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De plus en plus de jeunes deviennent accrocs au numérique.
De plus en plus de jeunes deviennent accrocs au numérique.
©Reuters

Série : Nouvelles addictions

Série addiction épisode 4 : une chaîne d'hôtel irlandaise propose un séjour sans internet : les clients déposent leurs smartphones et autres tablettes à l'accueil en début de séjour. Les cures de "désintoxication numérique" se multiplient. A l'heure où le smartphone est roi, une vie sans internet est de plus en plus impossible.

Dan Véléa

Dan Véléa

Le Docteur Dan Véléa est psychiatre addictologue à Paris.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur les addictions, dont Toxicomanie et conduites addictives (Heures-de-France). Avec Michel Hautefeuille, il a co-écrit Les addictions à Internet (Payot) et Les drogues de synthèse (PUF, Que sais-je ?, Paris, 2002).

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Atlantico : Des thérapies d'un nouveau genre font leur apparition : les cures contre l'addiction aux nouvelles technologies. Quelle proportion de la population pourrait être concernée par la e-dependance ? Quels sont les profils les plus vulnérables ?

Dan Véléa : S'il s'agit surtout des jeunes, on voit apparaître toutes les classes d'âges. Dans les profils de cyberdépendants, on retrouve beaucoup de quête identitaire (à travers les avatars des jeux vidéo), des refuges par rapport au mal être quotidien (solitude, incompréhension et non reconnaissance) mais l'une des constantes est l'incapacité de gérer l'ennui au quotidien. Cette dimension est largement commune à nos patients qui sont frustrés face à l'inaction, l'absence de stimulation et cherchent ainsi à se stimuler dans des situations virtuelles. La e-dépendance apparaît souvent comme une forme d'autogestion, de "coping" (manière de faire face de l'anglais to cope with, NDLR) d'un quotidien difficile. Ainsi les personnes vivant mal leur solitude se retrouvent sur les réseaux sociaux à la recherche d'amitiés virtuelles mais aussi pour être reconnues. Beaucoup d'adultes découvrent les sites de rencontre et focalisent leur activité sur ce type de relations virtuelles.

Pour en savoir plus sur les nouvelles addictions retrouvez notre dossier qui y est consacré par ici.

Comme profils vulnérables, dont il convient de faire un diagnostic psychiatriques on retrouve des phobiques sociaux, des troubles anxio-dépressif, mais aussi des jeunes présentant des troubles plus graves (des troubles identitaire ou des dépersonnalisations qui doivent nous inciter à vers une prise en charge spécifique - dans ces situations ce qui apparaît comme une addiction est en réalité un symptôme de troubles beaucoup plus graves). 
Un aspect très inquiétant reste la violence, surtout dans des jeux vidéo, car souvent dans des passages à l'acte grave, la plupart des jeunes apparaissent accros aux jeux vidéo violents. L'amalgame est vite créé entre jeux vidéo violents et la violence de ces jeunes, mais on doit se poser la question non dans le sens d'un conditionnement par la violence mais plutôt de la banalisation de la violence dans les jeux comme dans tous les autres média, dans les discours de société.

Ces cures proposent donc de faire un séjour 100% off-line, sans internet ni connexion. Quel accompagnement devrait par ailleurs être envisagé ? Avec quel suivi psychologique ?

Il y a quelques années, on a vu en Chine l'apparition des camps de rééducation par le travail - baodaï - dont le projet thérapeutique était le décrochage brutal des jeux vidéo. Les résultats ont été en deçà des attentes. Il ne suffit pas d'isoler les patients pour une durée X, il faut mettre en place un véritable travail lors de ces cures, mais surtout les aider, dans la plupart des cas à se (re)construire psychiquement. Il faut aussi les aider et accompagner après ces cures, avec un projet de vie, avec la réinscription dans des activités quotidiennes. En termes de suivi psychologique, se sont les thérapies cognitivo-comportementalistes qui ont fait la preuve de leur efficacité. 

Sachant que les nouvelles technologies sont présentes partout, comment par la suite ne pas replonger ? Ces addictions sont-elles amenées à progresser dans les années qui viennent ?

Apprendre à gérer ses pulsions, le stress et les frustrations liées à la privation font partie du travail psycho-thérapeutique. Il est utopique dans une société moderne d'imaginer l'abstinence totale face aux outils informatiques (ordinateurs mais aussi smartphones). Il faut apprendre aux patients comment contrôler ces pulsions et comment remplir le vide qui apparaît dans le contexte d'absence de support virtuel.

Dans un contexte d’essor technologique hard et soft, les addictions sont amenées à progresser oui.

 Propos recueillis par Manon Hombourger

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