Rien que d'y penser vous tord l'estomac : mais pourquoi ce collègue de bureau est-il si méchant ?<!-- --> | Atlantico.fr
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"Les personnalités adeptes de la torture psychologique présentent en général deux caractéristiques parfaitement identifiables : le narcissisme et le pessimisme."
"Les personnalités adeptes de la torture psychologique présentent en général deux caractéristiques parfaitement identifiables : le narcissisme et le pessimisme."
©Reuters

Bonnes feuilles

Et si les managers n'avaient pas intérêt à mettre le couvercle sur le bouillonnement incessant de rumeurs, méchancetés, railleries et autres tortures psychologiques qui sévissent dans leurs équipes ? Extrait de "Eloge de la critique et des jeux de pouvoir en entreprise" (2/2).

Laurence  Bourgeois

Laurence Bourgeois

Diplômée de l'Université Paris IX-Dauphine, Laurence Bourgeois travaille depuis plus de quinze ans au sein de Directions des Ressources Humaines de groupes soumis à de profonds remaniements. Elle s'est avant tout appuyée sur son vécu pour nous livrer cet ouvrage, qui bouscule les idées reçues et vise à redonner à l'esprit critique ses lettres de noblesse. Elle est l'auteur d'autres ouvrages publiés aux Éditions Eyrolles.

 

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« La personnalité, c’est l’ensemble des traits psychologiques, émotionnels et comportementaux qui nous rendent uniques, différents des autres ». Tout dépend ensuite de la façon dont ces caractéristiques sont utilisées par une personne donnée pour faciliter (ou non) l’adaptation à son environnement.

Les personnalités adeptes de la torture psychologique présentent en général deux caractéristiques parfaitement identifiables : le narcissisme et le pessimisme.

Des Narcisse en puissance : « Miroir, mon beau miroir… » Avez-vous remarqué que les individus délétères et médisants commencent bien souvent leurs phrases par « Moi, je » ? En réunion, ils tirent irrésistiblement la couverture à eux. Quand ils croisent leurs pairs ou leur chef dans les couloirs, ils s’arrangent pour mettre en avant leurs plus beaux atouts, convaincus de leur supériorité sur leurs collègues. Nous en avons tous déjà croisé, des individus dont l’humilité est loin d’être la qualité première et qui se comportent comme Narcisse. La personnalité narcissique présente donc de grandes similitudes avec l’état d’esprit manichéen décrit précédemment. En effet, partant du principe que lui seul est susceptible d’être admiré, Narcisse considère comme supérieur et parfait tout ce qui émane de son être : son image, ses pensées, ses idées, ses propos, etc. Il n’y a que lui qui sait ; les autres sont des bons à rien. Son leitmotiv au travail ? « Je vous l’avais bien dit ! J’avais raison ! » Observez avec attention ceux chez qui vous décelez une tendance narcissique : vous vous apercevrez que, contrairement aux apparences, ils n’ont pas forcément une bonne image d’eux-mêmes. Le fait de se regarder le nombril à longueur de journée et de jeter à la figure de leurs interlocuteurs leur ego démesuré cache souvent une profonde dévalorisation de soi.

Pour sauver les apparences, ils portent un masque et se réfugient dans l’accusation des autres. Au point que, « peu à peu, la personne authentique tend à se dissoudre dans le personnage public, à ne plus faire que jouer un rôle (on se comporte comme on pense que les autres attendent que l’on se comporte) et à se limiter à ce rôle : d’où un appauvrissement de son authenticité, un côté factice ».

Profondément pessimistes : « Noir, c’est noir… » « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté » (Winston Churchill) L’enthousiasme et la bonne humeur ne sont pas les qualités premières caractérisant les délateurs et les fervents adeptes des jeux de pouvoir. Lorsque vous les croisez dans les couloirs puis qu’ils viennent s’épancher dans votre bureau, ils ont plutôt l’air d’être mécontents et insatisfaits de tout. Ils présentent la fâcheuse tendance à voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein, car ils perçoivent les personnes, les événements et la vie en général, à travers des filtres négatifs. « Le pessimisme consiste à toujours préférer [une] certitude négative à l’incertitude », rappelle Christophe André. Consciemment ou non, ils ne retiennent donc que certaines informations, toujours les plus négatives. Le positif, ou tout ce qui pourrait être considéré par d’autres comme une lueur d’espoir, est minimisé, voire oublié. Faites le test ! Sur les cinq derniers jours que vous avez passés au travail, combien de vos collègues vous ont tenu ce genre de propos, à la fois élogieux et sincères : « Je trouve ton projet très intéressant », « Comment as-tu fait pour réunir tant d’invités à ce congrès ? », « Ta présentation était très claire et très adaptée à l’auditoire, bravo ! », etc. ? Je pense que vous pouvez les compter sur les doigts de la main… En revanche, celles et ceux pour qui « Jamais ça ne marchera », « Ça ne durera pas » ou « Ne nous réjouissons pas trop vite », sont généralement bien plus nombreux ! Ces oiseaux de mauvais augure établissent des prédictions selon un processus en trois étapes :

– Avant l’action : « À quoi bon mettre en place ce nouveau logiciel de gestion ? Les managers n’y adhéreront jamais ! »

– Pendant l’action : « Regardez-le, celui-là : il n’est même pas capable de remplir correctement le fichier clients ! »

– Après l’action : « Franchement, c’est nul. Si c’était pour en arriver là, on aurait très bien pu utiliser Excel… »

Ces machines à fabriquer du négatif triomphent lorsque leurs prédictions se réalisent. C’est alors avec délice qu’elles concluent par un : « Je l’avais bien dit ! » (leitmotiv favori des pessimistes narcissiques). La critique représente un exutoire à leur mal-être.

Faits et gestes révélateurs

La description du monde fourbe et féroce de l’entreprise touche à sa fin. L’objectif de ce chapitre n’a pas vocation à faire de vous de parfaits anthropologues, dont la mission consisterait à observer à longueur de journée vos collègues sous toutes les coutures, pour en faire ensuite des sujets d’étude. Mon intention consiste plutôt à vous indiquer comment, d’un simple coup d’oeil, repérer vos collègues les plus toxiques, afin d’agir en conséquence.

Déséquilibre

« Beaucoup de jeux sont pratiqués le plus intensément par des gens déséquilibrés ; en règle générale, plus ils sont déséquilibrés, plus ils jouent avec intensité », expliquait le père fondateur de l’analyse transactionnelle, employant alors la notion de « déséquilibre » au sens figuré. Je vous propose de nous intéresser ici au sens propre du terme, défini par le dictionnaire Larousse comme « l’absence d’équilibre ou la perte de l’équilibre, d’une position stable », et comme le « manque de proportions, d’harmonie, de concordance ». Observez bien les individus diffuseurs de reproches, de propos malveillants et de ragots : ils sont en déséquilibre. Passant le plus clair de leur temps de travail à traquer chez leurs collègues la moindre erreur ou imperfection, ils sont, de facto, avant tout centrés sur l’autre (même si, en réalité, ils ne s’en préoccupent pas le moins du monde !). Ils n’envisagent que trop rarement de se poser, de prendre du recul et de se recentrer sur eux. On aurait envie de leur crier : « Occupez-vous de vous ! Balayez d’abord devant votre porte ! » Ils ignorent sans doute l’un des grands principes que nous enseigne le marketing, selon lequel parler des autres, en négatif comme en positif, leur fait immanquablement de la publicité. C’est la raison pour laquelle les responsables marketing insistent pour que les équipes commerciales se concentrent prioritairement sur les avantages des produits dont elles font la promotion, plutôt que de dénigrer les produits concurrents…

Le déséquilibre de ces « tordus » est facilement identifiable : lorsqu’ils passent à l’attaque, ils adoptent une position corporelle légèrement penchée, approchant leur bouche de l’oreille de leur interlocuteur pour y chuchoter des horreurs (on ne sait jamais, si les murs avaient des oreilles !). Ce faisant, ils se décentrent de leur axe de verticalité. Et dans la mesure où « il est […] plus difficile de jouer un jeu tortueux avec un corps droit », une bonne méthode pour ceux qui ne souhaitent pas entrer dans le jeu ou donner la réplique consiste à rééquilibrer son corps, en se tenant, debout ou assis, bien droit, les pieds solidement ancrés dans le sol, les épaules baissées, la tête relevée et le menton parallèle au sol.

Un langage à décrypter

Celles et ceux dont l’objectif principal consiste à se valoriser et à briller dans les yeux de leurs collègues ou de leurs clients ne se contentent pas de communiquer efficacement ; ils vont bien plus loin. Leur degré de maîtrise des expressions à la mode est incomparable. Aucune formulation valorisante et ampoulée ne leur échappe. Ils connaissent parfaitement tous les acronymes de leur environnement de travail. Comme on dit vulgairement, « ils en jettent » et c’est pour eux une bonne façon de garder ou de gagner du pouvoir.

Quand le non verbal en dit long

Tous les manuels de communication nous l’enseignent : dans un échange interpersonnel, le non-verbal représente environ 70 % de toute la communication. Cela signifie que ce que nous sommes en dit bien plus long à nos interlocuteurs que ce que nous disons ou que ce que nous faisons. Ainsi, un haussement d’épaules, un froncement de sourcils, un regard fuyant, un ton qui se durcit, des gestes saccadés ou un sourire en coin sont autant de signes qui agrémentent notre discours et influent sur le sens de nos messages. Le ton employé est également très révélateur. Ainsi, certaines phrases peuvent-elles paraître a priori flatteuses, mais pour peu qu’elles soient dites avec dédain ou d’un air moqueur, elles se transforment alors en stimuli négatifs visant avant tout à dévaloriser l’autre.

Exemple : « C’est vraiment une belle réunion que tu nous as organisée là », lance Maxime à son collègue en ricanant… Un autre moyen de détecter les nuisibles consiste à s’attacher à repérer les incongruences. Sous ce terme quelque peu barbare se cache un décalage entre l’apparence externe d’une personne et son discours. Être congruent, c’est jouer sans fausses notes. Une personne congruente, par exemple, ne tient pas de propos sarcastiques en souriant ou de propos élogieux en faisant la grimace. Parfois, l’incongruence peut être difficile à repérer, par exemple quand les abus verbaux s’accompagnent d’intonations doucereuses ou de sourires à peine visibles.

Poussez encore un peu plus votre observation : vous remarquerez que vos collègues les plus délétères sourient rarement de façon sincère et authentique. Lorsqu’ils se plaignent, l’expression de leur visage inspire la mélancolie ou la résignation. Lorsqu’ils sèment à tout vent les rumeurs les plus folles, leurs yeux pétillent de malice. Lorsqu’ils passent à l’attaque, leur visage se crispe. La jalousie qui les anime s’exprime souvent de façon agressive : « Comment cet incompétent a-t-il pu avoir une augmentation de salaire supérieure à la mienne ? » Quand ces pessimistes narcissiques se livrent à la critique, leur unique objectif consiste à tenter de se mettre coûte que coûte en avant pour être reconnus et exister dans le regard de l’autre.

Extrait de "Éloge de la critique et des jeux de pouvoir en entreprise", Laurence Bourgeois, (Eyrolles Editions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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