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3D : comment ça marche ?
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Cinéma

Tout le monde en parle, mais qui peut réellement expliquer comment fonctionne la 3D au cinéma ? Rodolphe Chabrier dirige la société d'effets spéciaux Mac Guff et nous explique en détail la façon dont sont tournés les films en 3D, d'Avatar à Titeuf.

Rodolphe Chabrier

Rodolphe Chabrier

Rodolphe Chabrier est superviseur des effets visuels et co-fondateur de Mac Guff.

Mac Guff est l'un des principaux studios de création d'effets visuels numériques en Europe. On lui doit notamment les effets visuels de "Moi, moche et méchant" et dernièrement de "Titeuf, le film" sorti le 6 avril. 

 

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Atlantico : Concrètement, qu'est-ce que la 3D ?

Rodolphe Chabrier : Il est communément admis d’associer « 3D » et « cinéma en relief », alors que la 3D est d’abord synonyme d’ « images de synthèse ».

Le relief est une petite tricherie. Il fonctionne en imitant les réelles perceptions physiques de l’être humain. On délivre à l'œil gauche l'image que perçoit l'œil gauche, et à l'œil droit, l'image qu'est censé voir l'œil droit. Puisque nos yeux sont écartés d'environ sept centimètres, il existe un petit décalage qui nous permet, avec l'habitude, de percevoir la distance à laquelle se situent les choses. C’est ce qu’on nomme la « parallaxe ».

Pratiquement dans la vie de tous les jours, nous percevons le relief de façon simple et naturelle. Pour retranscrire cet effet au cinéma, à la télévision ou sur un I-pad, il est donc nécessaire de truquer un petit peu les choses.

C’est la raison pour laquelle il est faut porter des lunettes pour voir un film en 3D ?

Oui, car il faut « décorréler » l'œil gauche de l'œil droit. Le truc le plus simple, vieux comme le monde, ce sont les lunettes anaglyphes, dotées d’un œil rouge et d’un œil bleu. Elles permettent de filtrer les couleurs et de percevoir une image séparée ; à dominante rouge pour un œil, bleue pour l’autre.

C'est le même principe avec les lunettes proposées dans les salles de cinéma, mais la technique est plus poussée. Deux systèmes (l’un actif, l’autre passif) coexistent. Les images sont projetées à très grande vitesse sur l’écran. Si on ralentissait le processus, on verrait que les lunettes s'obscurcissent très rapidement, l'œil gauche étant « éteint » pendant que l'œil droit laisse passer la lumière.

C’est le même principe quand on place son doigt près de ses yeux. En fermant alternativement l'œil droit et l’œil gauche, on constate que le fond du décor ne bouge pas, mais que le doigt se situe franchement à gauche, ou franchement à droite. Ce sont ces deux images différentes qui permettent d’apprécier la distance du doigt par rapport au nez. Les lunettes en 3D agissent de la même manière pour représenter les distances au cinéma.

Existe-t-il des caméras différentes pour tourner en 3D ?

Il faut effectivement deux caméras, une pour l'œil gauche et une pour l'œil droit. Concrètement, on peut recourir à une seule machine équipée d’un objectif spécial qui permette d'imprimer, à gauche et à droite, une moitié de négatif ou de capteur numérique. On peut aussi recourir à deux caméras très précisément ajustées et  synchronisées entre elles.

En fait, il s’agit de retrouver un écartement similaire à celui de nos yeux. Parfois, de complexes systèmes font intervenir des miroirs pour s’approcher le plus possible de la vision humaine.

Comment a été tourné Avatar ?

C’est le cas pour les scènes dites « réalistes », mais Avatar est composé d’images de synthèse à 90 %.

James Cameron a tourné en "motion capture" avec ses personnages ; c'est-à-dire qu'ils sont équipés de petits capteurs à partir desquels les ordinateurs reconstruisent, en images de synthèse et en temps réel, leurs avatars (c'est le cas de le dire !).

Ainsi, ce ne sont pas deux caméras réelles qui filment. Les êtres de synthèse sont recréés par l’informatique, et c'est l'ordinateur qui crée virtuellement un œil gauche et un œil droit.

L’image filmée n’est finalement pas utilisée. Tout est recomposé en images de synthèse à partir des capteurs placés sur le corps des personnages. L’ordinateur fabrique ensuite le relief en recalculant deux images au lieu d’une.

N’existe-t-il pas deux types de film : ceux qui ont été tournés en 3D et ceux qui ont été « gonflés » en 3D, après le tournage ?

En vérité, il existe trois sortes de films :


Tout d’abord, ceux qui sont tournés en 3D, avec deux caméras qui filment en numérique et en réel. Cela n’implique pas obligatoirement de gros moyens, mais engage un lourd travail de post-production pour réaliser le relief.

Ensuite, les films en images de synthèse entièrement en relief au sens de la 3D. C’est le cas de toutes les dernières grosses productions américaines, exclusivement créées grâce aux ordinateurs. Nul besoin de caméra physique, ici : seuls comptent les objectifs virtuels. Il en faut au moins deux pour fabriquer de la 3D.

Enfin, certains films correspondent à ce que l’on appelle la « spatialisation ». Là, le tournage s’effectue de manière très classique, parfois avec une seule caméra. Le relief est reconstruit a posteriori, ce qui est très complexe lorsqu’il s’agit de travailler à partir d’une image à deux dimensions.

Dans ce cas, il est fréquent de devoir inventer une partie du décor pour susciter l’impression de profondeur et de relief.

Le résultat de ce dernier type de film peut s’avérer catastrophique, et les spectateurs auront mal aux yeux. Le choc des titans, par exemple, est une spatialisation de très mauvaise qualité. Les producteurs, sensibles à l’engouement du relief, ont absolument voulu créer du relief. Or, celui-ci n’avait pas été pensé avant le tournage du film et il a dû falloir reconstruire ex nihilo des morceaux d'images manquants. Plusieurs jours de travail sont parfois nécessaires pour un seul plan. Cela implique surtout une cohérence et un savoir-faire artistiques manifestement absents de ce film.

Les résultats auxquels nous sommes parvenus avec Les contes de la nuit (Michel Oslo) ou  Titeuf (Zep) sont plus probants, bien que ces films n’avaient pas forcément été initialement pensés pour le relief. Il s’agit presque d’une nouvelle grammaire qui reste à parfaire entre 2D, 3D et relief.

Un ordre d'idée pour le budget ?

Le budget dépend énormément du type d'images, de la longueur des plans… etc. En moyenne, les sommes nécessaires varient de 400 000 à 3 millions d'euros. Certains films américains « spatialisé » a posteriori ont coûté beaucoup plus cher.

Mais cet aspect comptable n’est finalement pas l’essentiel. Disposer de bons outils techniques est une chose ; acquérir l’expérience et le bon sens artistiques pour être capable d’intégrer le relief avec efficacité en est une autre.

Le problème, c'est que le relief n'est pas quelque chose d'objectif. 40 % des spectateurs perçoivent très mal ces films, même avec des lunettes. Or, il faut penser à eux, parler avec eux pour identifier ce qui peut leur être désagréable.

Les jaillissements d’objets trop forts (comme dans la publicité pour les bonbons Haribo) peuvent heurter et, de toute façon, ce n’est pas vraiment du relief – plutôt un effet de parc d’attractions.

Par essence, la 3D doit servir l’immersion du spectateur dans un univers donné. La technique doit se faire oublier. Le relief doit ouvrir une fenêtre. Avatar en est un bon exemple. Le film nous plonge dans la forêt sans que l’on s’en rende compte.

On constate malheureusement aujourd’hui une prolifération de films en relief car ils se vendent plus cher, notamment sur le marché international. Trop souvent la qualité est moyenne. Entre Avatar et le Choc des Titans, il n'y a vraiment pas photo.

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