Les Experts dans les Vosges : jusqu’où peut-on se fier à l'ADN ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'utilisation de l'ADN a révolutionné les enquêtes criminelles.
L'utilisation de l'ADN a révolutionné les enquêtes criminelles.
©Reuters

Colombo reste utile

L'interminable affaire du meurtre de Grégory Villemin vient - encore une fois - d'être relancée par de nouvelles traces d'ADN découvertes sur les cordelettes utilisées pour attacher l'enfant. L'utilisation de l'ADN a révolutionné les enquêtes criminelles, mais est-ce vraiment une manière de fournir des preuves rationnelles et indiscutables ?

Catherine Bourgain

Catherine Bourgain

Catherine Bourgain est chercheuse en génétique humaine et statistiques à l'Inserm et chargée de cours à l'université Paris Sud. 

Elle est notamment l'auteur de ADN superstar ou superflic : les citoyens face à une molécule envahissanteaux éditions du Seuil (2013), et de "Labo Planète" : ou comment 2030 se prépare sans les citoyens

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Atlantico : L'affaire du petit Grégory vient une nouvelle fois de rebondir : une dizaine de profils ADN différents ont été retrouvés sur les cordelettes qui auraient servi à entraver son corps. Cette nouvelle information relance l'enquête, et pose à nouveau la question de la fiabilité des analyses. Quel est le processus d'analyse de l'ADN qui permet d'identifier chaque individu ? 

Catherine Bourgain : Le processus relève de trois étapes : le prélèvement biologique, la transformation de ce prélèvement en une empreinte et ensuite l'établissement du profil génétique. La première étape, qui est primordiale, est celle du prélèvement, et c'est elle qui va déterminer la suite de la réussite ou non de l'analyse de l'ADN, selon l'état de conservation de l'échantillon. Si on a un mauvais matériel au départ, même les analyses les plus sophistiquées n'y changeront rien. Dans le cas du petit Grégory, les prélèvements sont tellement anciens qu'ils sont très difficilement exploitables.

A partir de ces échantillons biologiques, on va isoler et extraire l'ADN présent qui servira à l'établissement du profil génétique. Il faut ensuite prendre une compte une vingtaine de points qui sont susceptibles de varier d'une personne à l'autre. C'est la combinaison de ces points qui va permettre de dresser le profil génétique. Le fait que la probabilité que deux personnes soient identiques sur ces vingts points n'est pas nulle mais très très faible, environ d'un milliard de milliard. Cependant, il est très difficile d'avoir un échantillon en assez bon état pour que les vingt points soient identifiables.

Enfin , on établit des profils, qui seront réalisés selon la combinaison des segments : on fait des modélisations mathématiques afin de savoir quel segment est compatible avec quel segment. Il y a également d'autres éléments à prendre en compte, comme par exemple l'origine des populations dont on étudie l'ADN, car il y a des variations qui doivent être prises en compte lors des calculs à faire. 

L'ADN est souvent considérée comme la "'reine des preuves". Peut-il y avoir des erreurs ? Comment peut-on l'expliquer ? 

Seuls les vrais jumeaux ont des profils ADN totalement identiques. L'ADN n'est pas infaillible, tout dépend de la situation : en cas de situation idéale comme une prise de sang à domicile, la probabilité pour d'erreur est quasi nulle, elle existe mais elle très faible. Mais en général, le prélèvement d'échantillon ne s'effectue pas en situation idéale, et par conséquent l'échantillon est endommagé.
La contamination est également un réel souci : l'échantillon peut aussi être contaminé par les policiers ou même par les professionnels des laboratoires en charge d'analyser les échantillons. Entre le théorique et le pratique, il y a un facteur déterminant et non infaillible : l'humain.

Quelles sont les limites actuelles de l' analyse par l'ADN ? 

Comme je viens de le dire, une des limites est bien évidemment la contamination : on peut prendre toutes les précautions possibles, le facteur humain ne pourra jamais être infaillible : on pourra toujours contaminer un échantillon à tous les niveaux de l'enquête puis de l'analyse. La conservation des échantillons en plein air est aussi très difficile : l'humidité, la température, le vent sont autant de paramètres qui vont déterminer la fiabilité de l'analyse. 

Parfois, il y a également des exceptions, des ADN conservés des milliers d'années, comme celui de l'homme de Neandertal. 

Les avancées scientifiques permettront-elles un jour d'en faire une preuve irréfutable ? 

Il y a beaucoup trop de critères qui échappent au contrôle de la science pour que l'on puisse un jour imaginer que l'ADN puisse être totalement maîtrisé : cela reste un outil dans les mains des hommes. Il ne faut surtout pas envisager que l'ADN puisse être utilisé comme une preuve irréfutable.

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