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Démocratie ouverte : n’ayons pas peur des citoyens !
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Tribune

Une tribune d'Alexandre Vespirini, consultant en communication et secrétaire national de l'UMP.

Alexandre Vesperini

Alexandre Vesperini

 
Alexandre Vesperini est conseiller de Paris, délégué auprès du maire du 6ème. 
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Que doit-on retenir de la rentrée du Gouvernement Ayrault, sinon qu’il s’enfonce encore un peu plus dans son travers le plus inquiétant : la politique à la petite semaine. Le Président de la République ne tient pas son engagement d’inverser la courbe du chômage sous un an ? On entonne le refrain du « la reprise est là » en feignant d’y croire et on gave le secteur marchand d’emplois aidés dont le succès est aussi limité qu’il est coûteux. Les prévisions les plus optimistes annoncent un déficit du système de retraite de 20 milliards d’euros d’ici à 2020 ? Le Gouvernement cale devant le recul de l’âge et la rationalisation des 36 régimes de pension. Les écologistes menacent de quitter la majorité ? On demande au ministre de l’Ecologie d’annoncer en plein été la création d’une taxe carbone, dont on ne connaît toujours pas les principaux contours.

Puisque le changement tant promis n’est pas au rendez-vous en 2013, François Hollande a donc décidé de se projeter en 2025, date à laquelle chacun prendra la mesure des bienfaits de la gauche au pouvoir. Pour y parvenir, le Gouvernement a lancé une grande consultation des experts économiques –de gauche si possible- et de la société civile.

S’il relève ici plutôt de l’autopromotion gouvernementale, cet exercice de prospective est par principe bienvenu, surtout à l’heure où l’opinion reproche aux décideurs de gérer simplement l’urgence au lieu de préparer l’avenir, en associant les forces vives du pays.

Pourtant, son application demeure illusoire, et ce pour une raison simple : les élites publiques goûtent peu l’idée d’une démocratie ouverte, dans laquelle des collectifs spontanés pourraient prendre place au côté des corps intermédiaires habituels, dont la représentativité elle-même pose question.

Bien sûr, les consultations participatives se multiplient, sur l’énergie, l’environnement, l’école et les questions sociales, octroyant ainsi aux organisations pré-désignées d’insérer leur contribution au sein de dossiers de presse savamment cadrés, contrôlés et promus par la communication de l’Exécutif.

Mais globalement, la traduction des conclusions de ces espaces de réflexion se fait au sein d’une administration hypertrophiée, quasiment invisible pour le quidam, ce qui favorise parfois même des opérations de lobbying inavouables.

Ce processus institutionnel aboutit à l’édiction de règles souvent redondantes, parfois contradictoires mais toujours plus nombreuses, dont l’application, quand elle est effective, ne correspond pas aux attentes initiales des citoyens.

Il est donc temps de moderniser nos modes de décision publiques. Cette adaptation passe principalement par trois mesures.

Premièrement, la France doit devenir le paradis de l’open data. On en est pourtant encore loin… Nos administrations ont certes accepté au cours des dernières années de rejoindre les Etats-Unis et la Grande Bretagne dans ce domaine, mais leur travail est plus mu par un désir de diffuser un maximum de données plutôt que par la nécessité de sélectionner les informations vraiment utiles. Les Français gagneraient à ce que l’open data soit plus qualitatif et qu’il réponde à l’exigence de transparence et d’efficacité des gouvernants, plutôt que de subir un flot interrompu de statistiques d’un intérêt trop souvent accessoire. Le site data.gouv.fr a-t-il par exemple réellement vocation à diffuser le palmarès des prénoms donnés en 2007 dans la commune de Sarlat-la-Canéda ? On en doute. S’il compte sur les citoyens pour dessiner la France de 2025, le Gouvernement doit donc avant tout leur garantir l’accès à des informations non-confidentielles mais identiques à celles qui servent de base aux services de l’Etat pour appuyer les ministres.

Deuxièmement, l’association des citoyens aux réflexions du Gouvernement implique l’existence, sur Internet, d’une plateforme collaborative, capable de réunir toutes les parties prenantes. Or aujourd’hui, la concertation promise est victime du pullulement d’organismes rivaux et de structures consultatives peu connues du grand public, dont la dimension digitale est par ailleurs très largement perfectible : aux recommandations de Louis Gallois, commissaire général aux investissements d’avenir, s’ajoutent celles de la commission Innovation 2030 conduite par Anne Lauvergeon, elle-même concurrencée par le nouveau commissariat général à la stratégie et la prospective. Peu présents sur le net (absence de site officiel ou interfaces austères, infographies quasi-inexistantes…), ces organismes comptent sur les administrations qui sont à l’origine du Minitel plutôt que sur les entrepreneurs, qui pourraient pourtant mieux débusquer les marchés d’avenir.

Troisièmement, la sélection et la publication des données ainsi que la construction d’un guichet unique des idées nouvelles sur Internet suppose obligatoirement une impulsion politique forte, de manière à bousculer les services de l’Etat. Au Québec, qui est devenu le principal exemple de démocratie ouverte francophone, un ministère des institutions démocratiques et de la participation citoyenne a été créé, afin de mobiliser toute la sphère publique vers le Gouvernement ouvert. En France, ce ministère pourrait se substituer à celui des relations avec le Parlement, dont l’utilité a beaucoup décru au fil des ans. Ce ministère est-il vraiment indispensable, à l’heure où les relations avec les assemblées sont gérées à l’Elysée ou dans les cellules politiques des différents cabinets ministériels ? En revanche, les relations entre le pouvoir exécutif et la société civile auraient grandement besoin d’être améliorées et même réinventées, comme les épisodes sur l’autoentreprise (les poussins) ou la nouvelle économie (les pigeons) l’ont démontré.

Ces trois mesures (rendre notre open-data plus qualitatif ; ouvrir une plateforme de recueil des idées nouvelles ; créer un ministère chargé de la démocratie ouverte) permettraient de faire avancer à la fois le sentiment de confiance démocratique tout en dégageant des économies très nettes pour les administrations (empilement de comités Théodule, prébendes imméritées, gaspillage, redondances, perte de temps, technocratie…).

Winston Churchill écrivit que « l’homme politique pense à la prochaine élection quand l’homme d’Etat pense à la prochaine génération ». Ce propos n’a pas pris une ride, à ceci près qu’à l’heure de l’abstention et des partis extrêmes, l’homme d’Etat doit davantage s’appuyer sur les citoyens qui, très loin du cliché du peuple râleur et chauvin qui colle particulièrement aux Français, sont bien plus mûrs et constructifs que certaines élites le laissent penser.

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