La commission d'enquête sur Cahuzac est-elle autre chose qu’une perte de temps et d’énergie ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La commission d’enquête parlementaire sur l’action du gouvernement pendant l’affaire Cahuzac a commencé ses auditions mardi
La commission d’enquête parlementaire sur l’action du gouvernement pendant l’affaire Cahuzac a commencé ses auditions mardi
©Reuters

Que la lumière soit faite

La commission d’enquête parlementaire sur l’action du gouvernement pendant l’affaire Cahuzac a commencé ses auditions mardi et devra notamment trancher sur l'attitude du ministre de l'Economie.

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan est docteur en science politique. Il est chargé de cours au Centre National de la Fonction Publique Territoriale, et à l’Institut Supérieur de Management Public et Politique.  Il a publié en 2010 Culture Territoriale chez Gualino Editeur,  Droit constitutionnel et gouvernances politiques, chez Gualino, septembre 2014, Développement durable des territoires, (Gualino) en 2016, Culture territoriale, (Gualino) 2016 et En finir avec le Président, (Editions François Bourin) en 2017.

 

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Le Parlement a la possibilité dans le cadre de sa mission de contrôle, de créer des commissions d’enquête. Elles sont composées de trente membres au plus, désignés à la proportionnelle des groupes. Elles peuvent procéder à des auditions et les témoins sont tenus de s’y rendre. Leur rapporteur est habilité à effectuer des missions sur pièces et sur place. Les faux témoignages sont passibles de poursuites.  À l’issue de leurs travaux, dont la durée ne peut pas excéder six mois, elles établissent un rapport destiné à être publié, sauf décision contraire.

La revalorisation des commissions d’enquête doit permettre au Parlement, à l’instar de la pratique anglo-saxonne, de mieux exercer sa fonction de contrôle de l’exécutif. La révision du 23 juillet 2008 améliore les droits de l’opposition, puisqu’elle peut proposer l’instauration d’une commission d’enquête une fois par session – seulement si 3/5e des députés ne s’y opposent pas. Lors des 13e et 14e législatures à l’Assemblée nationale, sur 10 commissions, 7 ont été initiées par un groupe d’opposition. Mais des sujets difficiles ont été évités (sondages de l’Élysée) et le nombre de rapports par an reste faible…

Une commission d’enquête ne peut être initiée sur un sujet faisant l’objet de poursuites judiciaires. Voici pourquoi  l’UDI pousse dans "l’affaire Cahuzac", à la création de la commission devant déterminer s'il y a eu "d'éventuels dysfonctionnements" à la tête de l'Etat, et si l'administration fiscale a été instrumentalisée afin de blanchir l'ancien ministre du Budget. Il ne s’agit donc pas d’enquêter sur la fraude.

Les débats ont commencé et les questions se posent : sur la lenteur des services de Bercy (peut-être informé depuis 2001) ; sur le traitement du dossier par le ministre de l’Economie et des finances (la question posée à UBS est biaisée selon E. Plenel) ; et enfin, sur l’information préalable de Matignon et de l’Élysée. Sur la défensive, le pouvoir politico-administratif assure de sa réactivité exemplaire et de sa transparence, dès les faits dévoilés. Quant à nombre de journalistes, ils souhaitent des progrès en la matière et notent ici ou là, les lacunes et les doutes pesant sur le degré d’information préalable de l’exécutif.

Jérôme Cahuzac a indiqué avoir menti au Président. Ce dernier ne sera pas auditionné par la commission d’enquête, mais certains de ses collaborateurs le pourraient. Bien des informations circulent, indiquant que depuis le milieu des années 2000, droite et gauche disposaient d’éléments sur des pratiques de l’ancien chirurgien, pouvant poser des problèmes judiciaires. Mais nombreux sont les acteurs sur lesquels circulent des informations toujours contradictoires… Les échanges de la commission vont permettre de conférer un caractère plus public et solennel aux témoignages. Les travaux de la commission peuvent d’ailleurs occasionner la transmission de nouvelles données au ministère de la Justice aux fins d’ouverture d’une enquête judiciaire ; ou la commission peut saisir le parquet, en application de l’article 40 du code de procédure pénale.

Les commentaires médiatiques vont eux se poursuivre, les mises en cause des uns et des autres aussi, et par effet de halo, elles pourraient conduire à une déstabilisation de l’organisation actuelle de Bercy. Le pouvoir va devoir sans doute à nouveau se justifier, voire agir (remaniement substantiel ?). Politiquement, le président rappellera inlassablement qu’il a préféré se fier au témoignage d’un "ami" politique l’assurant de son innocence, plutôt qu’aux accusations alors non prouvées, colportées par des membres de l’opposition. Dès les preuves connues, sa réaction a été immédiate. En l’état actuel des informations disponibles, sa déstabilisation constitutionnelle sur le mode de la responsabilité d’exception (manquement grave à ses devoirs) est peu envisageable : sur quoi la fonder ?

De façon plus substantielle, la procédure aura une utilité si le rapport propose de nouvelles exigences, afin d’améliorer le schéma décisionnel interne à l’administration à initier, dès lors que ses chefs (aussi bien politiques que fonctionnaires) sont concernés par des questions de ce type. Mais une marge de manœuvre existe-t-elle vraiment ?

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