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Mais à qui et à quoi adhèrent les donateurs de la collecte record de 11 millions d’euros de l’UMP ?
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Jackpot

Si le parti, soulagé de ses problèmes financiers, respire ; reste à savoir qui pourra récupérer politiquement un succès que Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy semblent déjà se disputer.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Jean-François Copé a annoncé dimanche 8 septembre que l'UMP avait atteint les 11 millions d'euros nécessaires au remboursement des comptes de campagnes de Nicolas Sarkozy invalidés par le Conseil constitutionnel. Dans l'immédiat, qui vous apparaît le mieux placé pour récolter les fruits politiques de cette réussite ?

Jean Pétaux : Il est difficile de se prononcer si tôt. La prudence invite à ne désigner le vainqueur d'une telle opération qu'après quelques mois, le recul étant ici nécessaire. On pourrait très bien voir cette première victoire se transformer en une victoire à la Pyrrhus qu'il serait incapable d'exploiter par la suite. Pour faire plus simple, on peut gagner une bataille sans pour autant gagner la guerre. Ce que l'on peut déjà dire néanmoins, c'est que Nicolas Sarkozy a su administrer la preuve que l'appel qu'il a lancé auprès des militants a reçu un écho certain, ce qui sous-entend que sa capacité de mobilisation est plus ou moins intacte. Autre élément positif pour l'ancien président, il a réussi à obliger tous les grands cadres du parti à mettre la main à la poche, parfois en leur tordant un peu le bras si nécessaire. Cette action semble le confirmer dans son statut de président officieux du parti, momentanément "empêché" par les événements, mais bien susceptible de revenir à terme dans l'arène politique.

On peut cependant modérer ce constat en considérant que beaucoup de militants ont certes contribué à la remise à flot du parti, mais en gardant bien à l'esprit que la campagne de Nicolas Sarkozy était à l'origine de cette situation. Les militants ont répondu à l'appel, tout en se disant qu'on ne les y reprendrait plus. Dans ce contexte, on peut se dire que cette contribution financière de taille a eu pour objectif de sauver davantage l'UMP en soi plutôt que son ancienne figure de proue. Ainsi, ce que la presse a appelé un peu rapidement le "Sarkothon" ressemble, selon moi, davantage à une sorte "d'UMPthon", ce qui ne revient pas au même.

A contrario, chez Copé, on a l'impression que la déclaration de dimanche soir ressemblait pour beaucoup à un baiser de la mort en direction de l'ancien président. D'une certaine manière, il peut aujourd'hui se dire qu'on ne pourra pas lui reprocher d'avoir tiré sur l'ambulance Sarkozy, mais aussi qu'il est désormais dédouané de toute obligation envers lui. Ce n'est ainsi pas un hasard si le maire de Meaux a levé le tabou quelques jours après l'appel à contribution sur le droit d'inventaire du quinquennat précédent.

Les "jeunes loups" du parti se sont volontairement tenus à l'écart de l'affaire. Doivent-ils s'en mordre les doigts pour autant ? 

Je pense que cette génération post-Sarkozy (Le Maire, Pécresse, Wauquiez, Bertrand) est dans une posture assez similaire à celle des cadres du RPR après la défaite de Chirac en 1988. Un corpus de frondeurs s'était ainsi formé autour de Philippe Séguin et de Charles Pasqua pour critiquer vertement les actions de l'ancien leader. On a vu alors fleurir un peu partout des "rénovateurs" qui réclamaient une refonte programmatique du parti. Une partie non négligeable de ces cadres a d'ailleurs fini par rejoindre Balladur en 1993. Il ne serait donc pas étonnant dans ce contexte de voir la génération actuelle, qui a fait ses classes sous le quinquennat précédent, tenter tout ce qui est possible pour "tuer le père" et dégager l'espace politique. Dans cette même logique de remise en cause, les "quadras" de l'UMP se sont logiquement tenus à l'écart de l'affaire des fonds de campagne en se disant qu'il était préférable de voir Copé et Fillon prendre les coups tandis qu'ils restaient opportunément sur le banc de touche.

Peut-on dire par ailleurs que cette réussite est un signe favorable pour l'UMP dans le cadre de sa reconstruction, ou assiste-t-on simplement au début des ennuis ?

Quelle que soit la formation politique, tant qu'elle est d'importance, le problème de la gestion des différends courants pose logiquement problème. Cela peut déboucher sur une guerre des chefs qui finit par donner aux militants une impression négative et décourageante. Il est pour l'instant clair que l'UMP n'a pas retrouvé aujourd'hui la sérénité qui la caractérisait avant les événements d'octobre 2012. Fillon et Copé ont eu beau jeu de signer une "paix des braves", toute personne un peu attentive ne pourra s'empêcher d'entendre le cliquetis des couteaux que l'on affûte. Si l'UMP respire financièrement, la question de l'unité politique reste donc à régler.

Plus largement, pour ce qui est de la place politique de l'UMP au sein de la droite en général, on observe au centre-droit des personnalités comme Borloo et Bayrou tenter de ressusciter un UDF capable de faire concurrence à ce que l'on pourrait appeler la droite "forte", mais il est difficile de théoriser sur l'avenir d'une situation qui reste hypothétique. Pour ce qui est du Front national, on peut rester sceptique sur les capacités de Marine Le Pen à engranger des scores suffisamment importants aux municipales, ce qui devrait offrir un certain répit à l'UMP. Si le FN peut effectivement décrocher quelques mairies, comme celle d'Hénin-Beaumont, on assistera probablement à une recomposition massive des forces en présence à droite. L'enjeu sera cependant bien plus complexe pour les européennes où la formation des Le Pen enregistre traditionnellement  des scores importants.

 Propos recueillis par Théophile Sourdille

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