"Nicolas Sarkozy, c'est fini" : Marine Le Pen pense-t-elle en creux que l'ancien président est le seul adversaire qui lui reste dans la vie politique française ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen.
Marine Le Pen.
©Reuters

Duel

Alors que le Front national organise ce week-end son université d'été, la présidente du parti frontiste attaque fort. Elle aurait en effet déclaré selon les propos rapportés par le Journal du Dimanche : "Sarko c’est fini. Si Sarkozy ne part pas dans les deux mois qui viennent les menottes aux poignets, ce sera miraculeux".

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé est politologue et maître de conférence à Sciences Po. Son dernier livre, Islamopsychose, est paru aux éditions Fayard. 

Pour en savoir plus, visitez son site Internet : thomas-guenole.fr

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Atlantico : Selon un article du site du Journal du Dimanche paru jeudi 12 septembre, la présidente du Front national (FN) aurait déclaré : "Sarko, c’est fini". Marine Le Pen pense-t-elle en creux que l'ancien président est le seul adversaire qui lui reste dans la vie politique française ?

Thomas Guénolé : La question est de savoir pourquoi Marine Le Pen est aussi violente envers Nicolas Sarkozy : car même pour Marine Le Pen, habituée aux déclarations fracassantes, les propos tenus sont virulents. Cela confirme que Nicolas Sarkozy est son adversaire principal, celui dont elle a le plus peur. Elle a raison de se préoccuper de son possible retour, car dans l’histoire politique récente, l'ancien président est le seul à avoir ramené le FN à seulement 10% des suffrages : c'était lors de l’élection présidentielle de 2007. De fait, en l'état des sondages, Nicolas Sarkozy est le seul homme politique actuellement en mesure de fédérer toutes les droites et une partie de l’extrême droite au premier tour de la prochaine élection présidentielle.

Nicolas Sarkozy est-il le seul à être un danger à droite pour Marine Le Pen ?

Ni Jean-François Copé, ni François Fillon ne rassemblent l’électorat de la "grande droite" comme Nicolas Sarkozy : tous les sondages l’attestent. Jusque récemment, Jean-François Copé avait le désavantage spécifique de s’être lui-même enfermé dans un corner lepenisé sans incarner les autres droites. Mais les propos récents de François Fillon permettent à Jean-François Copé de sortir de ce corner. C’était d’ailleurs une erreur stratégique colossale de la part de  François Filon, dont le positionnement à peu près anti-FN avait tout l’intérêt de fidéliser toute la moitié anti-lepéniste de l’UMP. Ses propos récents ne lui ont fait marquer aucun point dans la frange lepénisée de l'UMP, qui trouvera qu'il n'en fait jamais assez dans la lepénisation : ils n'ont servi qu'à inquiéter la frange anti-lepéniste de l'UMP.

Marine Le Pen a vu la dernière campagne de Jean-Marie Le Pen être tailladée par Nicolas Sarkozy en 2007. Visiblement, elle a bonne mémoire et sait de qui peut donc venir le vrai danger pour sa stratégie de dédiabolisation. Il faut toujours garder à l’esprit que le rêve de Marine Le Pen reste de copier le MSI italien. Le MSI était un parti néofasciste anti-système, c’est devenu un parti de droite souverainiste et un parti de gouvernement. À cet égard, son intransigeance envers les propos antisémites dans son parti est très révélatrice de son obsession de la "normalisation" du FN sur le modèle de son homologue italien. Cela étant, le FN reste un parti raciste : il est simplement passé de l’antisémitisme de l’extrême droite d’hier à l’arabophobie de l’extrême droite d’aujourd’hui.  

La démarche actuelle de Marine Le Pen est de crédibiliser davantage son parti pour récupérer des électeurs dans une UMP en pleine crise. Et en même temps qu'elle travaille à cette crédibilisation, elle commence à s'efforcer de décrédibiliser Nicolas Sarkozy pour que sa tentative ne soit pas tuée dans l’œuf. C’est pour cela que, dans la même semaine, elle annonce recruter des fonctionnaires pour que le parti soit capable de gérer des mairies, et essaie d'enterrer vivant Nicolas Sarkozy comme force de résurrection de l’UMP. Il faut le dire clairement : le FN doit faire 25% pour pouvoir imposer des alliances à la droite et donc cibler vraiment la prise du pouvoir ; pour que le FN atteigne 25%, il faut que l'UMP n'arrive plus à rassembler la droite ; et pour que l'UMP n'arrive plus à rassembler toute la droite, il faut que Nicolas Sarkozy ne revienne pas dans le jeu politique. 

En voulant ne plus être un parti anti-système, Marine Le Pen ne scie-t-elle pas la branche sur laquelle elle est assise ?

Marine Le Pen a effectivement un problème de tiraillement entre la posture de parti anti-système, carburant du FN grâce au vote-sanction, et la posture de parti de gouvernement, nécessaire pour franchir le seuil des 20% des voix. Pour résumer, à force de normaliser, le vote-sanction peut se détourner. Souvenez-vous de sa campagne de 2012. Les thèmes qu’elle avait choisis pour sa campagne étaient ceux d'un programme de gouvernement : politique monétaire, rôle de l’État dans l’économie, etc. Résultat, elle a commencé à baisser dans les sondages. Cette baisse se faisait sur la ligne de Florian Philippot, une ligne d’extrême droite souverainiste et étatiste. Pour redresser la barre des intentions de vote, Marine Le Pen a soudain parlé de viande halal et de la "menace musulmane". C’est la ligne de Jean-Marie Le Pen, l’extrême droite arabophobe et islamophobe. De fait, aujourd’hui, il y a le FN de Florian Philippot et le FN de Jean-Marie Le Pen, d'où une tension permanente dans le parti concernant les idées à défendre en priorité. Cette tension se retrouve jusque dans l'évolution des structures. Hier, Jean-Marie Le Pen dirigeait le FN en monarque absolu. Aujourd’hui, Marine Le Pen règne sur un FN en monarchie constitutionnelle, dont l’administrateur en chef est Florian Philippot.

A lire également, de l'auteur de cet article : "Nicolas Sarkozy, chronique d'un retour impossible ?", Thomas Guénolé, (First éditions), 2013, 16,90 euros. Pour acheter ce livre, cliquez ici.


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