Après la papamania pascale, les choses sérieuses vont commencer pour François<!-- --> | Atlantico.fr
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Le pape François a dessiné son style propre, reconnaissable et identifiable.
Le pape François a dessiné son style propre, reconnaissable et identifiable.
©Reuters

Au tournant

Si le week-end pascal a été l'occasion pour le pape François d'imprimer sa marque, les prélats de curie attendent désormais qu'il révèle le nom du prochain secrétaire d'Etat du Vatican.

Nicolas Diat

Nicolas Diat

Nicolas Diat est considéré comme un des meilleurs spécialistes du Vatican. 
 
"Un temps pour mourir" de Nicolas Diat
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Atlantico : Comment le pape François a-t-il imposé sa marque à l'occasion de cette Semaine sainte et de ce premier week-end pascal ? 

Nicolas Diat : Il y a chez le pape François une approche très maîtrisée des relations publiques. Sa spontanéité et son approche très « normale » des gestes pontificaux, sa conception d’une papauté plus « ouverte », qui ravissent à l’extrême les médias internationaux, tous ces aspects sont parfaitement pensés par le nouveau pape. A la tête d’un immense diocèse, Buenos Aires, il a parfaitement analysé les mécanismes de l’image et de l’opinion médiatique. En ce sens, François mesure précisément les conséquences de chacun de ces gestes. Lorsqu'il lave les pieds d'une musulmane dans une prison pour mineurs, il envoie un signal dont il est tout à fait conscient. De même, lorsque, comme hier, François a appelé personnellement le secrétaire du pape Jean XXIII, Monseigneur Loris Capovilla, il sait bien que son geste sera commenté et analysé. Il y a de ce point de vue-là, évidemment, une forme de retour aux années Jean-Paul II. Par ailleurs, il existe depuis son élection une forme de contre-exemple par rapport à l’idée que l’ancien pape se faisait de la communication. Benoît XVI se refusait, par tempérament mais aussi de façon volontaire, à se mettre en avant. Il considérait que la fonction pontificale ne devait pas être un écran entre les fidèles et les choses spirituelles. Joseph Ratzinger disait souvent que l’Eglise ne devait pas regarder le pape mais le Christ.

Pourtant, au-delà de ces considérations, il faut bien comprendre que la spontanéité de François est d’abord l’expression de sa personnalité, une façon d'être qui n'est pas du tout travaillée. Un cardinal qui le connaît depuis plus de 30 ans m’a confié qu’il le retrouvait depuis son élection telle que le jésuite argentin a toujours été. François n'est d’ailleurs entouré d’aucun conseiller pour sa communication propre.

En fait, on ne peut nier qu’il existe une bulle médiatique autour des gestes de François, une bulle spéculative qui agit à la manière d’une loupe grossissante, où chaque parole et chaque geste devient prétexte à la fabrication d’un évènement médiatique, supposé être accueilli favorablement par l’opinion publique. Cette loupe existait déjà du temps de Benoit XVI mais elle fonctionnait en sens opposé ! A lire certains papiers parlant des foules qui viennent Place Saint Pierre, on a parfois l’étrange sentiment que plus personne ne venait voir Benoît XVI… Ce qui est grossier et faux. C’est même d’autant plus ridicule que le jour de l'intronisation de François, le 19 mars, il y avait 200 000 personnes place Saint-Pierre, alors que pour Benoit XVI, en avril 2005,  il y en avait 500 000… 

Comment le style de François est-il perçu au Vatican ? Existe-t-il une forme de première déception ? 

A l’heure actuelle, la curie est à la fois dans une position de bienveillance mais aussi d’attente. Certes, beaucoup de prélats sont assez étonnés que le pape n’ait toujours pas rejoint l'appartement, au troisième étage des palais, dévolu au Saint-Père. Le pape François préfère rester à la maison Sainte-Marthe où il loge depuis le début du conclave.

Mais il ne faut pas oublier trop vite que le cardinal Bergolio a été élu à une écrasante majorité, certainement autour de 90 voix, en cinq tours de scrutin. Certains cardinaux se sont forcément ralliés à lui sans vraiment le connaître mais parler de premier désamour ou de déception, c'est aller un peu vite dans l’analyse. Pour l'instant, si certains prélats ont pu être déstabilisés par certains gestes, la curie se garde de tout commentaire.

En fait, les prélats de curie sont quasi exclusivement dans l’attente du choix du prochain secrétaire d'Etat. Et sur ce point, il semble que François ne veuille pas se précipiter.

Il s’agit d’une décision capitale : le poste de secrétaire d'Etat est une fonction extrêmement lourde, à l'interface de presque tous les dossiers qui passent à Rome. Il est incontestable que François ne peut pas se permettre de faire un choix qui diviserait trop la curie. Il doit choisir un profil qui lui corresponde, d’un point de vue personnel, tout en étant rassembleur pour toutes les « sensibilités curiales ». Il s’agit de la personne qui devra porter les réformes voulues par François. 

Depuis son élection, il y a trois semaines, le pape François a dessiné son style propre, reconnaissable et identifiable, et auquel les foules et les fidèles adhèrent.

Pour autant, après cette première période pendant laquelle il a posé les premières pierres de son pontificat, il est attendu sur des décisions concrètes. La première partie est à l'évidence réussie, mais ce n'était pas forcément la partie la plus difficile.

Justement, les attentes des fidèles ne risquent-elles pas d’être déçues ?

Pressentant une forme de hiatus entre la présentation médiatique de ces attentes et la réalité des dossiers à traiter, le directeur de la salle de presse, le père Lombardi, a opportunément, pendant le week-end de Pâques, précisé qu'il ne fallait pas s'attendre à des "révolutions".

En observateur très fin, et je dirais même en politique avisé, François est très conscient du fait que cette forme d'état de grâce connaîtra une certaine fin qui viendra au moment où seront prises les premières décisions importantes sur la réforme de la Curie et de l'Eglise.

Le pape n’en fait donc pas trop ?

Alors autant considérer que Jean-Paul II en « faisait trop » aussi, ce qui bien sûr n’était pas le cas ! Certes, le pape polonais, ancien acteur de théâtre dans sa jeunesse, posait des gestes forts et savait comme personne parler aux foules du monde entier. Cette forme de présence irradiante et visuelle avait des buts spirituels et politiques – au moment des voyages en Europe de l’Est par exemple – que Jean-Paul II maîtrisait complètement. En fait, le pape François est beaucoup plus réservé que l'image qui s’est construite autour de lui. Il a certes cette chaleur très latino-américaine, il n’a pas cette timidité de Benoît XVI mais François est également dans une forme de mise à distance. S’il répond aux foules, il ne cherche ni les acclamations ni les élans populaires.

Son humilité n’a rien de factice. C'est une humilité très marquée par la formation jésuite, qui repose d’abord sur les exercices spirituels de Saint Ignace, une façon d’entrer en soi-même, de mettre à l’écart les épanchements et les passions, une ascèse de l’ego.

Si certains peuvent être très attentifs à ce que cette humilité ne soit pas une forme d'humilité humiliante pour l'Eglise, rien ne permet de faire ce procès au pape.

Quand il refuse de rentrer dans les appartements pontificaux ou qu’il célèbre la messe dans la chapelle de la résidence Sainte-Marthe, tôt le matin, avec les jardiniers et les éboueurs du Vatican, il s’agit d’une démarche sincère qui traduit aussi sa peur d’entrer dans un système qui enferme. Jean-Paul II et Benoît XVI, avec leurs deux caractères propres, se sont aussi défier de ces carcans.

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