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Redécoupage électoral : comment la majorité va réussir l'exploit de diviser le nombre de cantons par deux tout en augmentant le nombre de ses élus
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A la hache

Le sénateur UMP Eric Doligé expose ce mercredi à l’occasion d’une conférence de presse les principes démocratiques et juridiques que le découpage cantonal devra respecter pour qu’il ne constitue pas une confiscation politique des territoires au profit d’un seul parti.

Éric  Doligé

Éric Doligé

Éric Doligé est sénateur UMP de la 2e circonscription du Loiret. Il est également président du Conseil général du Loiret.

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Vous organisez ce mercredi au Sénat une conférence de presse sur le thème "Un découpage sur mesure ?", avec les présidents de Conseils généraux de droite et du centre pour dénoncer le projet de redécoupage des cantons de la majorité. En quoi ce projet va-t-il consister exactement ? 

La loi du 17/05/13 relative à l'élection des conseillers départementaux va mettre en place un nouveau scrutin, le scrutin " binominal", qui va entre autre conduire au redécoupage de la totalité des cantons qui composent le territoire national (4030 actuellement).

Si un redécoupage était rendu nécessaire depuis plusieurs années afin de respecter la constitution qui précise que la voix d'un électeur sur un même territoire ( ici le département ) doit avoir le même poids électoral en tous points de ce territoire, le mode choisi par le gouvernement lui donne toute liberté de découper à sa guise. 

Le principe va être le suivant :

Le nombre de cantons actuel divisé par 2, arrondi à l'entier supérieur = nombre de cantons futurs.

Exemple  : un département de 41 cantons divisé par 2 = 20,5, arrondi à 2.

Pour avoir le nombre de conseillers généraux, on multiplie par 2 :

Dans le cas ci-dessus, 21 cantons multiplié par 2 = 42 conseillers généraux pour 41 actuellement.

Le tour de force est d'arriver à augmenter le nombre d'élus au plan national d'environ 50 au lieu de le diminuer. A titre de rappel, le Conseiller territorial voté sous le précédent gouvernement avait entre autre le grand avantage d'en diminuer leur nombre par 2 (et de faire passer leur nombre à 2000).

Le système actuel va augmenter dans les départements très petits (100 000 h) le nombre de Conseillers territorial, puisqu'il sera porté à 30 conseillers pour 23 ou 24 actuellement, alors que dans un département de 1 millions d'habitants, on n'aura que 50 à 60 conseillers départementaux.

Le découpage se fera selon un seul critère : la population, et pourra s'affranchir des territoires (cantons actuels, communautés de communes, circonscriptions, arrondissements...) 

"Un scrutin binomal paritaire" va également être créé. De quoi s’agit-il ?

Chaque nouveau canton dont la population sera égale à la population départementale divisée par le nombre de cantons + ou - 20% aura deux conseillers généraux qui formeront un couple de sexe opposé pour permettre d'atteindre la parité parfaite.

Si l'on reprend l'exemple ci-dessus : 650000h / 42 = 31000. Taille minimum : 25000. Taille maximum : 37000.

Avant, un canton de 15 communes avait 1 conseiller général.

Après, le canton aura 30 communes et 2 conseillers départementaux. Ainsi, le maire aura un interlocuteur de plus et les conseillers qui ne seront plus liés au lendemain de l'élection auront deux fois plus de maires à gérer. Soit plus de simplification et de transparence !

Quelles vont être les conséquences de ce redécoupage sur les territoires ?

Un nombre plus grand d'interlocuteurs, un manque de visibilité et la mort du rural et de l'aménagement du territoire. Ce texte est par essence "ruralicide". Le nombre de cantons ruraux va fondre considérablement à l'avantage d'une forte augmentation des cantons urbains. Dans beaucoup de départements à dominante rurale avec un ou deux grands centres urbains, les cantons ruraux vont être regroupés par 2, 3 voire 4 pour augmenter d'autant le nombre de cantons urbains. Les départements dont le rôle est de permettre d'équilibrer les territoires et de maintenir les territoires ruraux ne pourront plus assumer cette responsabilité.

Peut-on parler d’un découpage purement politique ? La gauche cherche-t-elle à consolider son ancrage local ?

Cette volonté du gouvernement est évidente. Il a refusé tous les amendements qui auraient permis d'encadrer les tentations politiques. Le redécoupage est en totalité entre les mains de la rue de Solferino. Les premières cartes officieuses qui ont été vues dans certains départements montrent à l'évidence la manière dont les ciseaux ont été utilisés. L'objectif est clairement pour la majorité : comment consolider là où je suis majoritaire et comment inverser là où je suis minoritaire ?

L'ancrage de la gauche va ainsi être renforcé. Auparavant, gagner un canton faisait gagner un siège et augmentait donc la différence de deux. A présent, le gain d'un canton va permettre de creuser l'écart de 4. Lorsque l'on sait que de nombreux départements se jouent à quelques sièges, il sera aisé de conforter et de faire basculer une majorité.

Les premiers exercices de découpage, s'ils ne sont pas dénoncés dans l'analyse des résultats anciens, peut donner au minimum 80 départements sur 100 à la majorité au lieu de 60 aujourd'hui.

La droite avait également procédé à un redécoupage électoral, notamment des circonscriptions législatives. Le redécoupage électoral semble être "une tradition" en cas d’alternance.

Oui, mais à ce jour à la marge. Depuis la création des cantons, il y a plus de deux cents ans, il n'y avait eu que quelques légers aménagements qui n'ont jamais eu d'impact politique. Pour les circonscriptions les derniers découpages de 2011 avaient pour but de coller à la constitution. Ils ont dû concerner une faible partie des départements où la constitution obligeait à rééquilibrer en raison des évolutions de population. Mais cela ne s'accompagnait pas d'un changement simultané de mode électoral qui permet toutes les manipulations.


Ce type de "cuisine électorale" a-t-il vraiment une incidence sur le résultat des scrutins ? 

Dans le cas présent, cela va être évident. L'exercice démontre en tenant compte des résultats des dernières élections cantonales, municipales, législatives et présidentielles qu'en fonction du trait de ciseau, l'on peut aisément avec l'absence de règles précises, inverser une majorité confortable des 2/3 dans un département vers une minorité.

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