Le FN pose ses conditions pour des accords locaux aux municipales : quel type d'alliance sa "charte d’action" dessine-t-elle ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen.
Marine Le Pen.
©Reuters

Avis aux intéressés

Le Front national a présenté une "Charte d’action municipale au service du peuple français" qui encadre les éventuelles alliances aux municipales de 2014. Ce texte vise à tendre la main à tous les partis ou responsables politiques pour accéder aux mairies.

Joël Gombin

Joël Gombin

Joël Gombin est doctorant en science politique au CURAPP (Université de Picardie-Jules Verne – CNRS).

Ses travaux portent  notamment sur le vote en faveur du Front national et sur les comportements politiques des mondes agricoles.

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Atlantico : Le FN a présenté un texte qui pose les conditions pour des éventuelles alliances lors des élections municipales de 2014. Parmi ces conditions on trouve notamment "consulter la population, éventuellement par l’organisation de référendums locaux" ou "engager (…) toutes les actions possibles visant à mettre fin aux installations sauvages de nomades". Quelles alliances possibles cette charte dessine-t-elle ? Qui ce texte tente-t-il de séduire ?

Joël Gombin : A l’exception peut-être de la dernière condition qui vise les campements Roms, le reste du texte n’est pas très discriminant, on voit mal qui pourrait être résolument contre. D’ailleurs, il y a un certain nombre de reculs par rapport à la gestion municipale qu’a pu faire le FN. Par exemple, il n’y a rien sur le fait de réserver un certain nombre de bénéfices aux nationaux français, ce qui faisait partie du corpus par le passé. On peut se rappeler que les époux Mégret avait été condamnés pour discrimination dans la distribution de certaines allocations.

Ils ont fait un texte assez neutre, qui vise surtout à mettre une couche de légitimité sur d’éventuelles alliances qui pourraient être passées en 2014. Cependant ces alliances ne seront pas nombreuses, elles auront surtout lieu dans de petites communes, où la politique municipale échappe souvent aux clivages partisans.

L’objectif du texte n’est pas de séduire, pour des alliances privilégiées avec tel ou tel parti. Il faut garder en tête la stratégie de long terme du FN : les municipales ne sont qu’une étape dans l’échéance présidentielle.

L’enjeu est avant tout de porter les coups les plus forts possibles contre l’UMP, qui est le concurrent privilégié du FN car la stratégie du parti frontiste consiste à passer devant l’UMP.

La charte ne va pas favoriser des alliances avec l’UMP, même si certains au FN lui tendront la main. Elle vise probablement davantage à embarrasser l’UMP pour la mettre face à ses contradictions qu'à envisager une véritable co-gestion des villes. D’autant plus que la co-gestion de villes ne serait pas intéressante pour le FN, dans le sens où si elle se passe mal, c’est le blâme pour eux et si ça se passe bien c’est l’UMP qui en récupère les lauriers. Toute cette stratégie vise à préparer une sorte de baiser empoisonné que le FN voudrait administrer à l’UMP.

Selon un sondage Ifop pour Valeurs actuelles, 34% des Français se disent proches des idées de Marine Le Pen. Ce chiffre peut-il pousser certains candidats à se rapprocher du FN pour les municipales ?

Il est vrai qu’il y a un certain nombre d’éléments qui mettent la pression sur l’ensemble de la classe politique. Certains à l’UMP se poseront la question, mais les élections municipales sont des élections avec un mode de scrutin essentiellement majoritaire : dans la plupart des configurations on trouvera soit des triangulaires, soit des duels droite/gauche classique.

Bien sûr qu’il y aura des tentations ici ou là, mais elles seront limitées car l’alliance explicite avec le FN demeure coûteuse politiquement. Il n’est pas certain que beaucoup de candidats s’engagent dans cette voie là, car elle peut durablement entacher leur carrière, notamment au niveau municipal où la gestion repose plus sur un consensus élargi que sur une très forte polarisation politique.

Si les sympathisants de droite se disent proches dans une plus grande proportion de ces idées, ils sont 11% parmi les sympathisants de gauche. Le tabou FN recule-t-il globalement ? 

Oui vraisemblablement, même si sur une période de 30 ans depuis l’émergence du parti en 1984, on ne voit pas de mouvement linéaire. Cette tentation de la droite de se rapprocher du FN est extrêmement récurrente, et d’ailleurs elle a souvent mené à des alliances effectives, dès 1986 avec la co-gestion du conseil régional de PACA, jusqu’aux régionales de 98 où plusieurs présidents de régions de droite s’étaient alliés au FN.

On a eu une phase après 2002, où le fait que Chirac se soit opposé à Jean Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle avait conduit à ce que l’UMP se construise sur une distance maximale avec le FN. Cette parenthèse a été vite refermée dès lors que Sarkozy a pris la tête du parti.

Comment dans ce contexte interpréter la déclaration de François Fillon qui a conseillé de "voter pour le moins sectaire" dans l'éventualité d'un second tour FN/PS aux municipales ? Jusqu'où la position de l'UMP sur le sujet des alliances est-elle susceptible d'évoluer ?

La position de Fillon n'est surprenante que si on est prisonnier du story telling selon lequel Copé représente la droite de l’UMP et Fillon plutôt les centristes du parti. En réalité cela ne représente pas du tout les rapports de forces idéologiques au sein de l’UMP. Fillon a été soutenu par certains des militants et des élus les plus à droite, comme Eric Ciotti.

Il y a toujours au sein de la droite des tentations, même avant l’UMP, et elles existeront tant que le contexte politique fait que l’équilibre est incertain. Fillon prépare l’avenir, dans la mesure où il est candidat à 2017 ; il n’a intérêt à n’insulter personne.

Qu'en est-il des autres partis ?

Les autres partis sont dans des situations stratégiques différentes. Tout d’abord, les centristes ne sont pas directement concernés par cette question-là, même si cela leur permet de se démarquer de l’UMP d'une certaine façon.

Ensuite à gauche, il y a des hésitations au sein du PS quant à la stratégie à adopter face au FN. Il y a la posture morale qui vise à défendre une sorte de cordon sanitaire érigé autour du FN qui est un discours hérité des années 1980 et qui donne le sentiment de tourner à vide. Ils ont des difficultés à savoir comment aborder cette question. On observe une absence de clarté, d’autant que l’élément objectif qui veut que le  PS profite dans certaines situations d'un FN fort persiste à l'heure actuelle. C’est d’autant plus complexe que le PS est en difficulté, car le FN touche un électorat populaire, auquel le PS devrait naturellement pouvoir s’adresser mais aujourd’hui il ne sait pas trouver les mots pour reconquérir cet électorat.

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