Ligne rouge franchie en Syrie : 30 secondes pour réfléchir aux conséquences des ripostes militaires occidentales passées<!-- --> | Atlantico.fr
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Des combattants de l'Armée syrienne libre.
Des combattants de l'Armée syrienne libre.
©Reuters

Souviens-toi l'été dernier

Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont annoncé être prêts à une intervention militaire en Syrie, en réaction à l'attaque présumée aux armes chimiques menée la semaine dernière dans les faubourgs de Damas.

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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Ça y est, c’est reparti. Le même discours accusateur teinté d’indignation que l’on a pu entendre lors de l’invasion de l’Irak en 2003 ou à l’occasion du désastre stratégique de l’affaire libyenne, fait de nouveau surface. L’objectif de ces discours étant aujourd’hui, comme ce fut le cas hier, de préparer l’opinion publique pour la guerre, en l’espèce des frappes aériennes contre la Syrie.

Qui ne se souvient pas de l’image du général Collin Powell, à la tribune des Nations Unies, tenant à la main dans un flacon, la preuve "irréfutable" de la quête d’armes de destruction massive par Saddam Hussein. Armes qui n’ont jamais été retrouvées. Ou encore, le discours hystérique du gouvernement français précédent à propos de l’urgence d’intervenir en Libye faute de quoi il y aurait un million de morts à Benghazi ! Tout cela, pour évacuer cette ville sous le feu soutenu des islamistes qui peu de temps après ont remercié le soutien occidental par l’assassinat de l’ambassadeur des Etats-Unis.

Bien évidemment, le recours à des armes chimiques constitue incontestablement une ligne rouge pour l’intégralité du monde civilisé. C’est pour cette raison qu’il convient de prendre le temps de la réflexion et de l’enquête afin d’établir les véritables et réelles responsabilités avant de se lancer dans un discours va-t'en-guerre. Etonnamment, les Etats-Unis et la France ne cessent de déclarer qu’ils détiennent les preuves incontestables de l’emploi par l’armée régulière de Bachar al-Assad d’armes chimiques, et ce avant même que les enquêteurs des Nations Unies n’arrivent sur place. Ces mêmes gouvernements ont été les premiers, au mois de mai dernier, à rejeter par le ridicule, les affirmations du magistrat suisse Carla del Ponte, membre de la Commission d'enquête de l'ONU, accusant les rebelles syriens d’avoir fait usage du gaz sarin. Curieusement, ce sont ces mêmes rebelles qui ont tiré sur les enquêteurs de l’ONU arrivés il y a deux jours sur place escortés par l’armée régulière !

En criminologie, on apprend aux élèves de première année que dans l’identification du coupable d’un crime, il convient toujours de chercher à qui il profite. Ainsi on a beaucoup de mal à comprendre pour quelle raison le pouvoir syrien ait pu faire usage d’armes chimiques, surtout à un moment où, d’après l’unanimité des observateurs, l’armée régulière remporte du terrain chaque jour sur les rebelles islamistes. Pour quelle raison est-ce que Bachar al-Assad prendrait le risque inutile, militairement parlant, de franchir cette ligne rouge qu’il sait, pour l’avoir entendu quotidiennement depuis des années, entrainerait une riposte militaire immédiate ? En revanche, il n’est pas difficile de comprendre la motivation des rebelles, qui en perte de vitesse sur tous les fronts, chercheraient à inverser la vapeur en mobilisant la communauté internationale contre le pouvoir syrien en lui mettant sur le dos un crime hideux qu’il n’aurait peut-être pas commis.

On peut s’interroger d’autant plus que comme vient de le dévoiler il y a trois jours, le journal Foreign Policy sur la base de documents déclassifiés et témoignages de hauts-gradés américains, la CIA a aidé Saddam Hussein à mener des attaques chimiques contre l'Iran durant la guerre opposant ce pays à l’Irak de 1980 à 1988. D’ailleurs, Saddam Hussein, avec la connaissance préalable des Américains, a fait usage d’armes chimiques composées de gaz moutarde et de sarin, deux substances létales dont l'usage est interdit par le protocole de Genève, totalement ignoré par l'Irak, mais ratifié par les Etats-Unis dès 1975.

Durant cette même guerre Iran/Irak, certains des accusateurs d’aujourd’hui de Bachar al-Assad étaient aux affaires en France lors du premier septennat de François Mitterrand. Qu’est ce qui explique leur silence d’hier face à Saddam, alors que des milliers de militaires et de civils mourraient dans des attaques d’armes chimiques irakiennes et leur discours indignés d’aujourd’hui ? Une seule distinction : la realpolitik. Alors qu’on dise clairement que l’objectif est d’influer sur le cours de la guerre civile syrienne en prenant prétexte d’un incident dont on est prompt à établir les responsabilités. Nul n’ignore que les frappes aériennes envisagées risquent de mettre encore davantage à feu et à sang ce Proche-Orient si malade. A moins que la volonté politique soit celle de mettre des salafistes au pouvoir dans une Syrie divisée sur des lignes confessionnelles et sectaires. Nous voilà prévenu.

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