Bercy a besoin d’un patron, soit. Mais qui est taillé pour le job?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Laurent Fabius a déclaré hier mardi que "Bercy a besoin d'un patron".
Laurent Fabius a déclaré hier mardi que "Bercy a besoin d'un patron".
©Reuters

Portrait robot

Laurent Fabius a déclaré mardi que "Bercy a besoin d'un patron", soutenant les déclarations de Ségolène Royal sur la nécessité de restructurer le ministère de l'Economie et des Finances. Reste à savoir qui a vraiment les épaules pour tenir ce rôle majeur parmi les troupes du PS.

Laurent  Fargues

Laurent Fargues

Laurent Fargues est rédacteur en chef adjoint du magazine et du site Internet Acteurs publics, média spécialisé dans l’analyse des politiques publiques et l’actualité de la fonction publique. Il est l’auteur, avec Thomas Bronnec, de l’ouvrage Bercy, au cœur du pouvoir — Enquête sur le ministère des Finances (Denoël, 2011).

 

Voir la bio »

Atlantico : Laurent Fabius a déclaré hier matin : " Bercy a besoin d'un patron, là vous avez plusieurs patrons et quelle que soit la qualité des hommes et des femmes et leur degré d'entente je pense qu'une coordination plus forte serait utile". De plus Ségolène Royal a clairement déclaré qu'une "restructuration de Bercy" était nécessaire. Quel type de profil est le plus adapté à diriger le ministère de l'Economie ? Quelles sont les qualités requises pour ce poste clé du gouvernement ? Quels sont les principaux obstacles à surmonter, les embûches à éviter ?

Laurent Fargues : Lorsque Laurent Fabius déclare qu’il faut un patron à Bercy, il milite pour que le ministère soit dirigé par un seul ministre fort et non deux comme c’est le cas aujourd’hui avec Pierre Moscovici, ministre des Finances, et Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif. Sous Nicolas Sarkozy, certains parlementaires UMP critiquaient déjà le découpage du ministère en deux : d’un côté un ministre des comptes publics et de l’autre un ministre de l’Economie. A l’inverse, lorsque Laurent Fabius était à Bercy, il avait hérité du super Bercy de Dominique Strauss-Kahn avec toutes ses prérogatives : budget, impôts, développement économique, questions bancaires, négociations européennes, etc. Ce modèle a l’avantage de mettre toutes les manettes de la politique économique dans les mains d’un seul et facilite la cohérence et la lisibilité de l’action.

Cela étant, sur le plan administratif, Pierre Moscovici est le vrai patron de Bercy puisque toutes les grandes directions sont placées sous ses ordres. Arnaud Montebourg n’a autorité directe que sur la direction générale de l’industrie et des services. Ce qui donne l’impression d’un Bercy à deux têtes est le fort poids politique et médiatique du ministre du Redressement productif. Il représente l’aile gauche du PS et se trouve en première ligne sur des sujets très médiatisés : les plans sociaux, le sauvetage des entreprises en difficulté, le devenir des entreprises publiques.

Le problème, c’est que cela donne la sensation qu’il y a deux lignes : une plus libérale incarnée par Moscovici, et une plus interventionniste incarnée par Montebourg. Cela porte préjudice à la lisibilité de la politique économique pour les Français, les autres pays européens, voire les marchés financiers. La cacophonie ne vient pas tant du nombre de ministres que des différends idéologiques entre les deux poids lourds du ministère.

Mais ce schéma permet aussi à François Hollande de ménager la diversité de son électorat, de se placer en arbitre et d’éviter un Bercy trop puissant. Par le passé, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy se méfiaient déjà de ce ministère, qui est l’un des plus puissants de la République.

Le bon ministre des Finances ce n’est pas forcément un chef d’entreprise ou un économiste. Lorsqu’on regarde les expériences passées, l’ancien patron Francis Mer commandait bien l’administration mais n’avait pas de poids politique, tout comme l’économiste Edmond Alphandéry, qui n’a pas laissé de trace durable de son passage. Le ministre des Finances est celui qui alerte sur les dépenses publiques et défend des choix parfois douloureux. Il doit avoir un vrai poids politique, c’est-à-dire qu’il doit représenter quelque chose dans son parti pour imposer ses vues. Il ne doit pas craindre de dire "non" à ses collègues du gouvernement.

Mais le ministre des finances n’a pas besoin d’être un économiste. Son administration ultra-compétente lui apportera toute l’expertise dont il a besoin. Le piège pour lui est plutôt d’oublier le programme politique de son parti pour reprendre uniquement les propositions de l’administration. Le ministre doit s’appuyer sur son administration pour mettre en œuvre le programme du président de la République et du gouvernement. Ses idées ne doivent pas venir, ou pas uniquement, de l’administration. Il ne doit pas se laisser phagocyter par elle.

Dans l'éventualité d'un remaniement, quelle est la personnalité politique qui, à l'heure actuelle, serait la mieux taillée pour le poste ? Et pour quelles raisons ?

Après l’affaire Cahuzac, Pierre Moscovici parait affaibli. Il est aujourd’hui taclé par Fabius et Royal. Cependant, rien ne dit qu’il a perdu la confiance de François Hollande. Il était son directeur de campagne et ils ont donné il y a plusieurs années des cours de politique économique à Sciences Po ensemble. S’il devait être remplacé, je ne pense pas que Laurent Fabius, qui a déjà occupé le poste, serait sur les rangs. On évoque le nom de Louis Gallois, mais François Hollande ne croit pas trop aux personnalités issues de la société civile qui deviennent ministre. Je crois davantage à des personnalités comme Pascal Lamy, l’actuel directeur de l’OMC, qui a un profil plus politique, Gérard Collomb, le maire de Lyon, ou Karine Berger, députée et économiste.

Dans l'histoire de Bercy, quels sont les ministres qui ont fait date à ce poste ? Qu'avaient-ils de plus que les autres ?

Parmi les nombreux ministres qui se sont succédés à Bercy, on retient Edouard Balladur, qui a opéré de nombreuses privatisations de 1986 à 1988, Pierre Bérégovoy, qui a impulsé la désinflation compétitive et la libéralisation des marchés financiers, Dominique Strauss-Kahn, qui a accompagné les 35 heures et les emplois jeunes, Laurent Fabius, qui a amorcé les baisses des impôts en 2000. Christine Lagarde restera comme la première femme ministre des Finances et celle qui a incarné la réponse internationale à la crise financière de 2008.

Propos recueillis par Manon Hombourger

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !