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L'Algérien Nabil Hadjarab est, bien qu'il n'ait été ni inculpé, ni jugé, toujours détenu sur la base américaine de Guantanamo.
L'Algérien Nabil Hadjarab est, bien qu'il n'ait été ni inculpé, ni jugé, toujours détenu sur la base américaine de Guantanamo.
©Reuters

Casse-tête

Alors que Barack Obama a promis une nouvelle fois de fermer Guantanamo, 166 détenus, dont 55 ont été déclarés "libérables", sont toujours détenus dans la prison américaine située sur l'île de Cuba.

Alain Chouet

Alain Chouet

Alain Chouet est un ancien officier de renseignement français.

Il a été chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE de 2000 à 2002.

Alain Chouet est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l’islam et le terrorisme. Son dernier livre, "Au coeur des services spéciaux : La menace islamiste : Fausses pistes et vrais dangers", est paru chez La Decouverte en 2011.

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Atlantico : "Libérable" depuis 2007, l'Algérien Nabil Hadjarab est, bien qu'il n'ait été ni inculpé, ni jugé, toujours détenu sur la base américaine de Guantanamo. Comment l'expliquer, notamment au plan juridique ?

Alain Chouet : Il n'y a rien à expliquer sur le plan juridique. Le centre  d'incarcération situé dans la base militaire américaine de Guantanamo à Cuba est une zone d'absolu non-droit où les Etats Unis se réservent le privilège de détenir hors de tout cadre légal interne ou international tout étranger qualifié par l'armée américaine "d'ennemi combattant", notion échappant à toute définition admise par le système judiciaire américain ou les conventions internationales.

Nabil Hadjarab a fait part de son souhait de rejoindre la France. Quels sont les enjeux soulevés par son cas ?

Alain Chouet : Nabil Hadjarab n'a pas la nationalité française même si il a longtemps vécu en France et si une grande partie de sa famille a été naturalisée. Dans ces conditions, la France n'est nullement tenue juridiquement de l'accueillir sur son sol comme elle l'a fait pour les détenus français du centre de détention de Guantanamo. Pour les autorités françaises, céder sur ce principe serait ouvrir la porte à une possible expulsion vers la France d'autres détenus non français. D'autant que l'expérience à prouvé, lors du rapatriement des détenus français que les autorités américaines exigeaient que les détenus qu'ils n'avaient pu juger chez eux soient jugés dans leur pays d'accueil. Cette exigence ouvre la porte à des risques terroristes dans les pays qui se plient à cette exigence.

D'autres détenus sont-ils aujourd'hui dans des situations similaires ? Comment expliquer que les Etats soient si réticents à l'idée d'accueillir d'anciens détenus de Guantanamo ?    

Alain Chouet : L'administration Bush a martelé pendant des années que si des gens se retrouvaient à Guantanamo, c'est nécessairement parce qu'ils étaient de dangereux terroristes. Traumatisée par les attentats du 11 septembre, l'opinion publique américaine ne veut donc pas que ces gens se retrouvent sur le sol américain quelle que soient la réalité des accusations portées contre eux.

Sur les 600 et quelques prisonniers qui ont été incarcérés à Guantanamo, deux ou trois dizaines au plus appartenaient réellement à des groupes terroristes. Les autres étaient soit de simple sympathisants soit des gens qui se trouvaient au mauvais endroit et au mauvais moment. Grâce aux bons offices d'un certain nombre de responsables politiques européens, asiatiques ou arabes, 400 d'entre eux ont pu être évacués soit vers leur pays d'origine soit vers des pays "neutres" qui ont bien voulu les accueillir, souvent moyennant finances. Il en reste aujourd'hui environ 160 dont personne ne veut mais dont à peine une vingtaine sont "présentables" devant un tribunal tant les accusations portées contre les autres sont inconsistantes.

Quelles sont les voies de sortie envisageables pour ces détenus dans la cas où la base viendrait à fermer, comme Obama l'a promis ?  La situation semble bloquée pour le président Obama entre la position du congrès qui refuse tout transfert sur le sol américain et son propre veto au retour dans leur pays d'origine pour les détenus. La situation peut-elle évoluer ? A quelles conditions?

Alain Chouet : La situation est effectivement complètement bloquée. L'administration Obama - qui avait annoncé son intention de fermer Guantanamo dès 2009 - en est réduite à repousser indéfiniment l'échéance. Les récents attentats de Boston ne peuvent que renforcer la détrmination du Congrès et de l'opinion publique à refuser tout transfert vers le territoire américain. La quasi totalité des détenus "exportables" l'a été. Restent ceux qui  pour des raisons diverses - comme Nabil Hadjarab -, ne peuvent être rapatriés ni vers leur pays d'origine où leur sécurité serait menacée, ni vers un pays d'accueil qui accepterait de les recevoir. 

Au sein de la communauté internationale, rares sont maintenant les pays qui acceptent de sortir les Etats Unis du guêpier dans lequel ils se sont mis tous seuls. Ou alors la facture sera lourde en termes financiers, politiques ou les deux...., facture qu'il faudra justifier devant le Congrès. Et il restera le problème de la vingtaine d'authentiques terroristes dont, à l'évidence, personne ne voudra et qu'il sera impossible d'amener sur le territoire des Etats Unis pour les juger.... Ce n'est pas demain que Guantanamo fermera.

Propos recueillis par Nicolas Hanin

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