Airbus et Bœing pourront-ils résister face aux avionneurs des émergents ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Un Airbus A380
Un Airbus A380
©REUTERS/Gonzalo Fuentes

Décollage imminent

Alors que la guerre entre les titans Airbus et Bœing continue de faire rage, la mise en service du Comac C-919 approche à grands pas.

Pierre  Sparaco

Pierre Sparaco

Pierre Sparaco est journaliste aéronautique depuis le début des années soixante. Il est également président de la section Arts, Histoire et Lettres de l’Académie nationale de l’Air et de l’Espace.

Après de nombreuses années consacrées au bimensuel français Aviation Magazine, il a rejoint en 1992 l'hebdomadaire américain Aviation Week & Space Technology.

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Atlantico : Alors que la guerre entre les titans Airbus et Boeing continue de faire rage à grands coups de batteries défectueuses et de commandes indonésiennes, la mise en service du Comac C-919 approche à grands pas. Qui sont les futurs grands avionneurs et à quel horizon pourraient-ils faire de l’ombre aux deux géants Airbus et Boeing ?

Pierre Sparaco : Il faut relativiser avant tout la guerre entre Boeing et Airbus, qui sont en situation de monopole et qui, s’ils sont effectivement en compétition, se partagent en fait le marché de manière assez égale. Ainsi, les différentes dépêches qui avancent que telle ou telle commande peut faire gagner la guerre à l’un ou l’autre prêtent plutôt à sourire tant elles relèvent d’une comptabilité à la petite semaine. Quand on lisse les courbes, on s’aperçoit, comme l’a dit un haut responsable d’Airbus, que dans le cadre de ces duopoles, les deux firmes ne sont appelées qu’à évoluer dans un rapport de force de 40-60% de domination du marché selon les années ou les commandes. Cela s’explique notamment par le fait qu’ils aient le même motoriste et des bureaux d’études de même niveau.

Les prétendants potentiels à l’entrée dans ce duopole, qui du coup n’en serait plus un, sont au nombre de trois : les russes, les chinois et le canadien Bombardier qui est en train de « passer le pied dans la porte ». Il faut tout de même préciser que pour faire une analyse pertinente de ce marché,  celui-ci doit être considéré comme étant celui des avions commerciaux d’au moins cent places, ce qui exclue donc les constructeurs régionaux.

Le premier de ces concurrents est le chinois Comac, qui développe le C-919, appareil qui vise exactement le même marché que les 737 et les A320 et qui sera décliné en « plusieurs longueurs » et donc plusieurs contenances. Les Chinois jouent la prudence aussi bien sur le plan économique que technologique. En effet, Comac est en grande partie financé par des fonds étatiques. Cela doit faire hurler Airbus et Boeing, bien qu’ils ne soient toujours pas allés se plaindre à l’OMC. Sur le plan technologique, ils ont développé un avion fortement occidentaliséà travers un moteur franco-américain et de très nombreux équipements nobles venant de fournisseurs occidentaux, notamment Safran. Le prix de cet avion chinois serait malgré tout probablement affiché à un tarif bien moindre que ceux des européens et des américains.

Se pose malgré tout la question de la stratégie commerciale de Comac.  En effet, si on peut leur laisser le bénéfice du doute sur la fiabilité des appareils, étant donné les équipements occidentaux utilisés, il est difficile de savoir quelles seront les conditions de vente et surtout quels services après-vente ils vont être capables de mettre en place. Aucun observateur ne peut en savoir plus, tant il est difficile, même dans les salons internationaux, de trouver des interlocuteurs compétents - notamment à cause d'une barrière de la langue probablement entretenue artificiellement afin de ne pas trop en dire. Il n’est même pas possible de savoir le prix catalogue de l’avion que les Chinois considèrent pour l’instant comme non-fixé.

Ryanair a signé il y a deux ans un protocole avec Comac, dont j’ai eu la traduction en anglais, qui n’est en fait qu’un accord de bonne volonté qui traite des bons sentiments que les compagnies ont l’une pour l’autre et d’une volonté future de collaborer. Il s’agit donc surtout d’une approche pragmatique de Ryanair qui prétend les mettre sur la ligne des concurrents au renouvellement. Ils n’ont pourtant pas acheté quoi que ce soit, mais 175 Boeing à la place, et s’en justifie en disant que le C919 sera livrable trop tard. Les Chinois ont donc peut-être servi de faire-valoir. Cela dit, le fait qu’une compagnie comme celle-là passe une grosse commande serait peut-être suffisante pour enclencher la pompe.

A la différence des Chinois, les Russes ont un lourd passé aéronautique dont l’expérience et la compétence se ressentiront  sur le plan technologique et le développement des machines. Ils ont cependant eu beaucoup de mal à vendre leur production hors des pays de l'ex-URSS et ont encore aujourd’hui du mal à  avoir les certifications techniques occidentales et en tiennent compte prudemment. Tout comme les Chinois, ils ont aussi des moteurs et des fournisseurs occidentaux, notamment français. Ils ont donc une plus grande crédibilité, mais ils n’ont jamais réussi à s’imposer vraiment sur le marché occidental par manque d’accréditation. Ce n’est donc pas demain la veille que ni eux, ni les Chinois,  se poseront en candidats sérieux aux deux monstres que sont Airbus et Boeing.

Concernant le canadien Bombardier, bien qu’il ait longtemps été sur un marché plus petit d’avions dits régionaux dans de nombreux pays, développés ou émergents, il est aujourd’hui devenu impossible d’ignorer son lancement sur le marché de plus gros avions, notamment des avions C-series d’environ 130 places. La direction vient de plus d’annoncer que cet avion allait être être travaillé pour un passage à 160 places par un court rallongement. Cet avion peut potentiellement inquiéter Airbus et Boeing sur son format, mais lorsqu’une compagnie achète une flotte, ou la renouvelle, elle a souvent besoin de divers avions de divers formats et il est donc plus probable qu’elle s’adresse à un fournisseur unique capable de tous les lui fournir en une commande que de séparer cela en deux achats. Ainsi, il est difficile d’imaginer comment Bombardier pourrait lutter.

Airbus produit aujourd’hui déjà une partie de ses avions en Chine. Par quels moyens Airbus et Boeing pourront-ils concurrencer ces émergents ?

La principale force des constructeurs historiques que sont Airbus et Boeing est le savoir-faire, c’est à dire une exceptionnelle capacité de synthèse entre les meilleures technologies du monde. Cela dit, sur le papier, les Chinois et les Russes ont tout ce qu’il faut à leur disposition pour faire de l’ombre à leurs concurrents dans le temps. Il reste malgré tout la qualité de l’après-vente, car la plus grande hantise d’une compagnie aérienne est d’avoir un ou plusieurs avions coincés au sol. Sans aller jusque-là, bien souvent la peur de l’incident technique fait que l’on a besoin d’avoir à portée de la main tous les équipements de remplacements. Et sur ce point, Boeing et Airbus ont créé des réseaux mondiaux porches de la perfection qui prendront probablement des décennies à être égalés.

Une partie des avions d’Airbus sont construits en Chine. Dans quelle mesure ses constructeurs ont-ils bénéficié de transferts de technologie ?

Airbus a effectivement une usine en Chine mais qui n’est autre qu’une usine d’assemblage et non pas de construction. Il y a donc ce qu‘on appelle dans le système Airbus, conçu il y a 40 ans en même temps que le premier avion, les partenaires. Ces partenaires livrent à la chaine de montage des sous-ensemble construits jusqu’au dernier fil électrique et la Chine ne fait que « boulonner » les pièces entre elles, ce qui ne se prête pas vraiment au transfert de technologie.

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