Pourquoi une retraite épanouie ne devrait pas signifier la fin totale du travail <!-- --> | Atlantico.fr
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L’âge médian de sortie du travail en France est aujourd’hui de 59 ans.
L’âge médian de sortie du travail en France est aujourd’hui de 59 ans.
©Flickr

Le travail, c'est la santé

Aux Etats-Unis, pendant sa retraite on continue généralement de travailler. Bénévolement ou contre de petites compensations, ces activités permettent de satisfaire le besoin de reconnaissance de retraités de plus en plus actifs.

Anne-Marie Guillemard

Anne-Marie Guillemard

Anne-Marie Guillemard est professeur des universités à Paris Descartes.

Sociologue ayant notamment travaillé sur l'âge et la vieillesse, elle est l'auteure de Les défis du vieillissement (Armand Colin / 2010).

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Atlantico : Se développe aux Etats-Unis une drôle de façon d’aborder la retraite qui consiste… à continuer à travailler ! De jeunes retraités offrent ainsi leurs services – bénévolement ou contre de petites compensations - et leurs compétences à des organisations à but non lucratif. Qu’est-ce qui peut motiver un retraité à continuer à travailler ainsi après sa retraite ?

Anne-Marie Guillemard : Ce qui motive essentiellement un retraité à participer ainsi à l’activité de la société, essentiellement dans le domaine associatif, est un besoin de reconnaissance. Bien souvent, ce besoin n’a pas été satisfait durant la vie professionnelle ou du moins l’a été de moins en moins avec le vieillissement du travailleur. Les professionnels en fin de carrière sont souvent victimes d’une déconsidération de leur hiérarchie et de leurs collègues plus jeunes, on leur donne l’impression qu’ils sont trop vieux, qu’ils ne sont "plus dans le coup".

Il existe donc une marginalisation, une véritable discrimination de l’âge qui est particulièrement forte en France par rapport à ce qui se passe chez nos voisins. Celle-ci est bien moins réelle dans des pays comme les Etats-Unis, le Japon et en Europe les pays nordiques tels que la Finlande ou la Suède, ainsi l’Allemagne et les Pays-Bas. L’âge médian de sortie du travail en France est encore aujourd’hui de 59 ans. Cela n’est pas uniquement dû à des départs volontaires mais bien souvent par des préretraites, des mises au chômage et des licenciements négociés qui ne disent pas leur nom.

Justement, au regard de la sensibilité des Français quant à l’âge de départ à la retraite, peut-on imaginer que ce phénomène arrive jusqu’à chez nous ?

Ce phénomène n’est pas uniquement américain et dans les faits il existe depuis très longtemps en France, et plus largement dans le monde. Ce phénomène peut s'expliquer de plusieurs manières. Tout d’abord, l’accès pour les femmes au marché du travail. Celui-ci a en effet vidé de réservoir bénévole traditionnel qui était en grande partie constitué de femmes au foyer.

Ensuite, l’augmentation de la durée de vie et des conditions de vieillissement qui se sont améliorées ont donc naturellement entrainé un transfert des retraités vers ce bénévolat pour remplacer le départ des femmes au foyer. Enfin, comme je le disais précédemment, ces derniers sont en quête de reconnaissance auprès de la société et y trouvent donc également un intérêt d’autoréalisation. En plus, de participer à la vie de notre pays.

Défendre un âge de retraite précoce n'est pas l'expression d'une envie d’arrêter toute activité. Il est surtout le résultat du manque de considération des travailleurs vieillissants et du manque de stimulation au travail. A la différence d’autres pays, nous formons très peu les seniors et ces derniers perçoivent effectivement peu d’intérêt dans le fait de travailler cinq ans de plus à faire ce qu’ils ont déjà fait pendant 20 ou 30 ans. Cela ne veut pas dire pour autant qu’ils ont uniquement envie "d’aller à la pêche" pendant les 25 années qui viennent.

Qu’est-ce que cela traduit du rapport moderne à l’inactivité et à la retraite ?

Du côté "des jeunes", le vieillissement et la retraite sont effectivement perçus comme quelque chose de négatif et conduit donc à cette discrimination que j’évoquais. De l’autre côté, les retraités, souvent jeunes et en forme, savent qu’ils ont potentiellement presque 25 ans devant eux et conçoivent donc la retraite comme nécessitant un véritable projet de vie. Il ne s’agit plus uniquement d’attendre… surtout pas la fin. La recherche de reconnaissance à laquelle nous aspirons tous, jeunes et moins jeunes, ne passe donc plus seulement par le travail marchand mais aussi par le travail libre : le bénévolat.

Dans quelle mesure travailler pendant sa retraite peut-il être positif pour la santé – et des seniors et de l’économie ?

Il est facile de calculer combien coûtent les retraites mais plus difficile de savoir dans quelle mesure les retraités contribuent indirectement à l’économie. Pourtant, de manière certaine leur poids n’est pas négligeable. Tout d’abord, ces activités bénévoles permettent aux associations et autres organisations qui en profitent de réutiliser leurs ressources "non-dépensées" vers la création d’emplois et la consommation de biens – et donc plus généralement contribuent à la santé économique du pays. Or, si en réduisant les retraites on contraint les retraités à travailler à nouveau, tout cela disparaitra au moins en partie. Rappelons également que les retraités soutiennent lourdement financièrement et matériellement leurs enfants et leurs petits-enfants mais aussi leurs parents âgés, ce qui, une fois encore, encourage l’économie.

Sur la question de la santé physique, cela ne relève pas réellement de mon domaine de compétences. Pour autant, de nombreuses études révèlent que la stimulation intellectuelle liée au maintien d'une activité, des responsabilités et des contacts sociaux multiples est un facteur important de vieillissement en santé. Le vieillissement actif contribue au" bien vieillir".

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