Beaucoup plus nombreux que les accros aux drogues dures : que fait-on pour les milliers de Français dépendants aux antidouleurs et antidépresseurs ?<!-- --> | Atlantico.fr
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En France, les médicaments seraient à l'origine de 18 000 morts par an.
En France, les médicaments seraient à l'origine de 18 000 morts par an.
©Reuters

Surmédication

Les médicaments seraient responsables d'au moins 18 000 décès chaque année en France. C'est bien plus que le nombre de victimes d'overdoses mortelles dues à l'héroïne, la cocaïne et les opiacés.

Dan Véléa

Dan Véléa

Le Docteur Dan Véléa est psychiatre addictologue à Paris.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur les addictions, dont Toxicomanie et conduites addictives (Heures-de-France). Avec Michel Hautefeuille, il a co-écrit Les addictions à Internet (Payot) et Les drogues de synthèse (PUF, Que sais-je ?, Paris, 2002).

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Selon un rapport de l'OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies) paru en juin 2013, le nombre d'usagers réguliers de cocaïne chez les 11-75 ans en France en 2010 est de 400 000 et 500 000 pour l’héroïne. 11 millions de Français sont des usagers de psychotropes. Par ailleurs, et toujours en 2010, 392 cas de décès par surdose de cocaïne, d’héroïne et d'opiacés ont été relevés. En France, les médicaments seraient à l'origine de la mort de 18 000 personnes par an.

Selon l'Office for National Statistics, au Royaume-Uni en 2012, 807 personnes sont décédées d'une overdose d'antidouleurs et antidépresseurs et 32 000 cas de dépendance à ces médicaments ont été relevés.

Enfin, aux Etats-Unis en 2012, 2 millions de personnes sont dépendantes aux médicaments opiacés et 16 500 cas de morts par overdose d'antalgiques opiacés ont été relevés.

Atlantico : Au Royaume-Uni en 2012, davantage de personnes sont mortes en abusant des analgésiques et des antidépresseurs que des drogues comme l’héroïne ou la cocaïne, et selon l’Office for National Statistics, le nombre de morts dû à la prise de ces médicaments est en augmentation. Au total, 32 000 britanniques seraient accro à ces derniers. Quelle est l'ampleur du phénomène en France ?

Dan Véléa En France, en 1995, le rapport Zarifian indiquait déjà que l’on avait une surconsommation de tout ce qui était psychotropes, anxiolytiques ou antidépresseurs et estimait que près de 10 millions de Français utilisaient ces médicaments. Le pourcentage a beaucoup augmenté. Les antidouleurs et anxiolytiques sont devenus monnaie courante.

Deux aspects peuvent expliquer cela : on est dans une société de la performance où l’on recherche le bonheur à tout prix, la frustration est mal supportée, les gens cherchent un produit qui les rende performant, les apaise et les anesthésie. Le corps médical est responsable, il n’est pas rare de voir des gens avec des petits signes de dépression à qui on prescrit des antidépresseurs et qui auront du mal à décrocher une fois addict.  

Les malades sont-ils suffisamment alertés sur les risques qu'ils encourent à prendre de tels médicaments ?

Il faut espérer que les médecins avertissent au moins les patients des risques de la prise de ces médicaments et qu’ils mettent en place avec eux des programmes : comment entamer le médicament, quels sont les risques secondaires, comment se rendre compte de son efficacité, comment parvenir peu à peu à le réduire et l’arrêter complètement sans rendre le patient dépendant chimiquement.

Comment se répartissent les responsabilités entre patients et corps médical ? 

Il y a plusieurs aspects. Le corps médical a peut-être une facilité de prescription mais il y a aussi une saturation des médecins spécialistes, par exemple trouver un psychiatre voire un psychothérapeute est très difficile, le prix est élevé, les listes d’attente s’allongent et il y a un aspect d’immédiateté. Certains patients jugent leur médecin en fonction de la rapidité de la prescription : un médecin qui prescrit des médicaments est un bon médecin, un médecin qui privilégie l’écoute avant de trouver le bon remède est mal perçu. Les médecins peuvent être prisonniers de cette attitude. Certains ne respectent pas la déontologie, c’est plutôt rare mais il faut faire attention.

Comment est établie la dépendance ? Est-elle prise au sérieux ? Comment les malades sont-ils alors pris en charge une fois celle-ci identifiée ?

La dépendance dans le sens de l’addiction est définie selon des critères très précis. Il y a deux types de classification : le DSM-IV, manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, est la bible américaine de la psychiatrie et le CIM-10, classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, standard européen, définit la dépendance. Dans les deux cas, la dépendance est définie par un usage abusif et par le fait que la personne ne peut plus se passer du médicament : dès qu’il y a un manque, elle est stressée, angoissée et irritable.

Beaucoup de gens organisent leur vie à travers le produit et ne peuvent vivre sans antidépresseurs et anxiolytiques, malheureusement dans certains cas, mélangés au tabac et à l’alcool. Certains ont besoin d’une « béquille chimique » pour fonctionner au quotidien. 

Propos recueillis par Karen Holcman

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