Mobiliser l'épargne salariale pour relancer l'automobile est-il vraiment le moyen de donner aux Français l'envie d'acheter des voitures "made in France" ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Français n'achètent plus vraiment de voitures "made in France".
Les Français n'achètent plus vraiment de voitures "made in France".
©Reuters

Faux coupable

Patrick Bailly, président du Conseil national des professions de l'automobile (CNPA), a proposé de débloquer l’épargne salariale pour relancer le marché de l’automobile. Si les Français n'achètent pas de voitures françaises, est-ce vraiment parce qu'ils n'en ont pas les moyens ?

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Afin de relancer un marché de l’automobile qui ne cesse de décrocher, le conseil national des professions de l’automobile (CNPA) a proposé au gouvernement que les réserves de participation et d’intéressement puissent être débloquées pour l’achat d’un véhicule neuf. Cette formule ne manque pas d’intérêt car, contrairement à la prime à la casse, elle n’implique pas d’argent public. Toutefois elle ne touche qu’un nombre limité de Français et pourrait facilement apparaître discriminatoire. Mais si elle contribue de façon habile, bien que partielle, à faciliter le financement de l’achat d’un véhicule, elle répond à un problème mal posé. En effet ce n’est pas le manque de liquidité qui bloque l’achat des véhicules, mais une attitude générale tenace qui, dans notre pays, est la préférence pour l’épargne.

Le secteur de la consommation tout entier, automobile, mais aussi textile, électroménager, et bien évidemment bâtiment, souffre de l’incertitude économique régulièrement dramatisée par la crise à répétition de l’euro dans les pays du Sud de l’Europe. Plus encore l’absence de croissance qui pèse autant sur le chômage que sur la croissance des revenus, associée à l’augmentation des prélèvements sociaux et fiscaux dans toutes les catégories de la population ne fait que pousser les ménages à protéger leur épargne pour financer un avenir incertain pour eux et pour leurs enfants. Ce principe de précaution est plus fort que toutes les incitations à la dépense. D’ores et déjà les Français, qui ne cessent d’augmenter  depuis plusieurs années leur épargne liquide, disposent d’une épargne largement suffisante pour financer le renouvellement de leur automobile personnelle. La question politique majeure dans notre pays est bien en revanche d’orienter les 16,8% d’épargne des ménages vers l’investissement productif.

C’est pourquoi il faut ajouter à cette incertitude générale les paramètres propres au marché de l’automobile. Depuis plusieurs années, les conducteurs ont appris à compter le vrai coût de possession de leur véhicule qui ne se limite pas à l’achat, mais implique de façon récurrente, de multiples dépenses qui ne baissent pas : carburant, assurance, péage, stationnement, amendes, pièces détachées… Ils tendent donc à prolonger la vie de leur véhicule actuel le plus longtemps possible.  Dans un marché où 90% des ménages sont déjà motorisés et qui n’est donc qu’un marché de renouvellement, ils cherchent à limiter leur budget automobile global dont une part est déjà contrainte et inéluctable.

Relancer la demande automobile en France relève d’une alchimie complexe dont les éléments sont contradictoires. D’un côté le secteur automobile produit des revenus privés et des taxes publiques, vecteurs de créations d’emploi dont l’économie a bien besoin. De l’autre, l’automobile génère des déséconomies externes - encombrement, pollutions, émissions de CO2, accidents - contre lesquelles tous les gouvernements luttent. L’économie de l’automobile est un équilibre précaire aux équations multiples pour lesquelles il n’existe pas de solution simple. Il semble toutefois que, rationnellement, l’avenir appartient aux véhicules à faible émission, légers et peu consommateurs de ressources, dont l’énergie et l’espace. Mais, effectivement, les consommateurs ne sont pas attirés par ces véhicules-là. Le trop lent décollage du véhicule électrique et hybride montre que la raison ne gouverne pas encore complètement le marché automobile.

Tant que les signaux économiques seront sombres, les ménages resteront attentistes en ce qui concerne leur deuxième poste de dépense après le logement. Les efforts des constructeurs pour baisser le coût d’achat, ou multiplier une offre de produits nouveaux sans réelle rupture dans le coût d’usage, se heurteront au principe de réalité. Il reste aux constructeurs et au pouvoir public à répondre aux deux questions fondamentales du marché : pourquoi changer tant que mon véhicule me donne satisfaction pour un prix et une technologie rassurants ? Quelle nouvelle offre me fera craquer dans un contexte sociétal plus favorable à un usage pacifié de l’automobile individuelle ?

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