et compte tenu de la composition et du mode de fonctionnement du Conseil, il est peu probable qu’il puisse imposer sa volonté aux différentes administrations et autorités indépendantes du secteur telles que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), le CSA ou le CNC – sans compter les nouveaux venus tels que la HADOPI ou ETALAB.

In fine, ce n’est donc pas un conseil stratégique qui voit le jour. On peut saluer le fait que les membres de l’économie innovante se voient enfin offrir une petite place dans une instance officielle. Mais on reste loin d’une structure interdisciplinaire, pérenne et efficace

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !