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Bizarreries géographiques : ce fantôme de Napoléon qui hante toujours l'île de Sainte-Hélène
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Bonnes feuilles

Il existe de nombreux morceaux de terre au statut à part, parfois étrange voire carrément loufoque. Extrait de "Le Mont-Blanc n'est pas en France ! Et autres bizarreries géographiques" (2/2).

Oliver Marchon

Oliver Marchon

Oliver Marchon est réalisateur indépendant.

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L’île britannique de Sainte-Hélène est connue pour être le lieu de l’exil de Napoléon Ier. Ce qui est moins connu, c’est que la France y possède aujourd’hui plus d’une quinzaine d’hectares, souvenirs des endroits que Bonaparte a hantés lors des six dernières années de sa vie.

La maison de Longwood, le pavillon des Briars et la vallée du Tombeau, qui constituent les très officiels domaines français de Sainte-Hélène appartiennent au ministère des Affaires étrangères et sont gérés par le consulat du Cap, en Afrique du Sud.

Tel un village d’Astérix, ces domaines semblent narguer le vainqueur ! Quelle ironie, en effet, de voir aujourd’hui le drapeau tricolore flottant sur ces terres ayant appartenu à l’Angleterre, pays que Napoléon ne put jamais envahir et responsable de la chute définitive de l’Empereur.

En 1815, la défaite de Waterloo a raison de Bonaparte. Vaincu par ses ennemis européens, contesté par ses adversaires français, Napoléon n’a d’autre choix que d’abdiquer et de demander asile à l’Angleterre. Soucieux à l’idée de devoir héberger un homme aussi dangereux sur leur propre sol, les Anglais préfèrent rester sourds à sa demande, le capturent par ruse et l’envoient directement en exil à Sainte-Hélène.

En refusant d’examiner la demande d’asile de l’empereur déchu, en se jouant de lui pour le capturer, en le condamnant sans procès, le gouvernement anglais renie les idéaux de l’Habeas Corpus et foule aux pieds le code d’honneur militaire. Ce faisant, il se met à dos une partie de l’opinion, y compris britannique…

Le 5 mai 1821, après six années d’inconfortable exil, Napoléon meurt dans sa résidence de Longwood. Les Britanniques refusent que son corps soit rapatrié en France ; celui à qui ils ne concédaient plus que le titre de général est enterré sur place, dans un lieu qui lui était cher et qu’on nommera désormais la « vallée du Tombeau ». La disparition de Napoléon marque le départ de la construction du mythe et de l’exaltation de sa mémoire. Et l’encombrant héritage devient bien vite un enjeu politique en France pour les régimes à venir.

En 1840, Louis-Philippe, roi des Français, cherche à redorer l’image de sa monarchie, peu légitime aux yeux du peuple. Son gouvernement organise alors à grands frais le retour des cendres de Napoléon à Paris. Les autorités anglaises, voyant peut-être là l’occasion de racheter auprès de l’opinion les mauvais coups et mauvais traitements infligés à l’ancien empereur, donnent leur aval. Le jour est « beau comme la gloire, froid comme le tombeau », écrit Hugo. La foule rassemblée applaudit au passage de la dépouille de son héros qui va rejoindre sa dernière demeure des Invalides.

Mais l’événement ne fait qu’accentuer la nostalgie des temps de l’Empire et ne profite pas au roi. Il annonce au contraire l’arrivée d’un autre Bonaparte au pouvoir : après la révolution de 1848, Louis-Napoléon est élu président de la République et restaure l’empire quelques années plus tard.

Louis-Napoléon Bonaparte devient Napoléon III et rend en quelque sorte « officielle » la nostalgie de l’Empire. Dès 1852, il entame des démarches pour acheter la demeure de Longwood et la vallée du Tombeau auprès du gouvernement britannique. Vendre de la terre britannique à une puissance étrangère est interdit, mais les relations franco-britanniques sont au plus haut. La reine Victoria et Napoléon III s’entendent à merveille, les deux pays vont bientôt s’engager ensemble dans la guerre de Crimée ; l’« Entente cordiale » a commencé.

Six ans durant, les diplomates s’agitent pour trouver un accord que la reine Victoria approuve officiellement le 7 mai 1858. Une ordonnance du gouverneur de Sainte-Hélène est alors prise pour autoriser la vente des deux propriétés à Louis-Napoléon Bonaparte au prix de 7 100 livres et un conservateur français débarque sur l’île le 30 juin 1858 pour prendre officiellement possession des désormais « domaines français de Sainte-Hélène ».

L’histoire n’est pas terminée. Cent ans plus tard, en 1959, une certaine Mabel Brooks fait don à la France du pavillon des Briars. La vieille dame est une descendante de la famille Balcombe qui, la première, accueillit en cette demeure Napoléon Ier au début de son exil, avant qu’il ne s’installe à Longwood. Apprenant en 1957 l’état de délabrement du bâtiment, elle a remué ciel et terre pour racheter la maison et la donner aux Français.

Ce n’est plus d’Entente cordiale qu’il s’agit mais bien d’amour ! Mais au fait, d’amour pour qui ?

« C’était le plus grand ennemi de l’Angleterre et le mien aussi ; mais je lui pardonne tout. À la mort d’un si grand homme, on ne doit éprouver qu’une profonde douleur et de profonds regrets. » Ces mots prononcés par Hudson Lowe, gardien de Napoléon pendant son exil, résument à eux seuls les sentiments ambivalents qu’ont pu avoir nombre d’Anglais à l’égard de Napoléon. Et cela explique peut-être en partie pourquoi il fut possible à la France d’acquérir quelques morceaux de l’île britannique de Sainte-Hélène qui, en guise de village gaulois narguant le vainqueur, sont en fait des signes du rapprochement de la France et du Royaume-Uni.

Extrait de "Le Mont Blanc n'est pas en France ! Et autres bizarreries géographiques", Olivier Marchon, (Editions du Seuil), 2013, ISBN : 9782021074215, 14,50 euros. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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