Où les trouver (ou les éviter) : ces destinations de vacances prisées par les nouveaux riches des pays émergents<!-- --> | Atlantico.fr
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"Vivre dans un pays émergent, à l'heure de la mondialisation, c'est espérer connaître le sort des habitants des pays riches, donc vouloir s'y rendre."
"Vivre dans un pays émergent, à l'heure de la mondialisation, c'est espérer connaître le sort des habitants des pays riches, donc vouloir s'y rendre."
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Rendez-vous en terre inconnue

Vers où s'envolent les riches Russes, Chinois, Indiens ? Qu'est-ce que cette nouvelle clientèle change dans le paysage mondial ? Et s'ils représentaient une manne financière pour les destinations traditionnelles ?

Jean-Michel Hoerner

Jean-Michel Hoerner

Jean-Michel Hoerner, professeur de géopolitique émérite et président honoraire de l'Université de Perpignan, enseignant-chercheur à l'IDRAC-IEFT, auteur avec Catherine Sicart de Tourisme, une affaire de classe (Balzac Editeur, 2015)

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Atlantico : Les pays émergents favorisent le développement de nouvelles catégories aisées de population. Quelles sont les destinations touristiques privilégiées par ces "nouveaux riches" ? Apprécient-ils les destinations traditionnelles ? Font-ils preuve d'originalité ?

Jean-Michel Hoerner : Les touristes internationaux des pays émergents appartiennent à la classe moyenne supérieure qui compte aujourd’hui dans le monde quelques 700 millions de personnes et se développe surtout sur la base de la méritocratie (études supérieures). Vivre dans un pays émergent, à l’époque de la mondialisation, c’est espérer connaître le sort des habitants des pays riches traditionnels, donc vouloir s’y rendre, y séjourner, ramener des souvenirs et afficher au retour des attitudes ostentatoires. Comme le disait Colette, est-ce que "le voyage n’est nécessaire qu’aux imaginations courtes" ? En tout cas, le tourisme permet à ces classes aisées de bénéficier d’une expérience unique à condition que les destinations choisies fassent beaucoup d’envieux.

La destination la plus prisée des touristes chinois, au présent comme à l'avenir : la bonne vieille Europe...

(Données du Réseau de Veille en Tourisme)

Quels sont leurs critères de choix ? Pour quelles raisons choisissent-ils ces destinations ?

Alors que les Parisiens ou les Londoniens recherchent le soleil ou la campagne parce qu’ils ont tout le reste, dont le plaisir de vivre dans l’intensité du monde moderne et magique, les riches des pays émergents recherchent peut-être au sein des grands États traditionnels de la planète ce qui va leur permettre de mieux exister, voire de les authentifier. Un bourgeois russe a peut-être le sentiment de réussite lorsqu’il foule la Côte d’Azur et les Chinois trouvent dans les objets de luxe parisien une raison d’exister autrement. Les grandes villes occidentales, Paris, Londres, Rome, New York, etc., les font tous rêver. Je parle souvent du "mondialisme" de la planète et si je prétends, avec d’autres, que les leaders peuvent changer, je considère que les vieux pays riches conservent une valeur d’exemple…

À première vue, les consommations touristiques dépendent du statut des touristes et donc de leurs moyens. En outre, seules celles qui sont visibles sont retenues : un séjour gratuit dans une belle campagne n’est pas comptabilisable ! Eu égard à l’extension de l’hôtellerie internationale plutôt moyen et haut de gamme, beaucoup de touristes considèrent qu’elle est un objectif pour eux dès qu’elle se situe dans un endroit attractif, qu’il soit culturel ou non. Mais il n’y a pas de beaux hôtels dans des lieux non attractifs. Justement, les attractions culturelles sont plébiscitées et un hôtel comme l’Hôtel-Dieu de Marseille géré par Intercontinental, dans un bâtiment historique et une ville chargée d’histoire, cela attire les touristes des pays émergents où, sauf exception, la marque de l’histoire est souvent moins forte.


Les touristes des pays émergents, plus que les autres, ont le sentiment d’être privilégiés et de mériter l’excellence : le luxe dans toutes ses combinaisons, et le luxe garanti par l’histoire de la destination.


Beaucoup de personnes très aisées des pays émergents, comme les Russes sur la Côte d'Azur, vont passer des vacances dans les anciens pays riches parce qu'ils espèrent également y investir dans l'immobilier, combinant ainsi le plaisir de leurs séjours avec la possibilité d'investir dans des régions très rentables. Pour dire la vérité, ils contribuent à faire du tourisme un atout économique fondamental dans les vieux pays riches : le prix des terrains et de l'immobilier ne dépend-il pas déjà de la demande ?Cela pourrait expliquer la longue dépendance attendue des pays émergents par rapport à leurs modèles occidentaux puisqu'ils contribuent eux-mêmes à leur succès !

Qu'est-ce que ces nouveaux arrivants changent pour les économies locales ?

Il ne faut pas s’étonner que les États qui accueillent le plus de touristes internationaux des pays émergents, et bénéficient des plus fortes recettes, appartiennent tous, sauf la Chine (mais c’est récent), aux principales puissances occidentales, dont les États-Unis, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, voire l’Italie qui reçoit toutefois beaucoup de touristes du reste de l’Europe comme l’Espagne.

L’industrie touristique, dont l’hôtellerie internationale, contrôlée à 80% par les pays traditionnellement riches, se développe en fonction de ces nouvelles clientèles : il suffit de mesurer l’extension des hôtels haut de gamme à Paris ou à Londres ! Je considère d’ailleurs que l’économie mondiale a intégré le tourisme comme l’une de ses principales activités : il suffit de mesurer le poids de ses entreprises en Bourse et de souligner que les touristes étrangers remplacent, dans l’économie occidentale, l’acier du XIXe siècle et les automobiles du XXe siècle !

Ne constituent-ils pas une manne touristique rêvée pour leurs pays respectifs ? Sont-ils fidèles à leurs pays d'origine (tout comme les Français partent sur la cote d'Azur, etc...) ou au contraire s'en éloignent-ils le plus souvent ? Quel rapport ont-ils aux autres destinations dans les pays émergents ?

Jamais le tourisme international n’aurait pris une telle ampleur si les clientèles privilégiées du monde entier, émergent ou non, ne considéraient pas qu’un séjour touristique doit se faire à l’étranger et, mieux, dans un pays ou une région à la mode. J’ai évoqué la classe moyenne supérieure mais il faudrait ajouter le réflexe de classe, même si son origine ici n’est pas noble : on voyage pour prendre du plaisir et afficher sa supériorité sociale (problème de l’ostentation). C’est pour cette raison que cette classe en pleine expansion traduit le mondialisme où les pays émergents aspirent à devenir les égaux des vieux pays riches.

L'essor des nouvelles destinations se traduit-il par un nécessaire déclin des destinations traditionnelles, prisées par les riches occidentaux ?

À l’occasion de l’enlèvement de touristes français au Cameroun, j’avais dit que les Européens qui ne voyageront plus dans les pays musulmans iront ailleurs, dans les "îles d’or", en Asie, etc. Les nouvelles destinations n’éliminent les anciennes que pour des raisons politiques, car le nombre d’entrées touristiques internationales multiplié par 3 depuis 10 ans (1 milliard en 2012) crée de nouveaux pôles récepteurs mais n’efface pas les autres. Hormis le domestic tourism des touristes internes (propres à leur pays), touchés par la crise et donc plus versatiles, le tourisme international augmente en même temps que ladite classe moyenne supérieure mais aussi par effet d’imitation. On le voit bien pour la Chine qui est devenu le premier pôle émetteur du tourisme international, car cette activité fait partie des signes les plus visibles de l’ostentation économique.

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